Une approche dramatique particulière, des personnages conçus selon certaines décisions dramatiques, l’écriture dramatique est un art singulier.
C’est aussi une science qui observe les dynamiques d’un phénomène naturel et qui sait décrire ou du moins établir un parallèle entre les données qui décrivent par exemple un trou noir et la constitution d’un préjugé dans l’esprit humain.
L’écriture dramatique permet donc de saisir des concepts sur la psychologie des histoires et des personnages qui les peuplent qui seraient sans ce moyen autrement intangibles.
Un effort dramatique
Toutes les histoires ont une organisation. Vouloir comprendre un peu en quoi consiste cette organisation ne musellera point votre muse. Cela vous aidera peut-être à comprendre un peu mieux comment votre inspiration devient matière dramatique, quelque chose de malléable.
Puisqu’on parle de constitution, considérons la brique dramatique. Elle est un élément singulier qui n’a pas vraiment de signification isolé du tout. Ce peut être par exemple une fonction dramatique telle que celle de l’antagonisme. Comment expliquer une force antagoniste dans une histoire si nous ne la comparons pas au protagoniste ?
Ce qui est intéressant avec les briques dramatiques, c’est que non seulement elles permettent de s’assembler pour raconter des scènes par exemple mais elles se brisent aussi. Cette ruine soudaine peut être voulue par l’auteur.
Disparition, effondrement, éclatement sont des moments dramatiques pendant lesquels un élément dramatique savamment modelé depuis le début de l’histoire se désagrège pour disparaître définitivement.
Et d’autres fois, ce phénomène se produit sans que l’auteur n’en est recherché l’effet. La tension dramatique rend extraordinaire les choses. C’est très utile pour l’auteur qui fascine son lecteur. Et la tension devient telle que la chose sur laquelle elle s’applique éclate.
C’est un moment de repos pour le lecteur et pour les événements. Cela veut dire aussi qu’il n’y a plus de tension dramatique. Il n’y a plus d’énergie ou de carburant. Comme si la tension était la vie.
L’auteur devrait ainsi porter la tension dramatique à un paroxysme que le lecteur peut soutenir. Les choses étant ce qu’elles sont, elles posséderont cette qualité qui fait d’elles un élément dramatique utilisable par un auteur.
La tension dramatique est le battement qui donne vie aux éléments de la fiction. Elle est aussi cette énergie qui maintient ensemble une sphère dramatique qui se suffit à elle-même parce qu’elle contient tout.
Une unité dramatique
On ne peut pas penser à cette sphère tant qu’on ne l’a pas introduit dans l’histoire. Il vous faudra une pâte dramatique que vous allez assembler puis façonner. Par exemple, un personnage. Il vous faut décider de sa fonction, de sa personnalité, de son passé, de son apparence, de ses conditions en somme qui font qu’il existe d’une certaine façon et pas d’une autre.
La tension dramatique maintient cette unité en place. Et il faut savoir ne pas lui appliquer trop de poids parce qu’elle ne pourrait fixer la sphère et en garder l’intégrité. Et c’est vrai dans l’autre sens. Si on ne lui donne pas assez de matériau dramatique, l’effort serait vain. Donc, ne pas aller trop dans les détails (ne conservez que ceux qui apportent vraiment du sens, quelque chose en plus que contient la sphère et qui la justifie) ou bien n’imposez pas à la sphère des mouvements ou des contraintes qui risqueraient de la détruire.
Pour chacun de vos concepts dramatiques, il vous faudra trouver à la fois son étendue comme une ombre portée sur toute l’histoire et l’effet que vous recherchez chez votre lecteur avec ce concept.
Pensez aussi tout ce que vous donnez à votre lecteur comme une promesse. Parce que c’est cette promesse qui s’insinuera dans son cœur et dans son esprit.
D’autres éléments dramatiques ont pour finalité (ils sont effectivement déterminés dès leur conception) à être détruits. Cela peut passer relativement inaperçu chez le lecteur mais indispensable à l’avancée de l’histoire. D’autres fois, le lecteur en est tout bouleversé (c’est l’effet recherché).
L’auteur décide si l’une de ses briques s’évaporera presque dans une indifférence ou s’il veut que cela déchaîne les flammes de la passion dans l’esprit de son lecteur.
Ainsi, le lecteur sait comme une évidence. Il ne délibère pas avec lui-même de l’expérience qu’il est en train de vivre par personnage interposé.
De multiples expériences
Les expériences vécues par le lecteur/spectateur se réduisent à des informations. C’est par ces informations que vous distillerez tout au long de l’intrigue que le lecteur appréciera ce qu’il se passe (et en fera ainsi l’expérience).
Avec une seule information comme un mouvement dramatique tel qu’un changement brusque d’orientation de l’histoire toujours passionnant à emprunter, le passage d’un acte dans un autre ou encore des scènes très significatives de votre message, vous pouvez déployer dans votre histoire de nombreux éléments dramatiques.
Selon ce que vous vous apprêtez à raconter à votre lecteur, en fait votre idée, n’exige pas de se couler toujours dans le même moule. Si votre histoire ne se prête pas à des scènes épiques, ne la forcez pas dans de telles extrémités.
C’est ce que l’on nomme la beauté de la perfection. Et peut-être même que vous vous appliquez à écrire dans un genre qui n’est décidément pas pour vous. Soyez fidèle à ce que vous êtes vraiment.
Toutes les histoires fondamentalement sont à la fois structure et passion. Ces deux concepts structurel et passionnel crée une tension de surface qui maintient les sphères dramatiques.
La structure agit à l’extérieur alors que la passion domine sous la surface et la pression qu’exerce la passion est plus intense. Une sphère occupant plus d’espace aura plus de tension dramatique qu’une sphère de moindre importance. Cependant, une foultitude de sphères occupant le même espace qu’une seule sphère apporteront davantage de tension dramatique.
Des sphères dont l’importance ne saute pas immédiatement aux yeux du lecteur auront certainement un impact ou un effet plus durable qu’une seule grosse sphère qui épuisera plus rapidement son potentiel dramatique.
Ainsi une sphère dramatique plus considérable sera réservée pour décrire des événements d’importance dont l’effet unique sera capable d’obliquer l’histoire dans une toute autre direction mais dont l’action s’arrête à cela seulement alors qu’un ensemble de sphères verront leurs répercutions s’étendre tout au long de l’intrigue.
Et comme il s’agit d’un ensemble, ces sphères dont la signification individuelle ne fait pas véritablement sens, agiront collectivement. La plupart des éléments dramatiques qui constituent une histoire semblent épars. C’est pourtant dans les relations qu’ils entretiennent entre eux que se crée de la signification.
De multiples formes
L’intérêt de préparer de nombreux éléments dramatiques permet de les assembler de multiples façons puisque la tension dramatique maintiendra leur cohésion.
La complexité apporte de la liberté à l’auteur. Les briques dramatiques s’assemblent en une forme qui, certes, est forcément limitée car cette forme ne peut s’étendre au-delà de sa nature.
Pour la rendre encore plus dramatique, d’autres briques créeront de nouvelles formes à l’intérieur d’une forme comme le font les intrigues secondaires qui n’existent que pour apporter une certaine lumière à l’intrigue principale.
L’intrigue principale est connectée à votre thème, à votre message. L’intrigue secondaire n’aura pas une influence directe sur la composition de votre thème par exemple.
Elle se montre pourtant souvent indispensable pour expliciter l’intrigue principale et située celle-ci dans l’ensemble qu’emportera le lecteur après avoir refermé le livre ou vu le film.
Les éléments dramatiques s’assembleront ou se repousseront dans le cours de l’intrigue. Pour s’y retrouver, il faut débattre en soi-même de l’opportunité de tel ou tel brique dramatique, de tel ou tel événement et savoir si les interactions entre eux profitent ou non à la signification d’ensemble.
Qu’on les appelle sphères ou briques, tous ces éléments dramatiques doivent avoir une raison d’être. Car dès qu’ils apparaissent, ils se fondent aussitôt dans la masse et ne doivent pas en bousculer la structure qui maintient tout l’ensemble sous une apparente surface.