CAMPBELL : LE RITUEL ANIMAL

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Inspirons-nous de Joseph Campbell pour quelque matériau dramatique.
Le mythe fondamental de la chasse est une sorte d’alliance entre le monde animal et le monde humain, où l’animal donne sa vie volontairement. Ils sont généralement considérés comme des victimes consentantes, étant entendu que leur vie, qui transcende leur entité physique, sera rendue au sol ou à la mère nature par un quelconque rituel de restauration.

Des rituels et des animaux

joseph campbellEt les principaux rituels, par exemple, et les principales divinités sont associés au principal animal chassé, l’animal qui est le maître des animaux, qui envoie les troupeaux se faire tuer par les hommes. Le maître des animaux est celui qui fournit la nourriture.

Pour les Indiens des plaines américaines, c’était le buffle. Pour les Indiens de la côte nord-ouest, c’est le saumon. Les grandes fêtes ont trait à la montaison des saumons.
Quand vous allez en Afrique du Sud, l’éland du Cap, cette grande et magnifique antilope, est l’animal le plus important pour les Bushmen, par exemple.

Il s’est donc développé entre les êtres humains et les animaux, un lien qui exigeait que l’un soit consommé par l’autre. C’est ainsi que va la vie.

Et les premiers hommes étaient déjà concernés. Ils possédaient leurs propres rites.

Des rituels d’apaisement, de remerciement à l’animal en sont un exemple. Lorsque l’ours est tué, il y a une cérémonie qui consiste à donner à l’ours un morceau de sa propre chair. Et puis il y aura une petite cérémonie où la peau de l’ours sera placée sur une sorte de râtelier, comme s’il était présent – et il est présent, il sert sa propre viande pour le dîner.

Les preuves archéologiques indiquent que les premiers enterrements humains ont coïncidé avec les premières utilisations d’autels et de sanctuaires, et les rituels d’apaisement, de gratitude et d’émerveillement qui ont dû y être associés.

joseph campbellL’ours, en particulier, a conservé sa signification religieuse chez les premiers Celtes, les tribus de Sibérie et les Aïnus traditionalistes survivants du nord du Japon.

Un aspect très intéressant ici est l’identité du chasseur avec l’animal. Une fois l’animal tué, le chasseur doit ensuite accomplir certains rites dans une sorte de participation mystique avec les animaux dont il a provoqué la mort et dont la chair doit devenir sa vie.

La mise à mort n’est donc pas un simple abattage, en tout cas, c’est un acte rituel. C’est une reconnaissance de votre dépendance et du don volontaire de cette nourriture par l’animal qui vous l’a donnée. C’est une belle chose, et cela transforme la vie en une expérience mythologique nous dit Joseph Campbell.

La chasse comme rituel et la culpabilité évacuée

La chasse est un rituel exprimant un espoir de résurrection, que l’animal est une nourriture physique et spirituelle et que l’animal participe de la résurrection. Ce respect envers l’animal dans ce système cérémonial de la chasse est ce qui fascinait Joseph Campbell.

Le respect de l’animal et plus que le respect parce que cet animal devient un messager de la puissance divine. Et vous vous retrouvez comme le chasseur tuant le messager, tuant le dieu.
La culpabilité est annihilée par le mythe. Reconsidérons ce rituel de l’ours.

Au Japon, à Hokkaido, dans le nord du pays, chez les Aïnus, dont la principale divinité de la montagne est l’ours, lorsqu’il est tué, il y a une cérémonie qui consiste à donner à l’ours un festin de sa propre chair, comme s’il était présent, et il est présent.

Il a servi sa propre viande pour le dîner, et il y a une conversation entre le dieu de la montagne, l’ours et la peuplade. L’ours et le dieu de la montage disent : Si vous nous donnez le privilège de vous divertir à nouveau, nous vous donnerons le privilège d’un autre sacrifice d’ours.

Si l’ours des cavernes n’était pas apaisé, les animaux n’apparaîtraient pas, et ces chasseurs primitifs mourraient de faim. Ils ont donc commencé à percevoir une sorte de pouvoir dont ils étaient dépendants, plus grand que le leur.

Et c’est le pouvoir du maître des animaux (non l’homme, mais l’animal le plus chassé et donc forcément le plus adulé). De nos jours, chez certains croyants, quand nous nous asseyons pour un repas, nous remercions Dieu ou notre idée de Dieu, de nous avoir donné ce repas. Ces hommes primitifs remerciaient l’animal.

Pour Joseph Campbell, ce sont les premières preuves d’un acte de culte d’une puissance supérieure à l’homme. Et l’animal était supérieur car il nourrissait l’homme.

Contrairement à notre relation actuelle avec les animaux, où nous considérons les animaux comme une forme de vie inférieure, et dans la Bible on nous dit que nous sommes les maîtres, constate Joseph Campbell, les premiers chasseurs n’ont pas cette relation avec l’animal. L’animal est supérieur à bien des égards, il a des pouvoirs que l’être humain n’a pas.

Je me permettrais d’ajouter cette nuance aux propos de Joseph Campbell en rappelant une hiérarchie qui consiste à placer à la base de la pyramide la matière, l’inerte, l’inorganique dont tout est fait, le vivant comme le non-vivant : minéral, végétal et animal.

Juste au-dessus se trouve l’organique, le vivant dont est exclu le minéral. Au-dessus apparaît l’animal, le règne animal dans lequel l’animal au sens commun et l’humain sont indifférenciés. Et au sommet de la pyramide apparaît l’humain qui se distingue de l’animal essentiellement par une conscience plus élaborée car elle permet la réflexivité (c’est-à-dire notre capacité à nous penser nous-mêmes).

L’anthropomorphisme entre en jeu

Et puis certains animaux s’affublent d’un visage. Ce fut le cas avec le buffle, le corbeau, l’aigle par exemple.

joseph campbellCampbell se remémore un voyage qu’il fit sur la côte nord-ouest des États-Unis en 1932. Les Indiens qui se trouvaient sur son chemin continuaient à sculpter des totems. Les villages avaient toujours de nouveaux totems. Et là, nous avons vu les corbeaux et nous avons vu les aigles et nous avons vu les animaux qui jouaient des rôles dans les mythes. Et ils avaient le caractère, la qualité, de ces animaux.

C’était une connaissance très intime et une relation amicale, de voisinage, avec ces créatures. Et puis ils ont tué certains d’entre eux. L’animal a contribué à façonner les mythes de ces gens, tout comme le bison a joué un rôle énorme pour les Indiens des plaines. Ce sont eux qui ont apporté le don du tabac, la pipe mystique et tout ce genre de choses, cela vient d’un buffle.

Et quand l’animal devient le donateur d’un rituel, on lui demande des conseils, et l’animal devient un modèle de vie.

Il y a une légende fondamentale de la tribu des Blackfoot, et c’est la légende d’origine de leurs rituels de danse du buffle, par lesquels ils invoquent la coopération des animaux dans ce jeu de la vie.

Quand on connaît la taille de certains de ces groupes tribaux, on se rend compte que pour les nourrir, il faut beaucoup de viande. Et une façon d’acquérir de la viande pour l’hiver serait de conduire un troupeau de buffles et de le faire se ruer le long d’une falaise rocheuse.

Cette légende est celle d’une tribu de Blackfoot, il y a très, très longtemps. A l’approche d’un hiver, les Blackfoot ne réussirent pas à faire passer les bisons par-dessus la falaise. Le bison s’approchait de la falaise et se détournait du vide. Il semblait donc qu’ils n’allaient pas avoir de viande pour cet hiver-là.

La fille d’une des maisons, se levant tôt le matin pour puiser de l’eau pour la famille regarde en haut et là, juste au-dessus de la falaise, se trouvaient les buffles. Et elle dit : Oh, si seulement tu acceptais de sauter, j’épouserais l’un d’entre vous.
Et à sa surprise, ils ont tous commencé à sauter dans le vide. C’était la surprise numéro un.

La surprise numéro deux, c’est quand un des vieux bisons, le chaman du troupeau, est venu et a dit : « D’accord, fillette, on y va. » « Oh, non« , dit-elle. « Oh, oui, » dit-il, « tu as fait ta promesse. Nous avons tenu notre part du marché, regarde tous mes frères et sœurs sont morts ici. 

Où est Minnehaha ?

La famille se lève à son tour et regarde tout autour d’elle, mais où est Minnehaha ? Le père, et vous savez comment sont les Indiens, observe et dit : « Elle s’est enfuie avec un buffle. » Il pouvait le voir par les traces. Alors il dit : « Eh bien. Je vais la récupérer.« 

Alors il met ses mocassins de marche, prend son arc et ses flèches et s’en va dans les plaines. Il parcourut une certaine distance lorsqu’il sentit qu’il ferait mieux de s’asseoir et de se reposer, et il arriva à un endroit appelé Buffalo Wallow, une dépression du terrain où les bisons aiment venir se rouler dans la boue et se débarrasser des poux.

Il s’assied donc là et réfléchit à ce qu’il devrait faire maintenant, quand une pie arrive. C’est un bel oiseau qui scintille, et c’est un de ces oiseaux intelligents qui ont des qualités chamaniques et magiques.

Et l’homme lui dit : Oh, bel oiseau, ma fille s’est enfuie avec un buffle. L’as-tu vu ? Vas-tu chasser dans les environs et voir si tu peux la trouver dans la plaine quelque part ? Et la pie lui dit : Il y a une jolie fille avec les buffles en ce moment, là-bas, juste un peu plus loin.
Et l’homme dit : tu veux bien aller lui dire que son père est ici, son père est ici à la fosse aux bisons ? La pie s’envole et la fille est là, parmi les bisons ; ils sont tous endormis. Et la pie s’approche d’elle et lui dit : Ton père t’attend à la fosse aux bisons.

Oh, dit-elle, c’est terrible, c’est dangereux, je veux dire, ces buffles, ils vont nous tuer. Dis-lui d’attendre, je vais venir, je vais essayer de régler ça.

Alors son mari buffle se réveille et enlève une corne. Il dit : Va à la mare me chercher à boire. Alors elle prend la corne et va là-bas et voilà son père. Il l’attrape par le bras et lui dit : Viens.
Elle lui dit : Non, non, non, c’est très dangereux. Tout le troupeau là-bas, ils seront juste après nous. Je dois régler ça, maintenant laisse-moi y retourner.

Alors elle prend l’eau et s’en retourne. Son mari bison dit : je sens le sang d’un Indien.

Et elle dit : Non, rien de ce genre. Et il dit : Si, en effet. Alors il fait un beuglement de bison et ils se lèvent tous, vont à la mare aux bisons et ils font une danse lente et ils piétinent ce pauvre homme à mort, de sorte qu’il disparaît entièrement dans la boue. Il est brisé en mille morceaux.

La fille pleure, et son mari buffle lui dit : Alors tu pleures ? C’est mon papa, lui dit-elle. Il dit : Oui, mais nous ? Il y a nos enfants, nos femmes, nos parents, et tu pleures à cause de ton père ?

Apparemment, c’était une sorte de buffle compatissant, et il dit : Si tu peux ressusciter ton papa, je te laisserai partir.

La résurrection

Alors elle se tourne vers la pie et lui dit : Vois si tu peux trouver un peu de papa. Et la pie le fait, et elle finit par trouver une vertèbre, juste un petit os. Et la fille dit : C’est suffisant. Maintenant, on va poser cela par terre. Et elle met sa couverture par-dessus, et elle psalmodie un chant vivant, un chant magique d’une grande puissance. Et maintenant, il y a un homme sous la couverture.

Elle regarde, papa est là, mais il ne respire pas encore. Encore quelques strophes de la chanson, et il se lève, et les buffles sont stupéfaits.
Et ils lui disent : Pourquoi ne fais-tu pas cela pour nous ? Nous allons vous apprendre notre danse du buffle, et quand vous aurez tué nos familles, vous ferez cette danse et chanterez cette chanson, et nous serons tous de retour à la vie.

Pour Joseph Campbell, cette légende relate l’idée fondamentale, qu’à travers le rituel, on atteint cette dimension qui transcende la temporalité et à partir de laquelle la vie va et vient.

Et cela revient à toute cette idée de la mort, de l’inhumation et de la résurrection, non seulement pour les êtres humains, mais pour les animaux aussi. Et lorsque le fait historique rejoint la légende, nous avons un homme blanc venu abattre cet animal de vénération. Et ce fut une violation sacramentelle. Un sacrilège.

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