Il est souvent plus simple d’envisager une histoire en s’attardant d’abord sur son héros. Mais il est aussi un personnage qui a autant d’importance si ce n’est plus que le protagoniste.
Et c’est le méchant de l’histoire.
Dans les faits, vous pouvez commencer à travailler avec l’un comme avec l’autre. Ce qu’il faut retenir, c’est que vous devez accorder autant de soins à créer votre antagoniste (c’est-à-dire que vous devez l’aimer) que lors de l’élaboration de votre héros.
Une histoire réputée complète nécessite un protagoniste ET un antagonisme (quel qu’il soit).
L’arc dramatique du héros
Créer un protagoniste pour votre histoire, c’est lui apporter l’aspect émotionnel dont elle a besoin pour exister. Cet aspect émotionnel de ce personnage spécifique consiste à montrer le changement émotionnel qui s’opère en lui tout au long de l’histoire.
Lorsque vous commencerez à inventer votre personnage principal, concentrez-vous d’abord sur qui il est, sur les étapes cruciales de son changement de personnalité (comme sa façon de voir le monde ou d’être dans le monde) et finalement ce que deviendra votre héros à la fin de votre histoire.
Le point important est de comprendre qu’entre le début de l’histoire et la fin de celle-ci, le héros ne sera plus le même. Si vous le présentez comme un homme seul, par exemple, il expérimentera, à travers l’histoire, des tribulations et des pérégrinations qui feront qu’en fin de compte, il sera maintenant capable d’aimer et d’être aimé.
C’est un changement radical et irréversible de sa personnalité.
Le méchant est action
L’arc émotionnel de votre histoire est incarné par le protagoniste. Le méchant de l’histoire a en charge de conformer l’environnement du héros afin que cet espace soit favorable au développement émotionnel de ce personnage principal.
Dans Piège de cristal, John McClane nous est présenté comme séparé de Holly. Mais en luttant contre les terroristes (la force antagoniste incarnée par Hans Gruber), il sera forcé en quelque sorte de renouer avec Holly.
D’ailleurs, si Holly n’était pas parmi les otages, on pourrait difficilement admettre les choix de McClane (qui n’est même pas dans sa juridiction).
Pourtant, aussi charismatique que peut l’être Hans Gruber, il n’est pourtant qu’une force antagoniste sans contenu.
L’antagonisme est une idée abstraite qui ne contient rien de prédéterminé. John McClane aurait pu tout aussi bien lutter contre une souris verte.
C’est en jetant le héros avec toutes ses caractéristiques (c’est-à-dire qui il est) dans un cadre antagoniste que vous allez non seulement créer les situations qui façonneront l’action mais aussi que vous mettrez en place la dynamique de son changement.
Le contenant est la force antagoniste et le héros en est le contenu.
L’action est l’aspect visuel de la chose
Lorsque le héros est jeté dans une situation conflictuelle, le contenant prendra la forme du contenu. En d’autres termes, le héros provoque l’action (comme s’il méritait ce qu’il lui arrive) et le méchant de l’histoire forme cette action. Il lui donne un aspect visuel.
Ainsi, l’antagonisme serait responsable de la forme de l’histoire, c’est-à-dire de l’idée de l’histoire. D’où notre emphase sur l’importance du méchant : c’est lui qui est à la base de l’histoire.
Le héros se contentant (et c’est déjà beaucoup) de décrire l’évolution de sa personnalité.
Une histoire, c’est un peu comme si nous illustrions une réalité sensible et que nous montrions quels effets internes, personnels que cette réalité hors de nous peut avoir en nous.
Et ces choses qui nous sont extrinsèques se manifestent dans le conflit qui s’incarne lui-même en un antagonisme.
La dynamique entre le protagoniste et l’antagoniste est telle que si vous la manquez, vous aboutirez soit à de l’action pure, soit à un psychologisme exacerbé. En d’autres termes, une histoire déséquilibrée.
Définir l’antagonisme
Pourquoi la définition du méchant importe-t-elle ? Parce qu’il est l’élément moteur de la transformation du héros. Il est l’énergie qui permet ce changement.
Considérons un explorateur qui se retrouve seul perdu au milieu d’un territoire vierge de toute empreinte de la civilisation telle que nous la connaissons.
Il est recueilli par une tribu qui n’a jamais vu d’être comme lui. Et ils vont le prendre pour un dieu. Nous possédons tous un besoin fondamental de reconnaissance, d’amour et d’acceptation.
Le héros (l’explorateur) va se prendre au jeu car il lui est nécessaire de satisfaire à ce besoin (pour lequel il était clair dès le début de l’histoire que c’était un manque chez lui).
Maintenant, cette tribu d’indigènes ne peut être posée gratuitement dans l’histoire. D’abord parce que c’est elle qui fait du héros un dieu.
Ensuite, selon l’intention de l’auteur et la courbure qu’il donnera à l’évolution de son personnage principal, il peut amener celui-ci à sa propre destruction un peu comme Icare qui s’est approché un peu trop près du territoire des Dieux.
En fait, le héros changera probablement au cours de l’histoire. Même s’il semble être le même, peut-être avait-il encore des doutes sur ses certitudes, celles-ci étant irrémédiablement affermies à la fin de l’histoire. Quoi qu’il en soit, cependant, le type d’antagonisme qui affrontera le héros explicitera comment celui-ci peut changer. En quelque sorte, le méchant de l’histoire détermine l’orientation du changement chez le héros.
L’intention de l’antagonisme
Comment situer l’antagonisme vis-à-vis du héros ? Simplement en fixant un objectif apparemment impossible à atteindre pour ce dernier.
John McClane, par exemple, doit vaincre ce qui ressemble fort à une armada. Un seul homme contre toute une armée (un peu comme dans Il faut sauver le soldat Ryan) relève de l’impossibilité.
Cela va beaucoup plus loin que seulement nuire au héros. Un chemin pavé d’obstacles est intéressant seulement si le méchant de l’histoire représente une impossibilité (presque une contradiction) du héros.
Vaincre une technologie avancée avec des armes primitives (Independance Day) est un défi impossible à relever, par exemple.
Que vous travaillez d’abord sur l’antagonisme ou bien sur le héros, il faut trouver le moyen de créer un dynamisme entre eux. Vous devriez les apparier d’une manière ou d’une autre.
Si l’antagoniste est particulièrement intelligent, la faiblesse du héros serait par exemple qu’il a une trop grande confiance en lui-même et qu’il lui faudra corriger s’il espère triompher du mal.
Et si l’antagonisme se caractérise par sa force physique et que votre héros soit plutôt déficient de ce côté-là, alors sa véritable force sera interne et il devra aller à la rencontre de celle-ci (comme dans Star Wars et la Force).
On ne peut nier qu’il y a une identité entre le protagoniste et l’antagoniste. C’est pour cela que l’on entend souvent l’expression que le personnage est son propre ennemi. Ce qui les différencie, cependant, est que le héros gagne parce qu’il change et que le méchant perd parce qu’il est incapable de changer.
En somme, dès que vous connaissez votre protagoniste, vous pouvez facilement identifier votre antagoniste. Et réciproquement.
On peut même considérer qu’au départ, ils sont tous deux foncièrement la même personne.