Lorsqu’on a une idée pour un scénario, elle peut nous venir plus ou moins avec une histoire et des personnages. Et parfois non.
Le problème qui se pose alors est de savoir si ce qui importe est tel ou tel personnage et ce qu’il va faire ou bien si on se concentre sur un personnage qui fera telle ou telle chose.
En fait, le problème est mal posé. Notre esprit cherche à articuler une distinction entre l’action et les personnages. Alors que les deux sont confondus. L’intrigue est le personnage et le personnage est l’intrigue. C’est-à-dire qu’une intrigue, ce sont des personnages qui agissent et ce qu’ils font les révèlent.
Les personnages n’existent pas en dehors de ce qu’ils font et disent au cours de l’histoire et celle-ci n’existe pas au-delà de ce que font et disent les personnages.
Hors contexte
Le personnage de fiction est classiquement un être qui se veut marginal. S’il se conformait effectivement à la communauté dans laquelle il vit, il n’y aurait pas grand chose à raconter à son sujet.
Donnons-nous lui un but comme de lutter contre une injustice et il se retrouvera en butte à sa communauté puisque cette injustice niche précisément au sein de cette communauté. Le personnage devient en quelque sorte comme un poisson hors de l’eau se heurtant à son propre contexte.
Comme la plupart du temps, ce sujet sur lequel on souhaite écrire semble énorme mais surtout incomplet. Le matériel dramatique ne se présentera pas de lui-même.
Et ce matériau dramatique pour être pertinent va devoir trouver et compresser un quotidien tout empli d’actes sans significations. Considérons une relation entre un fils et son père. Dans la réalité, cette relation est constituée d’une multitude d’expériences qui ont eu lieu au cours des années.
Pour que cette relation soit efficace avec ce que vous avez à dire, il va falloir compresser afin de trouver les moments de cette relation les plus pertinents avec le message à faire passer. Et ce, par le moyen de scènes qui dans le cas d’un scénario sont forcément limitées.
Avant de se lancer dans le processus d’écriture du scénario, une planification des scènes est nécessaire, c’est-à-dire les moments et les conflits qui vont construire l’intrigue.
Une décision
Mais quels moments et dans quel ordre ? Il faut choisir. Et il faut choisir judicieusement parce que le scénario est par nature limité pour raconter une histoire. Peut-être qu’une seule journée que le père et le fils passeront ensemble peut suffire à tout expliquer.
Vous allez convier votre lecteur à un voyage, celui de votre personnage principal. Au cours de ce voyage, il va parcourir ce monde singulier que vous décrivez. Il peut s’agir d’un mariage (c’est un microcosme) ou bien l’histoire d’une jeune fille au cours d’un job d’été. Ces microcosmes ont beaucoup à offrir : des personnages, un ton (qui peut définir un genre), un temps et un lieu. Tout cela est intéressant à la condition toutefois que l’histoire avance.
Et pour que les choses ne stagnent pas, il faut un point de départ et un point d’arrivée. Tout ce qui se passe dans l’histoire se rend vers ce point d’arrivée. Une fiction dramatique est obligée de tendre vers un but. Sans cette intention, elle meurt.
Le lecteur a besoin de sentir que l’histoire se rend quelque part. L’auteur sait déjà ce qu’est ce quelque part.
Les scènes, les moments majeurs, les conflits se jouent dans un cadre qui les englobent. Et dans le même temps, ces instants de l’histoire mettent en œuvre une situation qui change et qui avance vers une sorte de résolution.
L’auteur va devoir combiner les moments, et même les imaginer de nouveau en greffant des informations supplémentaires (l’aspect dramatique exige parfois quelques mensonges). Il va devoir aussi inventer de nouveaux moments pour renforcer son propos car la fiction non seulement recopie la vie mais elle la réarrange aussi pour servir son intention.
La progression des événements aussi devra certainement être remaniée afin d’être davantage dramatique. Les conflits (essence dramatique par excellence) devront être intensifiés. Un simple fossé est trop facile à surmonter pour le personnage. Opposez-le de préférence à un gouffre apparemment insurmontable.
Ainsi, vous ferez une bien meilleure histoire.
Merci