C’est un être insaisissable que l’archétype du métamorphe. De par sa nature même, c’est quelqu’un d’assez instable. Quand on croit le connaître, voilà que nous découvrons soudain un nouveau visage.
Le métamorphe est un archétype puissant qui peut s’avérer très utile à un auteur.
Le métamorphe ne doit pas seulement être compris comme un personnage réservé à des genres comme la Fantasy ou la science-fiction. Bien au contraire, les racines de cet archétype puisent dans la mythologie et il est alors facile de penser à l’inconscient collectif par exemple qui peut autoriser un auteur à construire des personnages assez universels tout en étant singuliers à l’histoire qu’il raconte.
Cet archétype fait partie des personnages que le héros rencontrera au cours de son aventure. Le héros est en effet rarement dépeint à partir des caractéristiques du métamorphe.
A chaque fois que le personnage principal pensera connaître le personnage qui revêt l’archétype du métamorphe, celui-ci agira d’une manière totalement inattendue. Pour le protagoniste, c’est un personnage qui ne cesse de le surprendre.
Le Love Interest du héros
Il apparaît souvent que le partenaire romantique du héros ou de l’héroïne (s’il est présent dans l’histoire) est dépeint sous les traits du métamorphe. Que ce soit en fiction ou dans la vie réelle, des personnages ou des personnes volages, changeantes ou inconstantes sont communes. Et elles agissent pour le moins de manière déconcertante.
Dans Liaison fatale, par exemple, Alex nous est d’abord présentée comme quelqu’un de passionné envers Dan mais qui se transformera vite en un véritable cauchemar pour Dan et sa famille.
Dan s’est mépris sur Alex. En quelque sorte, il s’est trompé d’archétype. Il s’est imaginé une personnalité d’Alex en ignorant qu’en blessant cette femme, il allait solliciter chez elle une véritable démence, une autre personnalité.
Le métamorphe est un personnage difficile à saisir, à la fois pour le héros mais aussi pour le lecteur. Indubitablement, il est difficile d’être sûr de sa loyauté ou de sa sincérité.
Carl Gustav Jung
Christopher Vogler écrit que l’énergie de l’animus et l’anima (tels que Jung a défini ces termes) s’exprime dans l’archétype du métamorphe.
L’animus serait l’image autant positive que négative du masculin dans l’inconscient féminin. Et l’anima serait une image semblable mais du féminin dans l’inconscient masculin. Evidemment, il faut admettre l’existence d’un inconscient.
Selon Jung, un être serait fait de qualités à la fois masculines et féminines nécessaires à son équilibre mais aussi à sa survie. Ce qui pose problème d’un point de vue sociétal. Alors que la femme est éduquée pour minimiser ses qualités masculines, l’homme qui souffre trop de ces passions est souvent déconsidéré.
De nos jours, l’homme travaille à reconquérir ses qualités féminines refoulées telles que la sensibilité, l’intuition et la capacité à ressentir et à exprimer des émotions. Et les femmes cherchent à reprendre possession des énergies masculines qui les habitent et que la société aurait découragées et qui se manifestent par le pouvoir et l’affirmation de soi.
Ainsi, la rencontre entre un métamorphe et le héros pourrait permettre à ce dernier d’acquérir une certaine maturité psychologique.
Une projection
Il existe des relations où l’on ne voit pas l’autre clairement. C’est ce qui est arrivé à Dan dans Liaison fatale.
C’est ainsi que nous projetons sur l’autre notre propre désir de renouer avec notre animus ou notre anima. Nous concevons un partenaire idéal que nous projetons sur l’autre. Dans ce processus, nous ne tenons pas compte de l’autre.
Et nous le forçons à être ce personnage imaginaire, à correspondre à notre projection. C’est un tel phénomène que nous trouvons dans Sueurs Froides dirigé par Hitchcock.
Scottie force Lucy à ressembler à Madeleine.
L’animus et l’anima peuvent être de valeur positive ou négative. En d’autres termes, ces notions peuvent bénéficier au héros et lui permettre d’accomplir son arc dramatique ou bien elles peuvent le détruire (ce qui actualise aussi son arc dramatique, d’ailleurs). Certaines histoires consistent pour le héros à comprendre justement ce qu’il affronte intérieurement.
Traditionnellement, le métamorphe est un catalyseur pour le protagoniste. Il est un symbole de l’urgence psychologique à changer dans laquelle se trouve le héros. Il sera comme une révélation pour le protagoniste qui changera alors d’attitude vis-à-vis de son point de vue sur les hommes ou les femmes qu’il fréquente.
Cet archétype sera aussi le moyen par lequel le héros pourra enfin s’accorder avec les énergies refoulées qui le minent de l’intérieur.
La fonction dramatique du métamorphe
La fonction dramatique de cet archétype est d’apporter du doute dans l’esprit du héros. Ce qui crée par le même coup du suspense dans l’esprit du lecteur.
En effet, si le héros s’interroge sur la loyauté d’un personnage envers lui, si celui-ci peut le trahir ou non, le lecteur se pose la même interrogation, ce qui crée du suspense.
C’est dans le film noir ou le thriller qu’apparaît le plus souvent un métamorphe. Le faucon maltais ou les adaptations du Grand Sommeil de Raymond Chandler sont d’excellents exemples. Ici, c’est la loyauté et les intentions d’une femme qui sont à la source de l’incertitude.
Dans L’ombre d’un doute, c’est oncle Charlie qui sème le doute chez la jeune Charlie.
Le métamorphe est aussi très proche de l’archétype de la femme fatale, de la tentatrice essentiellement destructrice. On peut même remonter jusqu’à Dalila coupant les cheveux de Samson pour lui voler sa force. On trouve ce motif de la femme fatale dans Basic Instinct.
Gardons à l’esprit cependant que la femme n’est pas seule à l’origine du péché. Des comportements de femme fatale peuvent se trouver aussi chez des personnages masculins. Par exemple, A la recherche de Mister Goodbar qui conte l’histoire d’une femme de prime abord sage qui recherche l’amant parfait mais ne trouvera qu’un métamorphe l’entraînant à la mort.
Evidemment, cet archétype ne mène pas toujours le héros à sa chute. Souvent, il est partie intégrante de la romance puisque l’on sait bien que l’amour rend aveugle et qu’il est difficile de voir clairement l’autre sous les différents masques qu’il peut porter.
Ce qui est parfaitement illustré dans A la poursuite du diamant vert de Diane Thomas.
Le problème d’identité du métamorphe
De nombreux héros ont à faire à des métamorphes qui cachent leur véritable nature sous une personæ qu’ils renforcent par les mensonges qu’ils lui disent.
Protée, divinité marine, est mentionnée par Homère dans L’Odyssée comme le Vieillard de la mer. Ménélas, de retour de Troie, piégea Protée afin d’obtenir des informations. Dans toutes ses tentatives pour s’échapper, Protée se métamorphosa en un lion, un serpent, une panthère, un sanglier, un arbre et même en eau ruisselante.
Ménélas tint bon et ne se laissa pas leurrer. Protée n’eut plus d’autre choix que de reprendre sa forme originelle (sa véritable nature) et de lui céder les informations souhaitées. Une interprétation possible de cet épisode serait que le héros doit être patient avec un métamorphe afin que la vérité l’emporte.
L’archétype du métamorphe peut être endossé par n’importe quel personnage de l’histoire. Et même si le protagoniste n’est pas celui qui partage le plus souvent des attributs du métamorphe, il peut parfois en endosser le masque. Dans Officier et Gentleman par exemple, Zack tente d’en mettre plein les yeux à Paula dont il est tombé amoureux.
Ce qui est à retenir chez cet archétype, c’est sa capacité protéiforme. Ce qui lui permet d’assurer un peu toutes les fonctions dramatiques dans une histoire. Il faut noter néanmoins que l’usage le plus répandu est celui qui ordonne une relation amoureuse.
Il peut toutefois servir l’intrigue dans les situations où l’apparence d’un personnage ou bien son comportement doivent changer et que cela réponde aux besoins de l’histoire.
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