Une histoire donne au lecteur l’envie d’en connaître la fin, le dénouement, tout en faisant en sorte que cette fin ne le frustre pas.
On peut toujours dire d’un texte qu’il soit fictionnel ou documentaire qu’il est à propos de quelque chose. Il y a donc une idée à la base.
Et cette idée est précisément ce qui vous a donné l’envie, à vous l’auteur, de commencer à écrire. C’est probablement plus simple que la montagne que l’on croit que l’on va devoir franchir. Le seul écueil en réalité ou plutôt le véritable effort à accomplir est de comprendre l’idée dont on veut vraiment parler.
Parce qu’au début, on peut avoir l’idée d’écrire par exemple sur une communauté qui vit sous une grande ville, dans les entrailles d’une société méprisante.
Puis en y réfléchissant puisque 90 % du temps qui sera consacré à un projet d’écriture est de la recherche (sur son sujet et sur soi-même), on peut s’apercevoir alors que l’idée qui nous préoccupe est en fait de traiter du problème des sans-abris ou plus spécifiquement des exclus.
Cette recherche sur son sujet est ce qui permet de prendre conscience de ce que l’on veut vraiment dire. On apprend ainsi à être honnête avec soi-même. Et cette humilité que l’on acquiert rend notre écriture plus sincère et notre histoire plus passionnante, plus fascinante pour le lecteur.
L’histoire : un défi permanent
Ce ne sera pas une mince affaire de trouver l’histoire qui aura une signification pour vous. On ne peut pas écrire toutes les histoires. Certaines sont tentantes. Du moins, nous le pensons parce que nous aimons les lire et en essayant d’en écrire une dans le même genre, nous pourrions nous apercevoir que cela ne nous passionne pas du tout.
En fait, il faut s’y prendre autrement. Une histoire, ce n’est pas à propos d’une idée. C’est plutôt un mélange de nos obsessions et de nos intérêts que nous tissons ensemble. C’est un assemblage de sujets différents dont la mise en relation n’est pas évidente mais par laquelle on parvient à s’exprimer.
On a tous des choses à dire. Il faut simplement les laisser mûrir. Bien sûr que cette fermentation de nos idées est entravée par les contraintes du quotidien. Et certainement aussi parce que nous avons accepté de rentrer dans la norme en échange d’un certain confort.
Prenez votre volonté à pleines mains et accordez-vous le risque de lier ensemble vos sujets d’intérêt spécifiques pour en faire une histoire.
D’abord un brainstorming
Commencez par prendre des notes sur tout ce que vous savez déjà à propos de l’histoire que vous souhaitez écrire.
Vous devez vous pencher sur les éléments critiques de l’histoire c’est-à-dire le monde de celle-ci, les personnages qui évolueront dans ce monde, les questions dramatiques que vous soulèverez dès le début de l’histoire ou bien si cette étape dans votre réflexion vient trop tôt, notez alors les thèmes qui vous préoccupent, ce que vous cherchez à dénoncer avec votre histoire ou le point de vue que vous souhaitez mettre en avant.
Le genre importe peu. Ce n’est pas parce que vous voulez écrire une comédie que votre propos ne sera pas sérieux. Il y a le thème et la manière de le dire. Vous avez certainement un moyen d’expression plus facile qu’un autre. Et il ne dénaturera point votre discours.
Au début des recherches, il n’y aura probablement pas grand chose à noter. Jetez quand même sur le papier la moindre idée, la moindre motivation à écrire sur le sujet en question, quelques images ou quelques pensées, la moindre réminiscence que vous puiserez dans votre introspection.
Ensuite, vous pourrez étoffer tout ce désordre en menant quelques enquêtes, en rencontrant des personnes et en les interrogeant.
Au cours de ce travail préliminaire (et surtout, ne vous fixez pas de limite de temps ou autre), vous pourriez peut-être vous fasciner soudain pour un personnage.
Ne croyez pas que vous allez négliger le reste. Laissez-vous entraîner par votre désir, devenez l’esclave de votre passion. Détaillez autant que faire se peut ce personnage qui vous fascine.
Écrire, c’est un exercice de libre-arbitre. Si vous avez la volonté d’écrire, alors les choses qui auront de l’importance pour l’histoire se profileront d’elles-mêmes et elles se rapprocheront jusqu’à ce qu’elles soient à votre portée.
N’ayez pas honte de vos idées
Neil Gaiman est très clair sur ce point. Tout ce qui permet à un lecteur de continuer à tourner les pages de votre histoire est légitime.
Qu’est-ce qui permet de tourner les pages ? La toute première chose est le suspense. C’est-à-dire la tension dramatique qui permet de maintenir l’attention et l’intérêt du lecteur.
Quelques articles qui pourraient vous en dire plus :
Quelle sera la conséquence du suspense ? Il se soulèvera dans l’esprit du lecteur une question dramatique. Et le lecteur veut que l’auteur y réponde. Parce que si cette question reste irrésolue, un sentiment de frustration submergera le lecteur.
Et il semblera comme un manque à votre histoire, un sentiment d’incomplétude. Pour façonner cette question dramatique, l’usage est de se baser sur un désir du personnage principal. En somme, obtiendra t-il ce qu’il veut ? Ou plutôt rencontrera t-il sa véritable nature, ce qui fait de lui pour le moment un être incomplet ?
Neil Gaiman prend l’exemple du Seigneur des Anneaux que Tolkien publia en 1954. Tout l’intérêt du lecteur est concentré sur une question : Frodo sera t-il capable de rendre l’anneau au Mordor et vaincre Sauron dans le même coup ?
Bien sûr qu’il y a dans toute l’œuvre de multiples intrigues secondaires qui ne laisseront pas d’entraîner le lecteur vers d’autres interrogations mais cette quête singulière de Frodo est précisément au cœur de l’histoire.
Toutes les intrigues secondaires se relient à elle.
Ce jeu avec le lecteur qui consiste à faire en sorte qu’il ne cesse de se demander ce qu’il va bien pouvoir se passer est ce qui fait avancer l’histoire. Car l’auteur ne cesse de lui promettre qu’il répondra à toutes les questions que le lecteur se pose.
Il y répondra au rythme qui lui sied le mieux (le lecteur peut se poser une question et avoir la réponse dans la scène ou la séquence suivante ou bien cette réponse peut être donnée bien plus tard) mais afin de maintenir l’intérêt de son lecteur envers son œuvre, l’auteur doit continuer à soulever des questions.
Quelques exigences du suspense
Retenez l’information
C’est un moyen classique pour créer du suspense et attirer l’attention du lecteur. Neil Gaiman donne l’exemple d’un personnage qui conduit furieusement sur une route désertique ne portant qu’un sous-vêtement et un masque à gaz.
Il est certain qu’une telle scène interpellera le lecteur qui voudra savoir le pourquoi et le comment de celle-ci.
L’ironie dramatique
L’ironie se trouve dans tous les récits. Une des formes ironiques les plus usitées est de donner une connaissance à votre lecteur que les personnages (ou seulement certains d’entre eux) ne savent pas.
Prenez un car qui roule sur une autoroute. Soudain l’information est donnée au lecteur que cette autoroute est en construction et qu’elle débouche sur un précipice.
Les passagers et le chauffeur ignorent qu’ils se dirigent droit vers une mort certaine. Mais le lecteur fort de cette information sur l’autoroute anticipera l’issue fatale et éprouvera de la terreur (ou du moins une certaine crainte) pour les personnages et en particulier pour le personnage principal qui se trouve bien évidemment dans le car.
Les enjeux au cœur de l’histoire
Dans tous les récits, des enjeux importants sont de rigueur pour le personnage principal. On ne pourrait comprendre ce qu’il fait s’il n’était motivé par une très bonne raison de le faire.
La portée de l’enjeu n’a pas être systématiquement de sauver le monde. Ils sont relatifs à la condition du personnage principal.
Par exemple, si la famille du héros est prise en otage, on devine aisément qu’il sera prêt à tout pour les maintenir en vie. Il est même probable qu’il découvrira en lui des capacités dont il ne se pensait même pas capable.
Assurez-vous de bien faire comprendre au lecteur la teneur des enjeux pour le personnage principal. Encore une fois, il importe peu de ce que seront ces enjeux, tant qu’ ils représentent quelque chose de très élevé pour le personnage principal.
Le conflit encore et toujours
La tension dramatique provient essentiellement du fait que les personnages n’obtiennent pas ce qu’ils veulent. S’arc-boutant sur leur désir, il se crée un conflit. Et celui-ci fait avancer l’histoire qui consiste donc à résoudre le problème.
Tous les récits sont une question de résolution de problèmes. C’est d’ailleurs sur ce principe que la théorie narrative Dramatica se fonde.
Si vous avez un problème avec votre enfant et que votre préoccupation majeure est d’assainir cette relation (quelle que soit la raison), toute l’histoire se déploiera dans l’intention de cette reconquête.
Le personnage principal a besoin de sortir grandi de ses tribulations. C’est à cela que sert le conflit. S’il obtient trop facilement ce qu’il désire, alors il semblera qu’il ne le mérite pas.
Et plus il se rapprochera de son ultime confrontation et plus les obstacles gagneront en complexité.
Cela suppose que s’il lui est relativement facile de surmonter ou de contourner quelques oppositions au début de l’acte Deux (quelques petites victoires qui le rassureront faussement), au fur et à mesure de l’intrigue, l’inévitable fera de plus en plus mal.
Le conflit n’est pas seulement de l’action. Tout dépend de ce que veut le personnage et de ce qui l’empêche de l’avoir. Vous êtes en retard et vous ne retrouvez plus votre billet de train. C’est un conflit. Il n’y a pas nécessairement un autre personnage qui se tient sur le chemin du héros pour l’empêcher de progresser. Ce peut être aussi lui-même.
L’aspect pratique
Vous avez écrit un premier chapitre ou bien l’acte Un de votre scénario. Relisez-le en notant les questions que le lecteur se posera nécessairement d’ici la fin de ce premier acte.
Puis réfléchissez aux questions que vous avez découvertes. Quelles sont celles qui ont besoin d’une réponse immédiate ?
Quelles sont les questions cruciales ? Toutes ces questions sont autant de promesses que vous faites à votre lecteur. Dans le cours de l’histoire, vous vous souviendrez de vos promesses et vous vous assurerez de les satisfaire.
Si vous n’avez pas encore mis le doigt sur la question dramatique majeure, essayez ce petit brainstorming :
Que pensez-vous que soit votre idée ? Celle qui vous a donné envie d’écrire ce scénario dans un premier temps.
Quelques pistes :
Quel message cherchez-vous à faire passer ? Ou peut-être encore mieux, quel effet souhaitez-vous que votre lecteur éprouve au moment du dénouement ?
C’est article pourrait vous donner quelques éléments de réponse :
PENSER LE SCÉNARIO
Quel est l’enjeu majeur pour votre héros ? Que peut-il perdre ou gagner dans cette histoire ? Cet article insiste sur l’importance des enjeux pour le héros :
ENJEUX : POUR LE PERSONNAGE & LE LECTEUR
Les enjeux déterminent la motivation et celle-ci explique mieux que tout le comportement d’un personnage. La détermination est un des éléments dramatiques sérieusement travaillé par la théorie narrative Dramatica.
Quelle est la question dramatique majeure que le lecteur doit se former dans son esprit ? C’est-à-dire quelle promesse faites-vous au lecteur ?
Pour concevoir cette question, vous tiendrez compte à la fois de la ligne dramatique principale (l’intrigue principale si vous préférez), de la personnalité de votre personnage principal et l’objectif qu’il vise dans cette histoire.
Neil Gaiman donne l’exemple de L’Odyssée : Ulysse réussira t-il à retourner dans son foyer ? Et dans le processus d’écriture, vous ne devriez pas perdre de vue cette question dramatique même si vous en soulevez beaucoup plus.
Besoin et volonté
Il faut bien comprendre que nos personnages cherchent à obtenir ce dont ils ont besoin (que ce soit moralement bien ou mauvais). Ils n’obtiennent jamais ce qu’ils veulent.
Ceci dit, une histoire dépend beaucoup de son genre. Qu’est-ce que le genre ? C’est un ensemble de conventions (c’est-à-dire d’expectations) que le lecteur s’attend à trouver pour le type d’histoire qu’il s’apprête à lire.
Dans un thriller par exemple, on s’attend à un crime, à une investigation et à découvrir le coupable. Nul auteur ne devrait se sentir obligé de coller ainsi à la tradition d’un genre. C’est cependant prendre un risque de décevoir son lecteur si celui-ci ne reçoit pas ce qu’il estime être son dû.
Il existe une multitude de genre et de combinaisons de genres (voir à ce sujet notre série COMÉDIE & THRILLER COMBINÉS).
Les choses peuvent être cependant réduites à trois genres dominants : l’épique, le tragique et la comédie.
L’épique, c’est le voyage du héros tel que Joseph Campbell l’a analysé. On confond souvent l’épique et l’aventure pour parler d’un tel genre.
Un article intéressant à propos du voyage du héros :
UNE STRUCTURE ALTERNATIVE : LE VOYAGE DU HÉROS
La tragédie traditionnellement concerne la chute. Elle est censée provoquée de la pitié et de la crainte. De nos jours, tous les personnages peuvent connaître cette chute. C’est comme si les auteurs en étaient venus à l’idée que nous sommes originairement imparfaits.
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La comédie se fonde sur le même matériel dramatique que la tragédie. La différence est que le dénouement en est plus heureux.
La comédie est aussi un excellent outil de critique sociale et sociétale ou de croyances.
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