OUTILS DE PERSONNAGES

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Les personnages, ce n’est pas évident à construire.

Dans l’écriture d’un scénario, l’accent est mis sur l’action dans l’intrigue, sur ce que font les personnages, et non sur un récit qui peut inclure une certaine prose pour expliquer le contexte, les motivations et les désirs d’un personnage.

Pourtant, à l’intérieur des personnages, tout comme de véritables êtres, il y a une vie à l’œuvre. Cela ne veut pas dire que les scénaristes n’incluent pas de scènes qui montrent qui sont les personnages. C’est juste que ces scènes ne sont généralement pas très efficaces.

personnagesPour Linda J. Cowgil, les personnages d’un scénario doivent être vivants et se révéler dans ce qu’ils font plus que dans ce qu’ils disent. Pourtant, les auteurs ont parfois recours à des dialogues qui expliquent certains aspects du personnage.

Dans Jerry Maguire, Cameron Crowe nous donne des scènes des premières ébauches du scénario qui nous racontent la vie de Jerry dans son enfance. Aucune de ces scènes ne se retrouve dans le scénario.
Dans Chinatown, une des premières ébauches du scénario de Robert Towne nous donne une scène de quatre pages dans laquelle Gittes explique la signification de « Chinatown » à Evelyn. Au final, ce dialogue est réduit à environ trois lignes : Il y avait une fille, je n’ai pas pu la sauver, c’était Chinatown.

Des informations nécessaires à l’auteur

Bien que nécessaire à l’auteur pour comprendre ses personnages, tout le passé de ceux-ci n’est pas indispensable au lecteur pour comprendre l’histoire.
Le protagoniste révèle plus sur son identité par ses actions que ne le fait l’exposition expliquant des antécédents particuliers, ce qui rend ces informations exposées non seulement superflues mais aussi dangereuses pour l’élan de l’histoire.

Évidemment, ce qu’un personnage nous dit sur lui-même (et ce que les autres personnages disent sur lui) compte et est nécessaire, mais l’explication ne remplace pas l’action dans un scénario.
Ce qui est proprement dramatique, ce sont les personnages en action.

Les personnages se développent au cours d’une histoire en fonction du présent de l’intrigue fait de moments successifs (présentés ou non dans un ordre chronologique pendant l’histoire).
Il s’agit d’un double développement : premièrement, montrer comment les personnages sont façonnés par les événements dans lesquels ils sont impliqués, et deuxièmement, les présenter progressivement au lecteur.

La clé pour créer des personnages convaincants selon Linda J. Cowgil est de trouver les actions qui révèlent qui est un personnage. Des procédés narratifs nous aident à identifier et à utiliser ces actions singulières.
Ils exposent les motivations, les sentiments et la pensée des personnages et, au niveau le plus profond, leur essence.

Un but, une volonté, un désir sont ce qui incitent les personnages à se diriger vers quelque chose, ce qui leur donnent quelque chose à poursuivre. Et c’est ainsi que se déroule l’action de l’intrigue.
Le drame évolue à partir de personnages en action et en conflit les uns avec les autres. Et le lecteur s’accroche instinctivement à un personnage ou à un groupe de personnages qui s’efforcent d’atteindre à un but.

Les personnages actifs sont plus intéressants et plus sympathiques que les personnages passifs, même si les rôles des bons et des méchants sont inversés. Un personnage piégé qui se plaint et n’agit pas est ennuyeux et ne provoque pas d’empathie.

Pourquoi les personnages se sentent-ils obligés ?

Effectivement, lorsque la situation dérape, pourquoi les personnages ne s’en éloignent-ils pas ? Comme nous le ferions dans la vie réelle. Nous ne faisons pas tous de la gestion de crise.
Le héros d’une histoire s’engage. Tout comme l’auteur qui s’engage vis-à-vis du message qu’il tente de communiquer.

Un objectif doit représenter un engagement majeur pour le protagoniste. Votre personnage principal doit être engagé dans quelque chose – son but, un système de valeurs, une personne, etc. – et être prêt à se battre pour cela, voire à mourir.
Son action devient un test de son engagement et du prix qu’il est disposé à payer pour le maintenir ou l’abandonner. Le lecteur s’intéresse à un personnage qui s’engage, surtout envers d’autres personnes.

Selon Linda J. Cowgill, l’auteur devrait savoir que l’action significative d’un personnage doit à la fois lui coûter et lui rapporter quelque chose de valable.
Dans Munich, Avner est engagé vis-à-vis d’Israël et accepte de diriger un groupe d’agents du Mossad pour traquer et tuer les terroristes qui ont assassiné les athlètes olympiques israéliens.

C’est son objectif. Alors qu’il agit pour atteindre cet objectif, la brutalité des meurtres lui fait payer un lourd tribut. À la fin de l’histoire, le coût personnel de cette épreuve a été son humanité. C’est la conséquence de l’action entreprise.

Un outil narratif : les enjeux

Le sentiment de perte personnelle s’exprime le mieux au-travers des relations. Hamlet perd Ophélie à cause de sa détermination à tuer son oncle ; Marc Antoine abandonne son honneur et ses privilèges romains pour l’amour de Cléopâtre.
Rick abandonne Ilsa pour se battre pour le bien de tous ; Jerry perd tous ses autres clients parce qu’il veut rester auprès de Rod.

Parce que dans les relations, il y a forcément un conflit peut-être pas permanent mais un conflit qui revient régulièrement. Et parce que le conflit permet de révéler les personnages.
Linda J. Cowgil répète ce que la plupart des études préconisent : Il faut comprendre que le conflit nous fait perdre nos masques et nos défenses. La seule façon dont un personnage nous montre qui il est vraiment, de quoi il est fait, est la façon dont il gère les conflits.

Les personnages, ceux qui passionnent les lecteurs, ne sont pas une liste de qualités et de traits de caractère, une biographie de l’endroit où les personnages ont grandi et s’ils ont été ou non enveloppés d’amour.

Il s’agit de la psychologie du personnage. Toutes ces informations sont importantes pour l’auteur mais n’ont que peu d’importance pour le lecteur s’il comprend ce que les personnages représentent sur le plan émotionnel.

Le caractère des personnages, au sens dramatique, se manifeste dans les forces et les faiblesses de la personnalité que nous voyons dramatisée en action à l’écran.

Les histoires ne portent pas sur une situation ou une série d’actions, mais sur des personnages pris dans un conflit à propos d’un engagement, d’une responsabilité, d’un dévouement, d’une détermination à toute épreuve, ce qu’on nomme habituellement un objectif, réagissant aux situations en cours d’une manière que le public trouve convaincante, identifiable et compréhensible.

Par exemple, dans la saison 2 de Altered Carbon, Takeshi Kovacs n’a qu’un objectif qui décide de son attitude, de ses choix et de ses relations aux autres : retrouver Quellcrist Falconer.

Un personnage a un passé

Mais il n’est pas seulement ce passé. En effet, on pourrait soutenir que l’art dramatique est de montrer comment des personnes (héroïques) entreprennent des actions qui sont en dehors du domaine de leur personnalité.
Pour Linda J. Cowgil, être auteur consiste à montrer (et à démontrer) comment les gens changent ou modifient leur psychologie de base lorsqu’ils réalisent que leurs schémas de comportement habituels vont les faire tuer, au sens propre ou au sens figuré.

Lester, un homme qui a un besoin urgent de refaire sa vie.
Lester, un homme qui a un besoin urgent de refaire sa vie.

Que savons-nous de Lester Burnham dans American Beauty ? C’est un homme frustré qui déteste sa vie.
Nous ne connaissons pas sa trajectoire de vie qui nous dise pourquoi il est ainsi ; nous le voyons néanmoins se manifester dans ses actions et à travers le conflit avec sa femme, sa fille et le monde extérieur.

Il est tellement refoulé sexuellement (c’est l’interprétation que l’on peut tirer dès les premières scènes) qu’il est obsédé par l’amie de sa fille, Angela, et cela fait monter les enjeux de l’histoire.
Pourtant, comment et pourquoi parvenons-nous à entrer en empathie avec lui ?

Alors même que nous nous acceptons difficilement l’idée qu’il se ridiculise avec Angela et qu’il met à mal sa relation avec sa fille, nous admirons le courage dont il fait preuve pour affronter un travail qu’il déteste et pour tourner une situation mal engagée en s’assurant une indemnité de départ importante.

Nous voyons dans ses réactions émotionnelles le regret des mots de colère qu’il échange avec sa fille. Nous ressentons sa nostalgie et sa frustration envers sa femme qui ne peut pas ou ne peut plus faire un pas vers lui.
Et au final, alors qu’il reconnaît la vulnérabilité d’Angela et place les besoins d’Angela au-dessus de ses propres désirs, nous voyons dans ses actions son humanité profonde. C’est pourquoi Lester est un grand personnage.

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