SÉRIE OU FILM

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Pour Shonda Rhimes, la différence notable entre télévision et film est que pour le film, le réalisateur est la clef de voûte. Ce qu’il a en tête est précisément ce qu’il y aura sur l’écran.

Et pour la télévision, c’est ce que le scénariste a en tête qui se verra à l’écran. Le choix d’un réalisateur devient alors une question de sensibilité. C’est le contenu qui décidera de l’esthétique ou de la forme qu’apportera le réalisateur. Et qui plus est, à la télévision, la moindre idée, si elle est acceptée, sera rapidement mise en chantier. Une chance dont ne bénéficie pas le cinéma.

Une série est vraiment ce qu’il y a de plus excitant à la télévision. Le scénariste passe tant de temps avec ses personnages que lorsque la série se termine ou bien qu’un personnage doit disparaître de la scène, pour Shonda Rhimes, psychologiquement et émotionnellement, c’est une expérience très éprouvante.
Comme elle le dit elle-même, on passe plus de temps avec ses personnages qu’avec les gens qui nous sont proches.

Le personnage avant tout dans la série

Il est difficile de structurer une série comme on le fait avec une histoire classique qui comporterait trois actes, décrirait un voyage qui débute et qui nécessairement s’achève.

Dans une série, au fil des épisodes puis des saisons, nous voyons évoluer les personnages et surtout le personnage principal. C’est sur le personnage que toute la structure de la série s’appuie pour se communiquer au spectateur.

Il se crée une intimité avec le personnage et soudain le monde devient plus accessible. Ce n’est pas que le monde se néantise parce que l’auteur est ignorant ou indifférent à tout ce qui n’est pas le personnage. Au contraire, la complexité du monde n’est simplement plus angoissante.
La proximité avec un personnage (et c’est d’autant plus puissant avec une série parce que la durée est un élément vital de la relation) fait que le monde se laisse pénétrer peut-être par certains aspects qui ne parleraient pas à d’autres auteurs mais du moins entre le personnage et son auteur, ce dialogue intime devient un besoin.

D’où le sentiment de perte ressenti lorsqu’un personnage doit disparaître ou que la série s’arrête. Ce qu’il faut surtout retenir de la série et c’est ce qui est passionnant et à la fois intimidant, c’est que la durée n’est pas comprise comme une contrainte alors qu’elle est une donnée avec laquelle on ne transige pas dans une film de 90 ou 120 minutes.

Quel avantage pour l’auteur ? Il peut consacrer le temps qu’il veut au développement de son personnage (autant du point de vue social que psychologique ou spirituel, ces deux dernières dimensions étant souvent les plus intrigantes et passionnantes à explorer. C’est un point de vue personnel car je ne me sens pas à l’aise avec la politique, l’économie et difficilement aussi avec le social).

Ceci dit, et Shonda Rhimes insiste là-dessus, quel que soit la durée, c’est bien le personnage et ce qu’il lui arrive qui rivera le lecteur/spectateur à l’histoire.
Si l’on pose la chose autrement, que l’auteur aime écrire pour le cinéma ou qu’il préfère les séries comme moyen d’expression, dans l’un ou l’autre cas, c’est le développement de son personnage qui lui apportera la satisfaction recherchée.

La seule différence est que ce développement sera traité différemment selon le moyen utilisé pour parvenir à son dessein.

S’informer

Lire ce que l’on aime lire régulièrement peut-être pour nous tenir un peu informé de ce qu’il se passe autour de nous ou parce que soudain, nous nous intéressons à un sujet, est encore le bon moyen de trouver des idées pour des histoires.

Pour Shonda Rhimes, il s’agirait presque d’extrapoler à partir des informations du monde extérieur tout un tas d’histoires possibles à l’intérieur de notre esprit (ou plus précisément de mettre en action notre imagination).
Comme la théorie narrative Dramatica nous apprend que les histoires sont très similaires aux processus de résolution de problèmes que nous mettons nous-mêmes en œuvre dans la vie réelle, trouver des problématiques à l’extérieur de nous et s’en emparer pour créer nos propres histoires devient relativement facile.

L’intention de Shonda Rhimes derrière cette proposition est qu’une série devant se nourrir bien plus qu’un scénario pour le cinéma, plus l’auteur d’une série aura d’informations qu’il se portera à sa connaissance, et moins sa série se sentira affamée.

Par ailleurs, travailler ses personnages de fiction, c’est toujours aller un peu à la rencontre de soi-même. Prosaïquement, Shonda Rhimes, dans sa quête d’informations, aiment lire, entendre, voir comment un même fait, un même événement, une même idée ou concept seront interprétés.

Et sans que cela ne forge jamais son opinion (en fiction, la conviction est préférable à l’opinion) mais lui ouvre plutôt des horizons nouveaux qu’elle peut explorer aussi profondément qu’elle le souhaite ou peut.

L’histoire des séries

Pour Shonda Rhimes, écrire des séries relève d’un apprentissage (comme pratiquement tout dans la vie réelle). Et cette découverte d’un art (l’art scénaristique) passe par l’étude de ce qu’on en ont fait nos aînés.
Ce que conseille Rhimes, c’est de visionner au moins les pilotes de série. Et de ne pas négliger pour autant ce que propose le cinéma.

Et peut-être encore plus utile pour l’auteur est de lire et d’analyser les scénarios (ou de lire les analyses que des critiques sérieuses en ont faites). Si vous envisagez l’écriture d’une série, vous pouvez vous contenter de lire les pilotes.

Que votre genre soit le drame, la comédie, l’aventure, le thriller ou l’horreur, il est facile aujourd’hui de lire les pilotes de série telles que The Handmaid’s Tale, Mad Men, Breaking Bad… Cela vous aidera grandement dans votre propre désir d’écriture.

Vous pourrez y découvrir par exemple comment établir les personnages dans le pilote, comment mettre en place le monde et vous pourrez même y reconnaître une structure que vous pourrez réutiliser.

Vous comprendrez aussi comment créer un sens d’intrigue qui incitera le lecteur à vouloir en savoir plus et que le pilote laisse entendre.
Vous tirerez le plus de cette expérience de lecture en lisant le scénario du pilote et en visionnant ce pilote ensuite (et vous pourrez relire le pilote). Cet aller-retour constant entre le mot et l’image est la garantie que vous ne pourrez que progresser dans votre quête.

On peut approcher un scénario de série de différentes manières. Il suffit de se poser quelques questions comme par exemple dans une comédie, combien de gags le pilote a t-il donné ?
C’est une information dont vous pourriez avoir quelques lumières (à défaut de certitudes) car en reprenant ce que d’autres ont fait et éprouvé et qui fonctionne (il est vain de réinventer la roue à chaque nouvelle tentative), vous parviendrez à être original et efficace.

Comprendre ce que les autres auteurs ont fait (ce que vous estimez ce qui est bon comme autant ce qui est mauvais) ne signifie pas de plagier ce que vous estimez avoir été bon chez ces autres auteurs. Ce que vous tentez de reproduire, c’est leur manière de procéder, leur manière d’être original afin que vous-mêmes soyez originaux.

Pratiquement, cette innovation nécessaire n’est pas dans des événements nouveaux, des actions ou des chorégraphies d’action innovantes mais plutôt dans l’intelligence que vous concéderez à vos personnages.

Aimer ses personnages, c’est non seulement leur reconnaître qu’ils sont intelligents et même le plus méprisable d’entre eux. C’est aussi reconnaître que la nature humaine a une tendance à devenir plus humaine, à s’humaniser, à se construire au fil du temps et des expériences tout autant qu’à se détruire, à s’absorber dans la violence, dans l’indifférence et l’ignorance de la souffrance d’autrui.

L’être humain est victime ou bourreau selon les circonstances. Les personnages de fiction peuvent nous aider à mieux comprendre cela et nous libérer peut-être.

Il est important aussi de comprendre que l’intelligence que vous insufflerez chez vos personnages est une marque de respect envers votre lecteur. Vous lui signifiez que vous vous adressez à lui avec une personnalité intelligente parce que vous savez que votre interlocuteur est lui-même intelligent.
Vous ne prenez pas votre lecteur pour une éponge qui absorbera la moindre propagande. Les meilleurs auteurs font appel au sens critique de leur lecteur.

Donc, pour Shonda Rhimes, un auteur s’améliorera en lisant et voyant ce que les autres ont fait mais pas en recopiant ce qu’ils ont fait mais en comprenant comment ils ont obtenu cet effet que vous-mêmes voulez obtenir. En comprenant l’effet, vous pourrez reproduire cet effet.

Faites une recherche sur Scenar Mag en utilisant l’expression scénario modèle, cela devrait vous donner quelques idées à propos de cet effet salvateur pour toute histoire de fiction.

Créativité

Bien que tout semble avoir déjà été dit, bien que l’on rabâche sans cesse qu’il faut structurer ses histoires, il existe tellement de manières de raconter quelque chose, et la diversité des supports actuels pour transmettre ce quelque chose, que nous pouvons être sûrs que notre créativité ne sera jamais muselée autrement que par nous-mêmes (et il est de la responsabilité et de l’engagement de l’auteur de résister).

Mais pour briser les règles (en fin de compte, la créativité n’est rien d’autre), il faut d’abord les connaître d’où l’étude des séries qui nous ont précédées.

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