L’intrigue est le matériel qui s’insère entre l’acte Un et l’acte Trois. Inutile de se le cacher : c’est probablement la partie la plus difficile à écrire entre l’incident déclencheur (qui lance l’intrigue) et le climax (l’ultime confrontation entre le personnage principal et son antagonisme, quel qu’il soit).
Lors de l’intrigue, l’auteur doit se préoccuper de développer son histoire, maintenir la tension dramatique et mettre en place des conflits à la difficulté croissante.
Il sera aidé en cela parce que de nombreux scénarios suivent un même motif sans pour autant manquer d’originalité.
Il existe plusieurs façons de déployer son intrigue. Ce qui est remarquable en comparant des scénarios qui semblent ne rien avoir en commun, c’est de distinguer soudain qu’ils partagent un même motif d’intrigue.
C’est le cas par exemple de Star Wars, Le Parrain et The Big Lebowski.
Idem pour Iron man, Shrek et La liste de Schindler.
Ainsi une méthode de progression de l’intrigue peut être repérée indépendamment du genre de l’histoire. C’est la combinaison de plusieurs facteurs tels que le genre ou les personnages qui permet de rendre apparemment unique une histoire alors qu’elle partage avec d’autres histoires un même déploiement de son intrigue.
L’intrigue : un vide brumeux
L’auteur a une prémisse en tête, quelques figures centrales qui lui serviront de personnages, probablement une séquence d’ouverture et certainement un dénouement pour son histoire.
L’intrigue, quant à elle, est la grande interrogation.
Comment développer une idée originale en une histoire complète tout en respectant la prémisse retenue ? En comprenant quel motif corresponds le mieux à la prémisse, vous aurez une idée de la manière dont l’intrigue pourrait avancer.
Et comme de très nombreux auteurs depuis la nuit des temps ont emprunté un même motif pour raconter leur histoire, il suffit d’identifier parmi les motifs existants (et d’un point de vue pratique, ils ne sont pas très nombreux), celui qui permettra à l’intrigue de s’accorder avec tous les autres éléments dramatiques qui constituent l’histoire.
La répétition d’un motif pour votre histoire pourrait vous sembler aller contre votre créativité. Il ne faut pas s’arrêter à cette opinion. Cela fonctionne comme pour les archétypes sur lesquels nous fondons nos personnages. Ils sont une base qui peut être ensuite modelée à volonté pour rendre un personnage unique.
Un motif d’intrigue fonctionne pareillement. Il fournit une structure nécessaire tout en laissant un potentiel de possibilités pour créer quelque chose d’original.
Un motif n’est pas forcément un cliché
Il le devient si l’on imite fidèlement un motif cent fois répété. Une imitation sans inspiration n’est pas très satisfaisante pas plus pour le lecteur que pour l’auteur.
En reconnaissant un motif, vous établissez un point de départ pour votre scénario en l’ancrant dans un motif structurel qui a prouvé son efficacité dramatique. Il suffit ensuite de diverger et d’embellir. L’originalité d’une histoire dépend de nombreux facteurs.
Ces facteurs sont indépendants les uns des autres. Le genre, le ton, les qualités individuelles des personnages, les lieux de l’histoire et chaque prémisse rendent chaque histoire unique bien qu’elles partagent une structure similaire pour leurs intrigues.
Cette structure évite que l’intrigue n’erre dans des limbes qui ne parviennent jamais à se matérialiser.
L’intrigue centrée sur le protagoniste
Ce type d’intrigue se concentre fortement sur l’arc dramatique du personnage principal.
Un innocent jeté dans la tourmente
Un héros innocent se trouve involontairement jeté dans des situations qui le dépassent. Pendant toute la première moitié de l’histoire, il est relativement passif se contentant de réagir aux attaques de forces extérieures.
Néanmoins, au point médian de l’histoire, le héros reprend le contrôle de sa vie. Il prend des décisions et agit intentionnellement pour se défendre. Son arc dramatique s’étend de la faiblesse à la force, valeurs diamétralement opposées.
Quelques exemples :
- Luke dans Starwars
- Michael Corleone dans Le Parrain
- Benjamin dans Le Lauréat
L’élévation
Un héros plus ou moins quelconque est jeté dans une situation où l’on s’attend à le voir accomplir de grandes choses. Il ne s’y rend pas de lui-même. C’est souvent un pouvoir extérieur qui le choisit pour cette tâche.
Les premières tentatives du protagoniste pour atteindre à cette grandeur sont contrariées par les failles personnelles du héros. Ce peut être un manque de confiance en soi, de la naïveté, de l’arrogance ou de l’ignorance.
Le héros est alors accompagné par d’autres personnages qui l’incite à se dépasser. Les points majeurs de l’intrigue sont des épreuves dans lesquelles le protagoniste doit prouver sa valeur.
Ce sont des tests qu’il échouera jusqu’à ce qu’il rencontre enfin le succès.
Quelques exemples :
- Rocky
- Po dans Kung Fu Panda qui rêve de devenir un combattant à l’image des 5 cyclones mais il est faible, obèse et maladroit.
- Clarice Starling dans Le silence des agneaux qui aura besoin de découvrir en elle la force de dépasser son trauma. Hannibal lui sera d’une aide précieuse dans cette démarche.
La reconnaissance
Le protagoniste est un personnage qui a connu la gloire mais qui est tombé en disgrâce ou dans l’insignifiance. L’incident déclencheur lui propose alors une opportunité de retrouver sa grandeur passée.
Le protagoniste devra alors combattre ses propres faiblesses et insécurités ainsi que la perception négative qu’il a d’autrui.
Il sera aidé dans cette tâche par d’autres personnages. L’intrigue alors met en place une série d’événements qui peuvent être bénéfiques au héros ou bien un sérieux revers pour celui-ci. Cela lui permet d’apprendre de nombreuses choses sur lui-même et de poursuivre son objectif fort de cette nouvelle connaissance.
Quelques exemples :
- Austin Powers
- Jim Braddock dans De l’ombre à la lumière. Autrefois boxeur prometteur, Jim porte les espoirs et les rêves des plus démunis. Mais il devra affronter Max Baer, le redoutable champion du monde qui a déjà tué deux hommes en combat.
L’antihéros
Le protagoniste est un antihéros c’est-à-dire quelqu’un qui pourrait être un héros mais qui ne le souhaite pas. Différentes raisons sont possibles. L’égoïsme est ce qui revient assez souvent dans les histoires mais en fait, n’importe quelle faiblesse dans la personnalité du personnage fera l’affaire si cette faille est suffisamment marquée.
Les événements (à la fois déclencheur et au cours de l’intrigue) force cependant l’antihéros à se comporter comme un héros. Et bien que la force antagoniste peut représenter une véritable menace pour le protagoniste ou pour ce qui a de la valeur pour lui, le plus grand obstacle que le héros rencontrera est sa propre résistance à changer.
Le développement de l’intrigue qui se calque sur celui de l’arc dramatique de ce personnage principal consiste à ce que les événements qui surviennent au cours de l’intrigue parviennent petit à petit à lui faire prendre conscience de la nécessité de changer.
Au départ, l’antihéros se contemple le nombril et petit à petit, il devient héroïque. Et c’est ce qui lui permet d’atteindre l’objectif que lui a fixé l’auteur.
Quelques exemples :
- Tony Stark dans Iron Man ne découvrira que sur le tard qu’il lui faut mettre son potentiel au service de la protection des innocents et de la justice.
- Oskar Schindler qui, ému par le sort des juifs, décide de prendre parti pour eux.
- Rick Blaine dans Casablanca
- Et l’ami Shreck.
La rédemption
Le protagoniste débute l’histoire avec une blessure. En fait, il est habituel dans les histoires que le héros de celle-ci soit un être blessé. Souvent, il n’est pas conscient de cette blessure mais elle le hante.
L’arc dramatique alors développé consiste à ce que le héros dépasse cette profonde souffrance, qu’il prenne conscience de son trauma et l’assimile.
La rédemption va plus loin que de surmonter une faiblesse. Classiquement, le héros se révèle à lui-même à travers les tribulations de l’intrigue. Il va à la rencontre de sa vraie nature et c’est ce qui lui permet non seulement d’avoir une véritable chance contre l’antagonisme mais surtout de devenir un être complet.
Avec la rédemption, il y a la notion de pardon. Que les actes dont s’accuse le héros soient véridiques ou imaginaires, le héros en a conçu une culpabilité qui le mine intérieurement.
Tant qu’il ne s’est acquitté de cette souffrance, il ne peut pas évoluer.
Le protagoniste reçoit un objectif dont l’accomplissement devrait le délivrer de ce qui le dévore intérieurement. Cette guérison peut être littéral, métaphorique ou symbolique.
Mais le héros offre une résistance et les moments de l’intrigue les plus marquants sont ceux qui forcent le héros à surmonter cette réticence.
Bien sûr, l’intrigue propose des conflits extérieurs mais c’est bien contre lui-même que le héros devra lutter. Et ce combat personnel est avant tout une lutte contre l’inconnu.
Quelques exemples :
- Des gens comme les autres où Calvin, le père, et Conrad, son fils, devront apprendre à se désaliéner de leur femme et mère, Beth.
- Miles dans Sideways doit apprendre à assumer ses échecs pour que sa relation avec Maya fonctionne.
- Will dans Will Hunting doit surmonter le trauma de son enfance pour grandir.
Sortir de l’impasse
Lorsque nous découvrons le protagoniste, c’est un être malheureux, insatisfait de la vie qu’il mène. Il choisit librement sans interférence d’une force antagoniste quelconque de faire en sorte que sa vie devienne meilleure.
Les conflits mis en avant dans l’intrigue proviennent de la résistance de l’entourage du héros alors qu’il essaie de changer le statut quo de sa vie. Le développement de l’intrigue et la montée en tension décrivent le combat du héros contre les obstacles qui tentent de l’empêcher de mener à bien le changement auquel il aspire.
Les complications viennent alors des autres qui refusent de voir le héros changer et entravent ses efforts.
Quelques exemples :
- Lester Burnham dans American Beauty
- John Dunbar dans Danse avec les loups
Nous aborderons d’autres motifs d’intrigue dans le prochain article.