ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (20)

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J’ai toujours insisté sur l’idée qu’une histoire, c’est d’abord une affaire de relations entre individus. Une telle relation peut être envisagée comme une courbe sinusoïdale avec des hauts et des bas.

Ces ondulations peuvent expliquer la nature de la relation à un moment donné de sa propre ligne dramatique : par exemple, deux personnages s’entendent bien ou bien ils sont en désaccord ou en instance de divorce selon le moment de l’histoire où l’événement apparaît.

Il existe un autre aspect cependant qui est davantage dramatique et qui agit très souvent dans la scène.
Qui possède le pouvoir ? C’est-à-dire la puissance d’agir, d’influencer la plus forte dans une scène en particulier.
Un personnage existe rarement seul dans un scénario. Il est plus facile d’ailleurs de l’écrire lorsqu’il s’agit de décrire une relation. Cela aide à la progression de l’histoire, développe les personnages et crée du conflit.

On peut poser déjà qu’un auteur sait plus ou moins de quoi il parle lorsqu’il écrit sur une relation. Par sa propre expérience ou par de simples observations, il a peu de recherches à faire (enfin c’est relatif) pour donner de la matière à une relation fictive entre deux personnages de fiction.

La relation jette une lumière sur un personnage

Prenons un jeune homme sûr de lui, plutôt bien fait de sa personne et qui se sent très à l’aise lorsqu’il s’agit de conquérir les filles.
Soudain, il fait une rencontre qui va le bouleverser. En effet, pour la première fois de sa vie, il tombera amoureux.

Dès qu’il est en présence de la jeune fille de ses rêves, le voilà muet ou complètement imbécile. La nature de cette relation particulière éclaire la persona du jeune homme, c’est-à-dire l’image qu’il veut renvoyer aux autres mais qui n’est nullement ce qu’il est vraiment.
Beaucoup d’histoires consistent justement à permettre à leur personnage principal d’aller à la rencontre d’eux-mêmes.

Pour atteindre à cette vérité qui est la leur,  il leur faut se débarrasser de leur persona (ou l’assumer totalement en ayant pleine conscience de celle-ci).
Et l’évolution de la relation au cours de l’histoire (la théorie narrative Dramatica considère la ligne dramatique d’une relation comme de première importance) aboutit à cette conclusion.

D’autres fois, l’alchimie qui se crée entre deux personnages peut renforcer l’un tandis qu’elle affaiblit l’autre. Un  autre cas de figure est que les deux personnages se renforcent mutuellement ou se fragilisent mutuellement.

Les fondations d’une relation

On peut distinguer quatre éléments à la base d’une relation. Il peut être pratique de définir d’abord ces quatre éléments et ensuite d’accorder les traits de la personnalité des personnages selon les bases de la relation entre eux.

Les conditions de la relation

Lorsque l’histoire débute, il peut déjà exister entre deux personnages une affinité préexistante ou bien les conditions d’une relation future entre deux personnages qui ne se connaissent pas encore sont antérieures à l’histoire.

On peut distinguer trois types de relations. La plus dynamique est une relation conflictuelle. Mais il peut y avoir aussi entre deux personnages une relation d’influence ou bien encore une relation de dépendance.
Deux personnages peuvent commencer l’histoire en se détestant. Il faut qu’il y ait une raison cependant à ce que leur relation initiale se maintienne au cours du scénario. En effet, deux personnes qui ne s’apprécient pas ont plutôt tendance à s’éloigner l’une de l’autre.

Or dans l’histoire, il faut que cette relation (quelle que soit sa nature) soit forcée sur les deux personnages afin que l’on puisse la voir évoluer dans le cours de l’intrigue.
Donc, il peut être bon pour l’auteur d’écrire une petite note sur les relations de ses personnages, sur la nature des relations (conflictuelle, relation d’influence ou de dépendance) et sur l’évolution possible de cette relation.

L’aspect nécessairement conflictuel de la relation

Qu’un personnage soit dépendant d’un autre ou influençable par cet autre, il n’en reste pas moins qu’il y a une opposition ou une contradiction qui se créent entre eux deux.
C’est comme si les deux personnages se repoussaient mutuellement. Même s’ils sont sincèrement attirés l’un vers l’autre, cette attirance ne peut être évidente.

Si, par exemple, l’auteur a prévu que deux de ses personnages s’uniront par les liens du mariage, l’exposition et les différentes situations de l’intrigue feront en sorte que ce dénouement n’apparaissent pas comme possible.
Il n’y a pas de haine entre eux deux. Simplement, la vie a fait qu’ils ne se sont pas encore découverts.

Il peut y avoir une différence de points de vue dont le débat peut porter sur le thème de l’histoire ou sur le message de l’auteur. Peut-être s’agit-il simplement de convaincre l’autre que son opinion, ses préjugés ou ses présuppositions sont fausses.
Il ne s’agit pas d’une relation purement conflictuelle comme celle qui peut unir le protagoniste et l’antagoniste. Ce qu’il faut, c’est que la relation puisse évoluer (ce qui ne s’avère pas possible sous l’angle des fonctions protagoniste et antagoniste).

Nous avons mis en place les conditions de la relation en se réservant la possibilité de la voir évoluer. Maintenant, il faut prévoir le processus de cette évolution. C’est un mouvement et il faut pouvoir expliciter les différentes phases du changement qui s’opère entre les deux personnages.
Dans une œuvre dramatique, une relation ne peut être de pure amitié. Une relation ne peut être égale à elle-même tout au long du scénario. Par moments, l’un des personnages tiendra les rênes de la scène alors qu’à d’autres moments, il aura perdu ce pouvoir.

Je rejoins en cela l’analogie avec la courbe sinusoïdale où la puissance d’agir d’un personnage dans la relation particulière qu’il entretient avec un autre dans le cours de l’histoire est plus ou moins forte selon le moment de cette histoire.

Des attributs contrastés

Par exemple, si l’un des personnages est extraverti, l’autre sera introverti. L’idée est qu’ils se mettent en lumière mutuellement. L’introversion de l’un servira à expliquer l’extraversion de l’autre. Cela peut faire l’économie de scènes laborieuses lors de l’exposition lorsqu’il s’agit de montrer les traits de la personnalité de ces deux personnages.
Autant qu’il s’explicite l’un l’autre.

Ces attributs qui s’opposent (peut-être dans un dualisme un peu trop marqué autant dans leurs qualités que leurs défauts) peuvent aussi les aider à lutter contre l’adversité. Lorsque les défauts de l’un sont corrigés ou rattrapés par les qualités de l’autre.
L’un des personnages peut toujours s’en remettre à l’autre pour les défis personnels qui lui sont lancés. C’est une forme de partenariat.

Une transformation

La relation participe activement à l’arc dramatique des deux personnages. Que ce soit pour le meilleur ou le pire.
Habituellement, les deux personnages tendent à se fondre mutuellement l’un dans l’autre. Le personnage introverti par exemple s’ouvrira davantage au monde alors que le personnage extraverti deviendra plus sage au contact de l’autre.

Une question de puissance

Cela se joue surtout au niveau des scènes. Dans chaque scène, vous devez repérer le personnage qui sera au centre de celle-ci. Par sa puissance d’agir, il orientera la scène.
Chaque personnage dans une scène a une intention. Classiquement, ils veulent chacun obtenir quelque chose de l’autre.

Cependant, le personnage au centre de la scène sera celui pour qui la conclusion de la scène aura été favorable ou non. Expliquons les choses un peu différemment concernant ce concept de pouvoir.

Un cambrioleur vient de s’emparer des bijoux. Il rejoint aussitôt sa planque et la police ne possède aucun indice.
Dans cette situation spécifique du scénario, c’est le cambrioleur qui a le pouvoir.

L’intrigue se poursuit et l’officier de police en charge de l’enquête (il sera notre protagoniste) parvient à loger le cambrioleur. Cette fois, le cambrioleur est menacé. Il ne contrôle plus la situation car dorénavant, c’est l’officier de police qui mène l’action. Il a une puissance d’agir supérieure à celle du cambrioleur.

Seulement, le cambrioleur avait prévu ce risque. Sa planque est piégée. L’officier se retrouve dans une impasse dont profite le cambrioleur pour s’enfuir. C’est maintenant lui qui reprend les rênes de l’action. Le pouvoir change ainsi de main à tour de rôle et l’intrigue en profite pour continuer à se déployer tout en ajoutant au suspense et à la tension.

Notez aussi que les questions de morale ou bien de qui a raison ou tort n’interviennent pas dans ses questions de puissance.

Prochain article :
ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (21)

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