Abordons dans cet article ce qui caractérise la comédie.
Afin d’avoir une connaissance de ce qui est à l’œuvre dans le thriller et la comédie, il est bon de survoler ce qui les caractérise. Nous avons vu précédemment le thriller, occupons-nous maintenant de la comédie.
Nous avons dans un article précédent envisagé quelques conventions de la comédie :
- La répétition
- L’inversion
- Le quiproquo (dénommé interférence réciproque par Henri Bergson)
- Le travestissement et l’exagération
Développons le concept plus avant. Le rire du lecteur est influencé par la construction d’un environnement qui convainc le lecteur que le protagoniste ne risque rien. Ce qui apparaît comme contradictoire avec l’idée même du suspense nécessaire au thriller.
Souvenons-nous d’abord de l’essai de Henri Bergson sur la signification du comique.
Quelque chose de mécanique dans quelque chose de vivant
Pour Bergson, le rire a essentiellement une fonction sociale. Il consiste à corriger un comportement déplacé ou inadapté aux circonstances immédiates.
Un exemple sommaire serait d’assister à la chute d’une personne qui glisse sur une plaque de verglas et qui s’effondre comme un pantin désarticulé. Ce spectacle malheureux prête à rire.
Ce qui signifie aussi que le rire nécessite une distance émotionnelle parce que si nous ressentons une quelconque émotion devant la chute de ce malheureux personnage, nous ne pourrons en rire.
Un comportement mécanique
Lorsque le vivant socialement reconnu dévie de la norme à laquelle tout le monde s’attend, c’est comme s’il prenait une apparence mécanique. Comme un corps qui chute et qui tente désespérément de lutter contre l’inexorable gravité.
Pour mieux comprendre ce mécanisme qui se superpose à la vie, Bergson mentionne certains comportements empesés, raides ou crispés dans certaines circonstances. Le mouvement ne semble pas naturel mais plutôt celui d’une marionnette.
Pour Bergson, le rire doit être dépourvu de toute émotion. Il est quelque chose de purement intellectuel. Partant, nous ne percevons plus dans le personnage risible la souffrance qu’il endure. Et c’est là qu’intervient la comédie. Puisque dans une comédie, le lecteur sait que le personnage risible ne craint rien. Il ne souffre pas des rires dont il est l’objet.
Le problème pour nous qui tentons de lier comédie et thriller est que le personnage qui chute devant nous d’une manière si amusante ne se relèvera pas. Et du sang maculera le pavé.
Le suspense reprend ses droits et la comédie se tarit.
Le rire n’est possible que lorsque le lecteur parvient à dissocier la réalité du personnage qui peut alors subir toutes sortes de violence. Le personnage devient alors un objet le temps du rire. Dans la comédie, il est nécessaire de déshumaniser le personnage.
Néanmoins dès qu’une connexion émotionnelle se réinstalle entre le lecteur et le personnage, le rire cesse.
Cette approche de la comédie nous rend soudain difficile d’apporter à notre pitch une connotation humoristique.
Nous reviendrons cependant dans le prochain article sur l’aspect psychologique du suspense. Peut-être parviendrons-nous à trouver des solutions pour introduire la comédie dans de possibles interstices.