Ecrire un personnage mauvais pour le voir se racheter à la fin de l’histoire par une prise de conscience de ses erreurs est certes bien ordonné et plein d’espoir. La bonté est possible. La vie nous le montre régulièrement.
Dans une fiction, nous sommes habitués à voir de mauvais personnages s’amender et devenir bons et meilleurs illuminés à l’horizon d’un renouveau printanier. Mais la vie est aussi un immense chaos et une fiction se devrait de répéter ce désordre, cette angoisse et l’inquiétude que la vie suscite en nous.
Une histoire, ce sont d’abord des personnages et ils devraient être montrés avec toute la complexité et les troubles auxquels les hommes succombent.
Le personnage principal d’une fiction, celui envers qui le lecteur éprouve le plus d’empathie, devrait avoir des soucis avec sa moralité. Ou du moins, celle-ci ne devrait pas le catégoriser dans le héros sans peur et sans reproche. Un protagoniste parfait est certainement très ennuyeux à suivre.
Des traits de caractère douteux
Lorsque l’auteur ressent le besoin de nuancer son personnage, il ne recherchera pas nécessairement un équilibre entre le bien et le mal. Il mettra en revanche en avant des traits assez sombres de son personnage. Ce sera une sorte d’antihéros.
Il y aura donc dans la personnalité de son protagoniste une grosse faille, une faiblesse qui le distinguera des autres personnages. Bien sûr, l’arc dramatique du personnage pourrait consister à ce qu’il dépasse ce qui le mine de l’intérieur.
Mais peut-être que l’histoire serait plus passionnante de le voir changer (c’est un phénomène naturel des œuvres de fiction) mais non en surmontant cette faiblesse de caractère qui le caractérise et qui peut l’aider à concrétiser son objectif, mais plutôt aborder cette transformation dans un autre domaine.
Considérons que votre personnage principal est un tueur. Moralement, il n’est pas dans les petits papiers de toute forme de justice. Vous en avez donc fait un antihéros.
Maintenant, sa dernière victime a laissé une veuve et un orphelin. Et il va se fixer une nouvelle mission. Sans leur révéler qui il est, il va leur venir en aide.
Ce qu’on tente de faire avec un antihéros, c’est de démontrer un personnage dérangeant (qui met mal à l’aise le lecteur) mais qui soit dépeint d’une manière qui va magnifier la fragilité de la nature humaine. En apportant cette extension dans la définition du personnage, vous engloberez aussi le lecteur qui peut reconnaître chez ce personnage pour le moins douteux une certaine universalité avec sa propre nature.
Un dualisme apparent mais erroné
Délimité explicitement le personnage qui représente le bien et celui qui se consacre au mal n’est pas la vraie vie. La volonté d’une fiction est de recopier celle-ci. Les personnages se doivent d’être des nuances de gris.
Un antihéros sera un personnage qui manquera les qualités qui font la pâte du héros : il ne sera pas digne de confiance ou bien lâche ou encore manquera d’honnêteté (envers les autres comme envers lui-même). Il est quelqu’un qui ne correspond décidément pas aux canons de la société bien-pensante.
Mais c’est voulu parce qu’ainsi il reflétera toute la confusion et l’ambiguïté de la société concernant l’éthique.
Nous le savons (mais n’y voyez aucune pression doctrinale) qu’un personnage principal doit attirer sur lui l’empathie du lecteur. Quelles que soient les méthodes qu’il emploie pour asseoir son point de vue sur le monde et aussi difficile pour le lecteur qu’elles soient à accepter, ce dernier doit trouver chez ce personnage des raisons de l’apprécier.
N’étant pas un personnage parfait, il est important néanmoins de rendre claires et distinctes les imperfections qui le caractérisent. Dans les scènes qui décriront ces manquements à la morale, le lecteur verra en actes les actions très critiquables de cet antihéros.
Les événements de l’histoire devront permettre au lecteur de comprendre pourquoi ce personnage agit si misérablement. Ce sera comme une ironie dramatique. Le lecteur aura connaissance des raisons qui poussent ce personnage de fiction à commettre des actes immoraux. C’est là que le passé d’avant l’histoire se manifestera au mieux.
Un marginal apprécié
Qu’il soit un raté, un dissident, un teigneux… comme Luke la main froide, Harry Callahan ou John McClane ou bien s’il s’agit d’une femme, vous pourriez la montrer par exemple comme une fille facile ou alors ne correspondant pas du tout aux rôles traditionnels dont on affuble un peu trop souvent les femmes.
De toutes façons, vous avez un message à faire passer. N’hésitez pas à noircir le tableau de votre personnage de fiction afin de vous aider à commenter sur un problème que vous voulez dénoncer.
Un antihéros est quelqu’un qui possède une sous-couche émotionnelle très forte. De nombreux personnages de fiction arrivent dans l’histoire déjà affublés d’une faille dans leur personnalité, d’un problème quelconque voire névrosés.
Lorsque le protagoniste est ainsi marqué (pourquoi serait-il différent des autres), ces traits négatifs de sa personnalité doivent être renforcés, plus évidents que chez un protagoniste classique qui a un défaut qu’il doit surmonter afin d’aller au bout de son objectif.
Et puis, il y a toujours quelque chose (et pas seulement l’antagoniste) qui vient faire foirer tout ce que l’antihéros tente d’entreprendre. On a le sentiment qu’il se bat contre la vie elle-même. Ce qui facilite la reconnaissance du lecteur envers ce personnage.
Se battre contre la vie est toutefois une notion abstraite. Pour la rendre palpable, l’auteur se rabat sur la matière qu’il a à porter de muse, c’est-à-dire le passé de son personnage.
Pour l’auteur, cela peut être le moyen d’expliquer qu’on échappe difficilement à son passé. Et surtout aux pertes que la vie ne laisse pas de nous faire souffrir.