Pour apprécier l’ampleur du thème d’un scénario, il faut comprendre le pouvoir qu’a le récit dans nos vies. Parce que la vie est souvent frustrante, illogique et chaotique, nous nous tournons vers les histoires pour lui trouver un sens et une structure.
Nous cherchons des réponses et des valeurs universelles parce que nous voulons savoir comment mener notre vie – comment agir les uns envers les autres, comment aimer, comment triompher des obstacles.
Pour Karl Iglesias, nous nous tournons également vers les histoires parce qu’elles expliquent le monde de manière émotionnelle plutôt qu’analytique.
On peut donc dire que les histoires sont des métaphores de la vie, des plans de vie, et que le thème en particulier est une vérité spécifique sur l’expérience humaine que l’auteur souhaite transmettre à son lectorat.
Ce qui compte, c’est le message, la morale, le sens de votre histoire. Cela est d’ailleurs la raison même de son existence. C’est donc le thème qui rend votre histoire universelle, et donc émotionnellement significative. Souvent, la différence entre un grand scénario et un scénario médiocre est la profondeur de son thème.
Sans un thème, une histoire n’a que peu de signification.
L’importance du thème
Si vous vous demandez ce que vous voulez communiquer à travers votre histoire et vos personnages, vous vous dirigerez vers le thème.
Le scénariste Gerald Di Pego nous dit :
Parfois, vous pouvez avoir quelque chose que vous pourriez appeler « pur divertissement », et le thème n’est pas très important.
Mais si vous voulez faire plus que divertir, si vous voulez divertir et nourrir l’esprit à la fois, inspirer ou dire quelque chose sur le monde et la condition humaine, alors vous devez réfléchir à ce que vous voulez dire afin de le tisser subtilement à travers l’histoire.
Et pour Dorothy Bryant, l’auteur est cette voix des profondeurs qui articulent les drames non-dits que chacun garde secrètement au fond de soi.
Karl Iglesias ajoute qu’une autre raison pour laquelle le thème est si important dans un scénario, c’est qu’il est le fondement sur lequel une histoire est construite. Le thème est central à l’histoire. Il en est le cœur et l’âme.
Cela signifie que la plupart des scènes, des personnages, des dialogues et des images devraient idéalement être un reflet de votre thème. Votre histoire est simplement un outil pour créer des circonstances qui mettront en valeur votre thème.
C’est pourquoi de nombreux auteurs commencent à consolider leur thème avant d’écrire le scénario et une fois qu’ils sont clairs sur ce qu’ils veulent dire, ils savent ce qui appartient à l’histoire et ce qui n’y appartient pas.
Mais ne paniquez pas si vous n’avez aucune idée de votre thème. De nombreux auteurs rédigent plusieurs brouillons pour découvrir ce qu’ils veulent dire. Le thème est de loin l’aspect le plus complexe à saisir dans une histoire.
L’idéal est de le trouver avant d’écrire, mais il arrive aussi que vous deviez écrire le scénario pour découvrir le thème. Une fois que vous avez compris de quoi il s’agit, vous pouvez réécrire votre histoire pour l’explorer à travers les personnages, les dialogues et les symboles.
Ni prêche, ni propagande
Une histoire n’agit pas comme une révélation sur son lecteur. La plupart des auteurs savent qu’ils doivent montrer et non dire ce qu’il se passe. Montrez votre thème en action, et faites en sorte que le lecteur le ressente au lieu de le lui dire.
Pour ce faire, Karl Iglesias propose de mettre en scène vos convictions les plus profondes sur les êtres humains et la meilleure façon de vivre leur vie. Mais ne soyez pas autoritaire, et ne faites pas crier vos personnages : « Hé, c’est mon message !«
Soyez plus subtil. Diluez votre message dans l’ensemble. Votre thème ne cherche pas à convaincre. Il propose. Il n’est donc pas évidence.
Le thème doit être le sous-texte de votre histoire, ce qui est en dessous de l’histoire. Par exemple, E.T. est plus qu’un simple garçon qui aide un alien en détresse à rentrer chez lui. Il y est question de croyance et d’amitié. Terminator est plus qu’une simple femme essayant d’échapper à un robot tueur. C’est un récit édifiant sur une technologie qui a mal tourné.
Et quant à Thelma et Louise, c’est de liberté dont il s’agit.
En surface, l’histoire ; sous l’histoire, le thème. L’histoire attire, crée un désir ; le thème valorise. C’est ce que le public emporte avec lui quand il rentre chez lui, ce qui lui reste en tête longtemps après que les lumières se soient éteintes.
Et Karl Iglesias qui ne manque pas de citation appuie son raisonnement en citant Billy Wider :
Vous essayez d’en faire quelque chose. Je ne pense pas que j’écrive quelque chose qui va changer le monde, mais si votre public parle encore du film quinze minutes après le film, alors vous avez fait quelque chose.
Si vous pouvez faire répéter cette conversation au bureau ou avec les gens avec qui vous dînez, alors c’est la base du succès d’un film.
Encore une fois, il est crucial que votre thème reste invisible et résonne sous l’histoire. Le meilleur moyen d’y parvenir selon Iglesias est à travers l’émotion.
On apprend mieux quand on est impliqué émotionnellement, pas quand on nous fait la morale. Les grands films nous apprennent sur la vie tout en nous émouvant émotionnellement. Plus le thème est significatif, plus les émotions sont profondes.
Les auteurs dissimulent leurs idées à l’intérieur des tentantes émotions de l’art. Que nous écrivions des romans, des sitcoms, des bandes dessinées ou des scénarios, nous sommes des artistes.
Aristote croyait que tout art sert deux objectifs : divertir et enseigner. En tant que scénaristes, nous divertissons par l’histoire et nous enseignons par le thème.
