Dan Brown, c’est le Da Vinci Code (entre autres). Que pouvons-nous connaître de sa façon d’appréhender le thriller et dont nous pourrions tirer profit ?
Pour Dan Brown, il existe des éléments dramatiques qui doivent figurer dans toutes les histoires et pas seulement dans les thrillers. Dès que l’on commence à raconter une histoire, ces éléments doivent figurer dans le discours afin de faire de l’histoire, une bonne histoire.
Le moteur de l’intrigue
Ces éléments dramatiques font fonctionner l’histoire. Et toutes les histoires partagent ces éléments. Par exemple, une histoire posera un monde ou bien encore soulèvera une question dramatique.
Vous aurez une héroïne ou un héros qui auront quelque chose à accomplir. Vous donnerez un objectif au personnage principal qui sera plus ou moins important selon la teneur de votre message.
Votre héros ou votre héroïne rencontreront des obstacles qui rendront impossibles l’obtention de ce qu’ils veulent dans cette histoire.
Une histoire est aussi faite de moments comme par exemple celui où le héros ou l’héroïne vaincront le méchant de l’histoire (moment connu comme le climax. C’est à ce moment que l’auteur répond à la question dramatique centrale qu’il a posée dès le début de son histoire, savoir globalement est-ce que le héros réussira ou non).
Moralement (attention terrain glissant), lorsque le personnage principal surmonte l’adversité, le bien l’emporte sur le mal.
Un contrat avec le lecteur, un compte à rebours et une épreuve
Pour Dan Brown, planifier puis écrire un thriller, cela revient à respecter trois concepts.
Une promesse
Le contrat avec le lecteur, c’est une promesse que vous lui faites.
Cette promesse pour Dan Brown est de dire à son lecteur si vous lisez cette histoire, vous y découvrirez telle information. Vous faites en sorte qu’il se pose une question dramatique.
Par exemple, est-ce que ce jeune avocat plein d’ambition pourra-t-il échapper au cabinet d’avocats qui l’a engagé ? (La Firme de David Rabe, Robert Towne, David Rayfiel et John Grisham, d’après le roman La Firme de John Grisham).
La prémisse elle-même devrait être apparemment d’une simplicité déconcertante. Prenons la mémoire dans la peau, par exemple. Robert Ludlum est parti d’une constatation très ingénieuse : un homme amnésique.
Cette simple formulation porte déjà en elle une question dramatique (et il n’y a pas même un verbe pour y suggérer une quelconque action) : cet homme retrouvera t-il la mémoire ?
Et ce contrat entre l’auteur et son lecteur impose que le lecteur sait évidemment qu’il retrouvera cette mémoire perdue. Tenir ses promesses lorsqu’on est l’auteur d’un thriller est très simple. Puisque les termes y sont déjà résolus.
Ce qui compte, ce n’est pas qu’il retrouvera ou non la mémoire. Ce que le lecteur veut voir et entendre, c’est comment il retrouvera sa mémoire car, c’est évident, c’est clair qu’il recouvrera les souvenirs qui font son identité (et c’est bien celle-ci qui est au cœur de la problématique).
Cette question est un contrat auprès de votre lecteur et vous allez vous y tenir. Car aucune promesse n’est si insignifiante que vous négligerez d’y répondre.
Prenez néanmoins conscience de toutes les interrogations que vous soulèverez dans l’esprit de votre lecteur car chacune d’entre elles devra avoir sa résolution.
Cette promesse est un engagement auprès de votre lecteur et si vous tenez cette responsabilité alors le lecteur vous fera confiance en tant qu’auteur.
Une épreuve
Pourquoi une épreuve s’avère-t-elle nécessaire ? Parce que vous ne devez pas autoriser votre personnage principal à fuir l’adversité. Son corps ou son esprit peuvent lui intimer l’ordre de se mettre sur le côté pour éviter la menace immédiate mais il ne pourra pas ne pas y faire face.
L’épreuve devient un a priori, une condition de la légitimité de votre personnage.
Dan Brown emploie plutôt la métaphore du creuset pour expliquer que toutes les choses se soudent au sein de l’épreuve.
Prenons l’exemple des Dents de la mer de Peter Benchley. Et considérons le climax. Vous avez un bateau qui coule, un requin qui approche. Pour Dan Brown, s’il y avait eu la possibilité pour les personnages de fuir ce danger, il n’y aurait pas de thriller.
Il y a thriller parce que précisément, ils ne peuvent s’échapper. L’épreuve est là et ils doivent en faire l’expérience. Ils sont dans le creuset avec le bateau qui coule, avec le requin qui approche.
Il leur faut affronter le méchant de l’histoire. Dan Brown insiste fortement sur ce point et selon lui, cela ne vaut pas seulement pour le thriller mais pour nombre d’histoires.
Pour votre héros, il n’y a qu’une issue. Évidemment, ce sera une véritable misère pour lui. Ce chemin sera bondé d’obstacles et de monstres et de dangers en tous genres. Pour le héros, c’est un défi personnel.
Et ce sera sa réponse à ces tribulations qu’il ne pourra pas, qu’il ne voudra pas éviter qui feront de lui un personnage héroïque (avec la plupart du temps, un goût prononcé pour le sacrifice).
Et pour Dan Brown, c’est précisément cette volonté du héros qui rend le thriller excitant et satisfaisant.
Un compte à rebours
C’est un outil dramatique que l’on rencontre dans tous les thrillers. Immanquablement, il y a un décompte qui se déroule ne serait-ce qu’en arrière-plan.
Indépendamment de tous les autres moyens de créer de la tension dramatique, la pression temporelle pèse de tout son poids sur le thriller.
Dan Brown prend l’exemple de Anges et Démons. S’il s’était contenté de faire suivre à Robert Langdon la piste des Illuminati, cela aurait affaibli son intrigue. Pour la renforcer, il a donc décidé de créer cette bombe d’antimatière dont on connaît précisément le moment où elle éclatera.
Quelle que soit votre idée, dès que vous posez sur elle la pression du temps, vous écrivez certainement un thriller.
Rythme, Promesses & Suspense
Si vous demandez qu’est-ce qui fait qu’un thriller est un thriller, on vous répondra souvent enjeux et suspense. C’est vague parce que les enjeux et le suspense se trouvent dans tous les genres. On peut même remonter jusqu’aux mythes.
Il y a toujours un enjeu dramatique pour le héros. Que ce soit d’empêcher la fermeture de son restaurant ou s’évertuer à faire sortir ses enfants de prison, l’enjeu pour le personnage principal accompagne toujours l’objectif qu’il s’est fixé.
Ce peut être aussi quelque chose d’intérieur. Est-ce que votre jeune héroïne parviendra t-elle à surmonter la peur de son père ou faire le deuil de sa mère pour qu’elle puisse enfin vivre sa vie ? Le voilà l’enjeu. Aller à la rencontre de soi-même est bien plus qu’un objectif. C’est une question qui engage toute une vie.
En quoi consiste le rythme pour un thriller ?
Dan Brown préconise de poser les questions. Ensuite, à un rythme qui ne déboussolera pas le lecteur en l’interrompant dans sa lecture en quête d’une réponse qui ne vient pas, de répondre aux questions posées précédemment.
Concrètement, il faut tisser les questions et les réponses dans l’histoire. Chaque question posée aura une réponse qui soulèvera une autre question dramatique qui trouvera une réponse qui elle-même soulèvera une question dramatique. C’est ainsi que vous créerez un rythme. Chaque question posée est une nouvelle promesse.
En quoi consiste le suspense ?
C’est encore une question de promesses. C’est comme si vous disiez à votre lecteur, je sais quelque chose que vous ne savez pas. Et si vous continuez de tourner les pages, je vous le promets : je vous dirais ce que c’est.
Se documenter et se faire plaisir
Lire les œuvres d’autres auteurs, voir les films qui nous intéressent nous permet d’apprendre, d’avoir des idées, de s’ouvrir à de nouvelles perspectives sur nos propres idées (qui ont tendance à nous enfermer).
C’est aussi découvrir comment les auteurs font les choses, comment les histoires sont faites. On ne parle pas de plagiat mais de se laisser inspirer, de se laisser imprégner par d’autres que soi. Dans le genre du thriller par exemple, il importe donc de lire autant de thrillers ou d’ouvrages académiques sur le thriller que possible.
Vous aurez alors envie de reproduire les manières d’autres auteurs qui vous plaisent et apprendrez aussi à ne pas imiter les façons que vous vous découvrirez haïr chez autrui.
Et tout cela pourquoi ? Pour donner à votre lecteur ce qu’il veut mais d’une façon qu’il ne le verra pas venir.
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