La poétesse Maya Angelou a dit un jour qu’elle avait appris que les gens oubliaient ce que vous aviez dit, oubliaient ce que vous aviez fait mais qu’ils n’oublieraient jamais ce que vous leur avez fait éprouver.
On écrit pour le lecteur
Vous ne voyez peut-être pas la nécessité de travailler le suspense dans vos projets. Vous êtes peut-être dans un genre ou une tonalité qui se sent totalement indépendant du suspense que l’on assigne plus facilement au mystère et au thriller qu’à tout autre genre.
Néanmoins, le lecteur cherche dans le suspense un certain confort de lecture que vous écriviez un scénario ou un documentaire, un roman ou une nouvelle, quel que soit le genre, le suspense est un des éléments dramatiques nécessaires à toute œuvre pour une bonne réception.
Le suspense n’en reste pas moins cependant l’une des conventions du thriller. Lorsque le lecteur décide de plonger dans un thriller, il recherche une expérience spécifique.
Il veut un héros qui réussira contre toute attente lors de circonstances particulièrement complexes et dangereuses.
Cette convention est donc un élément dramatique commun à tous les thrillers. Le suspense est partie prenante du thriller ou du mystère. Si vous ne procurez pas ce socle fondamental au lecteur, vous ébranlerez sa confiance dans votre aptitude à l’accompagner, à fusionner deux imaginaires.
Pour réussir, une histoire doit donc donner au lecteur ce qu’il en attend (c’est-à-dire les expectations liées à un genre).
Mais un auteur ne peut se répéter sans finir par lasser son lecteur. Miss Marple ou Maigret présentent les mêmes caractéristiques fondamentales d’épisodes en épisodes. Pourtant chaque épisode offre quelque chose de nouveau.
Par exemple, la description d’un certain monde qui n’a pas encore été exploré par l’auteur. Et le lecteur devient comme le héros. Il part à la découverte d’un univers. Il reste passionné par le crime, certes, néanmoins cet aspect presque documentaire d’une certaine communauté au sein de laquelle a eu lieu un crime ou une transgression quelconque retient son attention.
L’innovation consiste donc à coucher de l’inattendu dans le familier.
On écrit pour l’émotion du lecteur
L’écriture doit toucher le lecteur émotionnellement. Il doit pouvoir projeter son cœur et ses désirs dans ceux du personnage principal, habituellement le dépositaire de l’empathie du lecteur.
Cette empathie ou la sympathie éprouvées envers un personnage de fiction exige de l’auteur qu’il sait à qui il s’adresse.
Écrire, c’est établir une sorte de pacte avec un lecteur. C’est un engagement envers un certain type de lecteur car ce que l’on écrit est rarement universel.
Lorsqu’on cherche à écrire une histoire qui rencontre les désirs et les besoins d’un lecteur, c’est lui montrer un certain respect.
Satisfaire le lecteur
Donc, il faut essayer de comprendre ce qu’un lecteur cherche dans les histoires qu’on lui raconte. Le genre est l’aimant qui attirera un certaine catégorie de lecteur envers telle ou telle histoire.
Chaque genre possède ses propres conventions. Le lecteur les connaît. L’auteur doit répondre aux attentes de cet accord tacite entre lui et son lecteur.
Puisque l’auteur cherche à répondre aux attentes de son lecteur, il doit se préoccuper de connaître les conventions du genre qui a guidé un lecteur possible vers l’œuvre de l’auteur. Nous supposerons donc que le genre est un des critères de choix les plus cruciaux.
Le souci est qu’il existe une foule de genres et de sous-genres ainsi que de combinaisons entre eux, l’un étant parfois plus prégnant que d’autres au sein de la même œuvre ou certains ne pouvant se manifester qu’au-travers d’un autre comme le fait l’horreur avec la comédie ou le thriller par exemple.
Prenons l’exemple que nous donne Jane K. Cleland à propos de la différence d’expectations qu’elle considère entre le mystère et le thriller, deux genres apparentés mais qui ont néanmoins des différences fondamentales qui ne doivent pas être confondues ou éludées par l’auteur qui doit avoir pris conscience qu’il écrit soit un mystère, soit un thriller.
Genre : Le mystère
La relation entre le tueur (ou le transgresseur) et sa victime
Dans un mystère, le transgresseur et la victime se connaissent mutuellement. Un serial killer par exemple n’a rien à faire dans la résolution d’un mystère.
Motivation
Les vices sont souvent à l’origine des passions : haine, vengeance, cupidité, jalousie ou convoitise nourrissent grandement les motivations des personnages. Même un amour excessif peut servir de cause dans un mystère.
Sexualité & violence
Un contenu sexuel explicite ne présente pas un véritable intérêt dans l’élucidation d’un mystère. Le sexe est davantage suggéré que montré. Il en est de même avec la violence et les dialogues.
La technologie
Dans un mystère, la résolution du crime (ou de la transgression) dépend de l’habileté de l’enquêteur, de son pouvoir de déduction. Il n’est pas fait renfort de médecine légale ou d’une technologie moderne pour résoudre les crimes.
On ne doit pas obligatoirement éliminer l’apport de la science dans l’élucidation d’un crime quelle que soit l’époque et le lieu de sa survenance. Néanmoins, dans un mystère, celle-ci sera utilisée à petites doses.
L’enquêteur & le transgresseur
On ne distingue pas entre le bien et le mal. L’enquêteur n’est pas le bien et le transgresseur ne sera pas non plus une représentation du mal.
Le lecteur doit pouvoir comprendre ce qui fait agir l’un et l’autre, surtout la légitimité de leurs actions.
L’auteur doit faire en sorte que l’on puisse s’identifier aussi bien à l’enquêteur qu’au criminel.
L’un et l’autre ont leurs propres raisons d’agir. Ce n’est pas parce que celles du transgresseur s’opposent à une norme morale qu’il sera qualifié de méchant de l’histoire.
Sa fonction en fait certes un antagoniste, mais derrière la fonction, il y un être fictif avec toutes les caractéristiques qui font de lui un véritable être humain.
Simplement posé, on ne peut pas plaire à tout le monde. Un lecteur doit cependant pouvoir se reconnaître même timidement dans l’un ou l’autre des personnages quoi que celui-ci fasse dans l’histoire.
Les conséquences de l’échec du héros
En cas d’échec, les conséquences seront personnelles pour le personnage principal. Dans un mystère, s’il ne parvient pas à résoudre le crime, ce peut être troublant voire effrayant mais sa vie n’est pas en danger.
Dans un mystère, la menace n’est pas létale. Du coup, il est possible de déplacer les enjeux (qui explique les raisons d’agir) sur un autre personnage que l’enquêteur qui ne serait plus alors le personnage principal et protagoniste.
Ainsi, le protagoniste (qui fait avancer l’histoire par ses actions et décisions) et le personnage principal (qui reçoit l’empathie du lecteur) seront deux personnages différents (voir la théorie narrative Dramatica concernant cette séparation entre objectivité (la fonction) et subjectivité)).
Les lieux de l’action
Dans un mystère, l’espace n’est pas très étendu. On ne démultiplie pas les lieux non plus. Toute l’histoire se déploie dans les alentours immédiats de la transgression.
Le rythme
Le rythme n’interfère pas dans la réception de l’histoire. Qu’il soit calme ou soutenu, cela ne gênera pas le lecteur.
Genre : Le thriller
La relation entre le tueur (ou le transgresseur) et sa victime
Dans un thriller, le transgresseur et sa victime sont souvent étrangers l’un à l’autre. La victime n’est souvent qu’un pion dans une machination bien plus complexe.
Motivation
Bien que le héros a probablement une faille dans sa personnalité liée à un problème dans son passé (ce qui rend le héros plus fascinant pour le lecteur), les motivations qui font agir les personnages sont d’une bassesse bien humaine.
L’argent, une idéologie trouble, l’orgueil, le pouvoir… peuvent alors expliquer les comportements des personnages.
Sexualité & violence
Dans un thriller, ces deux aspects sont mis en évidence. Ils deviennent logiques par la nature même des motivations qui animent les personnages.
Contrairement au mystère qui sollicitent la réflexion de son lecteur (à l’unisson de l’enquêteur), le thriller est comme un miroir qui renvoie l’imperfection de l’être humain.
Sexe, violence, langage décrivent la laideur de notre monde. Notez néanmoins que de montrer un cadavre horriblement mutilé est certes une forme de violence. C’est cependant simplement une esthétique et non de la violence véritable.
La violence se manifeste dans la relation à l’autre comme par exemple dans l’inacceptable violence conjugale.
La technologie
La solution ne peut être atteinte sans l’aide de la science. Le thriller est un genre qui s’inscrit décidément dans son temps. L’auteur peut même anticiper sur des technologies qui n’existent pas encore.
L’enquêteur & le transgresseur
La tendance dans un thriller est de distinguer entre un héros vraiment héroïque et un antagoniste vraiment méchant. Du coup, l’action est mise en avant au détriment de la personnalité des personnages.
Chacun écrit comme il veut. On se sent peut-être plus à l’aise dans la description des faits que de tenter d’expliquer des phénomènes qui se passent dans la tête des personnages.
Les conséquences de l’échec du héros
Les enjeux sont bien plus critiques pour le personnage principal. S’il échoue, la mort s’en délectera (réellement ou figurativement).
Les lieux de l’action
L’action se déroule en de nombreux lieux. Dans un thriller, il n’y a pas véritablement de confinement (sauf pour donner, lors d’une scène particulière, un sentiment d’oppression). Dan Brown excelle en la matière.
Le rythme
Rapide. Souvent tendu par un compte à rebours.
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