FINIR L’ACTE DEUX

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Vers la fin de l’acte Deux, le héros se retrouve souvent psychologiquement ou physiquement et parfois les deux au point le plus bas. Il connaît un véritable nadir et nous partageons, lecteur et spectateur que nous sommes, cette désespérance apparemment insoluble.

H.R. D’Costa constate aussi que ce moment est, pour le héros, le point le plus éloigné, dans le cours du récit, de son objectif. Tout comme ce personnage l’est au début du récit.

Au début du deuxième acte, il ne sait généralement pas quelle est la véritable nature – ou même l’identité – du méchant. Les compétences dont il a besoin pour atteindre son objectif final n’en sont probablement qu’à leur début. S’il doit travailler avec un groupe, la cohésion de celui-ci est faible. S’il doit courtiser une femme, elle est immunisée contre l’attention qu’il lui porte.

A la fin de l’acte Deux, les choses ont évolué

À la fin du deuxième acte, ces circonstances ont changé. Le héros connaît l’identité du méchant – il lui suffit maintenant de l’appréhender. Il a atteint au moins une demi-maîtrise de la compétence qu’il a essayé d’apprendre. Son équipe a appris à travailler ensemble (en quelque sorte, le groupe s’est autonomisé ce qui est en soi un dépassement de l’individu sans nuire à l’individu). La fille a finalement succombé à ses charmes ou l’héroïne décide d’assumer les complications liées à une nouvelle relation amoureuse.

Le héros (ou l’héroïne) a accumulé des connaissances, s’est spécialisé dans un domaine, a réuni autour de lui des alliés et tout cela le met dans une position supérieure à ce qu’elle était lorsque le récit a commencé.

Il manque pourtant quelque chose. Il pourrait être hanté par des traumatismes personnels ou un quelconque spectre comme le doute de soi par exemple qui l’empêchent d’utiliser tout son potentiel.
Il pourrait être accablé sous le fardeau d’une fausse identité (H.R. D’Costa pense ici à la personæ, cette identité d’emprunt que nous opposons aux regards des autres).

Il pourrait s’appuyer trop fortement sur un mentor, une relation amoureuse ou l’organisation qui l’a engagé au lieu de compter sur ses propres ressources. Il pourrait être aussi tout simplement effrayé. Et comme la peur est une idée, elle peut prendre un nombre presque infini de formes. Vous pourriez avoir par exemple un personnage qui nuit aux autres non pas sur un plan personnel mais parce qu’il craint ce que les autres représentent et qu’il ne veut surtout pas connaître. Ce mal qu’il fait est comme un moyen de défense.

Le personnage pourrait vouloir aussi atteindre son objectif (c’est son désir dans cette histoire singulière) par le chemin qui offre le moins de résistance. C’est une attitude naturelle mais qui ne peut jamais être totalement satisfaisante même si elle est l’occasion de quelques petites victoires au début de l’acte Deux.

L’enfer, aussi négatif et désagréable soit-il, est exactement ce dont votre héros a besoin pour repousser ses démons, abandonner ses anciennes habitudes, surmonter sa résistance innée au changement.

Parce que votre héros a touché le fond, il est assez désespéré pour prendre le chemin de la résistance et affronter ce qu’il essayait justement d’éviter, constate H.R. D’Costa. Dans cette tâche, il s’épanouira pour devenir la personne qu’il a toujours voulu être. En d’autres termes, cette défaite épique contient les germes d’une victoire durable.

Un reflet de notre vie

Dans la nature, par exemple, après avoir passé des semaines à s’occuper de leurs bébés, les oiseaux poussent leurs petits hors de la sécurité du nid afin qu’ils apprennent à étirer leurs ailes et à voler.

Si vous examinez la fin du deuxième acte sous cet angle, le succès n’est pas aussi éloigné que votre héros l’imagine – il doit juste patienter encore un peu comme l’oisillon avant qu’il ne prenne son vol. Il lui faut seulement une incitation à se dépasser, à devenir autre.

C’est le concept d’eucatastrophe forgé par Tolkien. Aussi sombres et mauvaises et terribles que soient les choses, il y a un moment de changement, un moment où l’obscurité se transforme en lumière, où l’aube dissipe la nuit… l’événement heureux s’ensuit… émane du mal.

Nous avons un terme très familier, la catastrophe, qui est un changement soudain du bien au mal. Et Tolkien a dit qu’en fait, il y a tout le contraire, l’eucatastrophe, qui est le passage soudain, imprévu et imprévisible du mal au bien.

acteTolkien a associé l’eucatastrophe à l’histoire du Christ, à l’idée que de la tragédie de la Crucifixion pourrait naître le salut de l’humanité tout entière. Mais il le trouve non seulement dans la Résurrection, mais aussi, avec force, dans les contes de fées.

Aux yeux de Tolkien, il semble que l’eucatastrophe soit particulièrement applicable à la fin des histoires. C’est ce moment du climax, ce point culminant, où il semble que, malgré ses efforts, le héros sera vaincu… Seulement les choses tournent soudainement en sa faveur.

H.R. D’Costa distingue le climax de la fin de l’acte Deux. En effet, le climax pourrait débuter l’acte Trois. Selon H.R. D’Costa, la fin de l’acte Deux est un concept indépendant sur lequel on peut appliquer la définition de l’eucatastrophe.

Et lorsque le négatif ouvre la voie au positif, cela peut se manifester sous toutes formes créatives.

Une croissance sans entrave

Le héros est généralement tributaire du soutien de son mentor ou du contexte de la mission. Mais pour vaincre le méchant, le héros devra lâcher prise. L’acte héroïque n’est pas relatif à son environnement. Il existe en soi (par lui-même et en nous) sans aucune relation au monde extérieur. Intérieurement, en revanche, les circonstances peuvent inciter l’acte héroïque à se produire. Parfois à l’étonnement même de celle ou celui qui accomplit cet acte.

Comme la plupart d’entre nous, les héros et héroïnes sont souvent résistants au changement et, par conséquent, ils hésitent à se séparer volontairement du groupe.

Cependant, le choix est hors des mains du héros. Son mentor peut mourir, son organisation peut le renvoyer. Quoi qu’il en soit, bien que ce moment soit dévastateur pour le héros, il contient paradoxalement les germes d’une future victoire.

acteStar Wars, Épisode IV : Un nouvel espoir est un exemple classique. Jusqu’à ce qu’il soit tué par Dark Vador, Obi-Wan enseigne à Luke Skywalker les méthodes de la Force.
Mais Obi-Wan n’est pas là pour mener les batailles de Luke à sa place. Même si Obi-Wan parvient à communiquer avec Luke depuis l’au-delà, ce dernier doit encore apprendre à se fier à ses propres instincts et à affiner sa maîtrise de la Force. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, le développement de Luke est facilité par la mort d’Obi-Wan car cette perte oblige Luke à grandir.

Il y a un moment où le héros doit être laissé seul sans personne pour l’aider… à un moment donné… tout ce qui est censé aider le héros doit être enlevé, et il doit affronter le monstre maléfique seul, confirme George Lucas.

Pour se libérer de ce qui l’entrave, un héros n’a pas besoin de regarder la mort en face. Au lieu de cela, il peut perdre l’accès aux ressources dont il avait l’habitude. Il peut être renvoyé de sa communauté, ou peut-être banni dans un autre lieu.

Cette perte, paradoxalement, est généralement une bénédiction. Le héros peut manquer de ressources essentielles, mais il n’est pas contraint par les règles de son organisation. Il est libre d’agir selon son instinct.

Une relation affective

Les couples romantiques sont à l’origine de nombreux scénarios, il n’est donc pas surprenant que ces relations soient souvent au cœur de la nature paradoxale d’une prédiction que l’enfer est au-devant de soi. Souvent, ce genre de paradoxe adhère à l’expression que l’absence fait fondre le cœur, selon H.R. D’Costa.

En d’autres termes, un héros n’est pas capable de reconnaître ou d’admettre la vraie valeur de son objet d’affection – jusqu’à ce qu’il le perde. Par exemple, dans Quand Harry rencontre Sally, Harry ne réalise à quel point il a besoin de Sally – à la fois comme amante et comme amie – qu’après qu’elle l’ait exclu de sa vie.

L’un des aspects les plus précieux de l’amour est son implication dans l’acceptation.
Quand on aime vraiment quelqu’un, on l’accepte, avec ses défauts et tout le reste. Cette facette de l’amour est problématique pour les héros qui cachent leur véritable identité à ceux qui leur sont chers.

Lorsqu’un héros persiste à cacher son moi authentique à l’héroïne, son secret menace de détruire sa relation de l’intérieur.

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Si un héros veut une vraie relation, construite sur des bases solides, il est impératif qu’il révèle qui il est à son partenaire romantique. Cependant, personne n’aime qu’on lui mente, et cette révélation, aussi nécessaire soit-elle, met en péril la relation même que le héros cherche à renforcer, constate H.R. D’Costa.

Nous pourrions rapprocher cette analyse de ce qu’il se passe dans I Feel Good de Benoît Delépine et Gustave Kervern. La révélation de l’amour que Jacques porte à sa sœur se révèle effectivement terriblement dramatique mais c’est aussi l’histoire d’un être foncièrement égoïste, dont le seul intérêt est lui-même, qui se tourne enfin vers les autres, vers la vie ou plutôt sur ce que la vie a de plus intense et sincère à offrir.

Une nouvelle connaissance et une stratégie de sauvegarde

Afin d’élaborer une stratégie gagnante pour son combat final contre le méchant, un héros de scénario a souvent besoin d’informations critiques. Mais l’obtention de ces informations n’est pas sans coût. Et paradoxalement, cette stratégie implique que le héros doit d’abord perdre quelque chose. Parfois, le héros doit traverser l’enfer pour pouvoir s’échapper. Tout comme l’obtention d’informations essentielles, cette possibilité n’est pas sans coût.
Par exemple, la mort de Obi-Wan permet à Luke et compagnie d’embarquer à bord du Millenium et de fuir l’Étoile de la Mort. Il arrive assez souvent qu’un personnage clé (dont on a pris l’habitude au cours du récit) se sacrifie lui-même afin que ses amis puissent s’échapper en toute sécurité.

Certes, toutes les fins d’acte Deux n’ont pas être eucatastrophiques. Une belle semence ne germe pas du champ de la défaite ; aucun avantage ne découle directement de l’expérience éprouvante du héros. C’est comme dans nos réalités en somme.

Pour mieux s’expliquer sur ce point, H.R. D’Costa évoque Le Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours.

Une attaque par des créatures ressemblant à des hyènes, connues sous le nom de wargs, fait tomber l’un des héros (Aragorn) d’une falaise. Présumant qu’il est mort, ses camarades le laissent derrière eux. L’expérience douloureuse d’Aragorn n’a rien de bénéfique. Mais sa disparition, ainsi que son retour triomphal, ont donné lieu à une expérience cinématographique captivante.

En fait, c’était là tout l’intérêt de cette déviation majeure par rapport à la matière originale. Comme l’explique Peter Jackson (réalisateur et co-scénariste) : La supposée mort d’Aragorn ici est juste une façon d’essayer de créer ce moment horrible dans un film où vous pensez que l’un des héros est mort… dans La Communauté de l’Anneau, nous avons été beaucoup plus chanceux parce que Gandalf et Boromir sont morts… ce qui a vraiment donné beaucoup de puissance à cette histoire… nous aurions certainement manqué de cette puissance dans Les Deux Tours, et je pense que c’est une des raisons pour lesquelles nous avons fini par faire tomber Aragorn de la falaise… nous avons juste senti que nous devions mettre un peu de poids dans l’histoire parce qu’elle en aurait manqué sinon.

Cette façon d’envisager les choses donne du poids à votre histoire à un moment où l’intérêt du lecteur diminue généralement. Sans cela, toute la tension de l’histoire disparaîtrait.

En conclusion, interrogez-vous sur la nécessité de la conclusion de votre acte Deux tel que vous le concevez.

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