Toutes les tribulations et pérégrinations du personnage habituellement principal le mènent irrésistiblement à connaître un grave moment de crise personnelle. Le héros connaître un sérieux moment de doute. A un moment de l’histoire, il est au plus bas.
Le lecteur ressent non seulement la douleur que votre héros subit actuellement, mais aussi celle qui résulte de toutes les pertes antérieures (et celles-ci pourraient commencer avec l’incident déclencheur). Le lecteur ne fait probablement pas la liste de tous ces deuils, abandons ou défaites divers et variés mais inconsciemment, il réagit à cet effet cumulatif, à ce sentiment de perte dont il partage avec le personnage principal le fardeau.
Une tragique accumulation
Comme le dit Aristote, le tout est plus grand que la somme de ses parties« .
De même, l’effet émotionnel de l’accumulation de moments douloureux pour votre personnage est plus important que l’effet de chaque revers individuel.
Lorsque vous infligerez une dernière blessure à votre héros, ce sera probablement l’effet le plus puissant sur le lecteur, puisqu’il répondra à l’effet cumulatif de toutes les blessures que votre personnage aura subi depuis le début de l’intrigue.
La plupart des histoires exploitent cet effet cumulatif sans même s’en rendre compte, dit H.R. D’Costa. L’acte deux est consacré au héros qui surmonte les obstacles, mais ces petites victoires ou même quelques échecs ou contournement du problème actuel ne sont pas sans conséquence.
Le lecteur peut certainement ressentir l’impact de ces conséquences intermédiaires jusqu’au moment d’une crise majeure à laquelle votre héros doit faire face vers la fin du deuxième acte.
Dans Mission Impossible : Protocole Fantôme, Ethan Hunt connaît de sérieuses difficultés avant même que l’histoire n’ait atteint son point médian (plus ou moins le milieu du récit).
- Au début, il est dans une cellule de prison russe. Il n’est pas libre d’agir et a besoin d’aide pour s’en échapper. Cette scène n’est pas posée là par hasard. Elle évoque le soutien logistique nécessaire à l’activité habituelle de Hunt. Et c’est précisément ce soutien qui fera défaut à Ethan lors des prochains événements.
- À travers les dialogues entre les autres personnages (notez ici que les dialogues servent à récapituler des événements passés pour ne pas trop briser le rythme. Si le récit le permet, on peut aussi utiliser l’analepse et faire vivre au lecteur/spectateur ces analepses qui éclairent le passé d’un personnage), on apprend qu’il a aussi perdu sa femme (ce qui est particulièrement déchirant sur le plan émotionnel pour les spectateurs qui se souviennent de tout ce qu’il a traversé pour la sauver dans Mission Impossible 3).
- Après avoir été piégé, il est démasqué et accusé d’être le responsable de l’attentat du Kremlin. Voyez l’intention des auteurs de ne pas jouer avec l’un des traits de caractère indissociable de la fonction de protagoniste.
Ethan est passif. Il subit les événements alors qu’un protagoniste est habituellement proactif. - Pire encore, il est désavoué par son organisation, perdant à la fois ses ressources et sa protection.
- Pour couronner le tout, il voit son ami et mentor, Theodore Brassel, mourir devant lui.
A la fin du deuxième acte, le méchant de l’histoire possède d’authentiques codes d’activation nucléaire, ce que Ethan a passé une bonne partie du film à essayer d’empêcher. Ce revers est énorme en soi, mais son impact émotionnel a une intensité supplémentaire en raison de tout ce que l’espion a perdu malgré ses loyaux services à la branche gouvernementale pour laquelle il travaille.
Les conséquences du passé
H.R. D’Costa mentionne une autre méthode permettant d’expliquer ce moment de crise majeure qui produirait selon lui des résultats plus puissants.
Dans cette méthode, vous devez a) faire prendre conscience au lecteur des pertes tragiques subies par votre héros avant même le début de votre récit et ensuite b) construire cette crise majeure de manière à ce qu’elle fasse écho à ce passé tragique.
Vers la fin de l’acte deux, le lecteur ressentira inconsciemment une réaction émotionnelle liée aux deux types d’événements (ceux du passé et ceux actuels). Le lecteur participe à l’état d’esprit laissé par les événements du passé sur le personnage principal et cela amplifie l’émotion évoquée par les événements actuels.
Ce passé tragique se manifestera souvent comme une enfance nécrosée, dépourvue d’amour ou d’affection. Si un héros qui a grandi dans une telle privation parvient à trouver l’amour (platonique ou romantique) pendant votre récit, pour se le voir arracher à la fin du deuxième acte, l’angoisse que le lecteur ressent pour lui se multipliera.
Considérons Thelma et Louise. Le mari de Thelma, Darryl, tient la bride à sa femme. Lorsqu’elle prévoit de partir en weekend avec sa meilleure amie Louise, Thelma se résout d’abord à lui demander la permission. De peur qu’il lui dise non – et qu’il lui fasse sentir sa colère – elle finit par quitter la ville sans lui demander.
Son échappée avec Louise donne à Thelma un goût de liberté longtemps refusé par l’homme qui ne la laisse jamais rien faire d’amusant. Comme un tigre en cage, elle est censée rester entre les quatre murs de leur maison, tandis qu’il galope jusqu’aux petites heures du matin, faisant Dieu sait quoi.
Mais la virée insouciante de Thelma et Louise évolue vers quelque chose de plus sinistre, et à travers une série d’incidents, les deux femmes deviennent des hors-la-loi.
En route vers le Mexique, elles sont arrêtées par un policier local. À ce moment, il semble que leur chance de liberté leur ait échappé.
Si elles sont mises en détention, Thelma va probablement vivre une vie derrière les barreaux, un destin qui fait écho à la vie en cage qu’elle a vécue avec Darryl, et qui rend ainsi sa future incarcération d’autant plus tragique.
Elle déclara à l’agent : Il y a trois jours, nous n’aurions jamais fait un tel coup, mais si vous aviez rencontré mon mari, vous comprendriez pourquoi.
Un mot d’avertissement de H.R. D’Costa : si l’effet cumulatif implique généralement une certaine forme de privation dans l’enfance, tout héros ne peut pas être orphelin.
De plus, quelle que soit l’histoire tragique que vous concocterez, et quelle que soit la façon dont vous choisirez de vous en faire l’écho, elle devra être naturelle et non forcée. N’oubliez pas que vous vous efforcez d’écrire un scénario original qui soit cohérent.
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