Le héros est appelé à changer. Soit il devient meilleur (et la sotériologie y verrait une délivrance), soit sa vie devient un véritable enfer (il n’a pas gagné sa rédemption), soit il affermit ses certitudes en se débarrassant de ses doutes.
Chaque histoire pourrait être à propos de la transformation du héros en un autre être. Après tout, tout individu devrait être un projet en devenir.
En somme, si vous n’envisagez pas dès vos recherches comment votre héros changera, vous n’obtiendrez probablement pas une fiction.
Une histoire décrit ce qu’il se passe et plus précisément ce qu’il se passe envers un personnage et comment il réagit aux événements.
Et ses actions et réactions lui font progressivement prendre conscience de certaines vérités sur lui-même. Pour John Truby, la révélation serait même une charnière importante de la structure qui sous-tend un héros.
Davantage d’émotions et moins d’actions
Michael Corleone est d’abord un homme plutôt humble qui se distingue de sa famille puis devient le Parrain. Luke Skywalker est d’abord un être insatisfait, qui manque de confiance en soi et qui devient un des leaders de la Rébellion.
Ce sont ces parcours qui rendent l’histoire intéressante et non l’action. L’action est nécessaire visuellement puisque nous sommes dans un média visuel mais l’action pure n’est jamais recommandée.
L’action devrait être toujours relative au développement psychologique des personnages.
Cette évolution des personnages est un processus interne, émotionnel. Elle se distingue de l’action.
Un immeuble qui s’effondre sous le coup d’un attentat est de l’action. Le désir de vengeance d’un homme doux et pacifique parce que sa femme a perdu la vie fera de lui un juge impitoyable allant jusqu’à commettre des actes immoraux pour assouvir sa vengeance selon la loi du talion.
Ce qui intéresse l’auteur est ce besoin de justice. L’action aurait pu être toute autre tant que le basculement émotionnel du personnage fait sens avec l’action.
L’action en soi est vide de sens. Certes, elle met en valeur l’histoire mais si vous ne parvenez pas à lier l’action à l’émotion, l’histoire perdra ou du moins manquera de signification.
Trois questions à se poser
L’élaboration de l’arc dramatique du personnage se décompose en trois phases :
- Quel type de personne le héros doit-il devenir ?
- Où doit-il commencer son parcours émotionnel ?
- Quelles sont les étapes de cette transformation ?
Vous avez déjà probablement une idée de comment votre héros finira l’histoire mais il vous faut identifier le type de personne qu’il doit devenir afin d’aborder le climax dans les meilleures conditions.
Rocky Balboa, par exemple, a simplement besoin de croire suffisamment en lui. C’est cela qu’il doit atteindre. Il n’est cependant pas destiné à devenir ainsi. Rien n’est inscrit dans ses gênes quant à ce résultat.
C’est véritablement à une révélation (ou anagnorisis) que nous avons à faire. A quoi mène cette prise de conscience est de la responsabilité de l’auteur.
Une fois que vous avez compris ce que doit devenir votre héros, il suffit d’inverser le point de vue pour connaître ce qu’il doit être au départ.
C’est aussi simple que de se dire puisque mon personnage doit acquérir la confiance qui lui fait défaut, c’est qu’il débute l’histoire en étant quelqu’un de très angoissé, qui a besoin de ressentir un vrai sentiment de sécurité…
Il faut bien admettre que lorsque nous rencontrons Rocky Balboa pour la première fois, il a tout l’air d’un loser !
Apprendre de ses erreurs
Nous avons vu précédemment que l’antagonisme est l’élément moteur qui oriente l’évolution psychologique du personnage.
Car, face à lui, le héros n’est généralement pas parfait et même s’il remporte quelques victoires, il lui faut surtout apprendre de ses échecs.
Il existe un autre personnage qui servira de mentor au héros. Une sorte de précepteur qui doit éduquer le héros et l’aider à comprendre les choses.
Sans ce mentor, le personnage principal d’une histoire risque de ne jamais voir la lumière. Notez qu’un mentor n’est pas une obligation contrairement à l’antagoniste pour obtenir une bonne fiction. Mais sa présence auprès du héros est généralement bénéfique à l’effet de l’histoire sur le lecteur.
Une chose est certaine cependant. Si le héros ne change pas d’une manière ou d’une autre, ses chances contre le méchant de l’histoire sont quasiment nulles.
Et un mentor peut guider le héros sur la voie du changement. Ou du moins l’aider à prendre la mesure de ses échecs afin de grandir. Il peut aussi lui apporter les rudiments dont il aura besoin pour combattre l’antagoniste. C’est ce que Joseph Campbell nomme un objet magique dans son schéma du voyage du héros.
Et c’est à cela que sert Mickey qui va entraîner Rocky non pas pour qu’il batte Apollo Creed (Rocky sait bien que cet objectif est inatteignable) mais pour lui apprendre à avoir suffisamment confiance en lui pour tenir les quinze rounds contre le champion. Et c’est cela le véritable objectif de Rocky : Going the distance.
Pour résumer, il vous faut comprendre dans quel état psychologique se trouve votre héros au début de l’histoire, c’est-à-dire dans son monde ordinaire. Un quotidien, d’ailleurs, qui s’avère être une impasse pour le personnage. Dans ce quotidien, il n’évolue pas.
Puis, vous devez déterminer ce qu’il doit devenir (une sorte de devoir être) afin qu’il ait une chance de triompher de l’adversité.
Et vous devez connaître aussi comment il évoluera au cours de l’histoire. C’est-à-dire quels seront les événements qui lui permettront de prendre conscience progressivement de la nécessité à changer (dont l’orientation est définie par l’antagonisme).
Notez aussi que ce changement peut consister à renforcer ses propres positions actuelles qui pourraient être ébranlées par une foule d’incertitudes au début de l’histoire. La théorie narrative Dramatica peut vous aider à comprendre ce genre de situations.
Comme il n’a pas à faire la route seul, vous pouvez lui adjoindre un mentor (mais le mentor n’interviendra pas dans l’ultime confrontation contre le méchant de l’histoire).
Cela, c’est quelque chose que le héros doit faire seul (un peu comme s’il se battait contre lui-même).
Le personnage est substance
Si le personnage ne change pas d’un iota, vous n’aurez que de l’action pure. Même James Bond dorénavant connaît un arc dramatique (ce qui le rend plus humain).
Dans les classiques de James Bond, sûr que le bon vieux James est un être parfait qui n’a aucun besoin à changer mais le principe était préservé car il parvenait toujours à faire prendre conscience à un autre personnage de la nécessité de changer. Et celui-ci s’en trouvait fort aise et le lecteur satisfait.
Ce n’est malheureusement pas le cas avec Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal où aucun des personnages n’est soumis à un arc dramatique. Et l’action ne porte en elle aucune signification. Autrement dit, elle est inutile et devient vite ennuyeuse.
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