Nous avons vu les variations du type Memory et du type Conscious de la classe Mind.
Abordons dans cet article les variations du type Preconscious de la même classe.
Les descriptions que nous donnons des classes, des types et des variations peuvent être utilisées pour élaborer vos propres personnages sans que par ailleurs vous vous intéressiez à la théorie narrative Dramatica.
Une théorie n’est vraiment passionnante que si l’on peut la mettre en pratique. Dans la pensée de Dramatica, les variations permettent de définir le ou les thèmes qui seront exploitées dans l’histoire.
Le sommaire de tous les articles de la théorie Dramatica se trouve ici :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
Classe Mind
Type Preconscious
Pour une explication du type Preconscious, lire DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE (31)
Value
Value désigne l’utilité de l’objectif ou la désirabilité de quelque chose en général. C’est une notion importante car elle justifie l’attention que lui accordent non seulement le protagoniste (qui a en charge l’objectif) mais aussi les autres personnages.
En effet, pourquoi les autres se sentiraient-ils impliqués dans l’objectif du héros ou de l’héroïne si cela n’avait aucune importance à leurs yeux ? Et même l’indifférence dont pourrait faire montre un personnage envers le but du personnage principal est déjà une forme d’implication. Value explique pourquoi les autres sont concernés d’une manière ou d’une autre (y compris s’ils lui sont indifférents) par l’objectif.
Evidemment, chacun voit les choses à sa manière. Et l’intérêt porté à l’objectif n’est jamais totalement… objectif. Il y a donc toujours un degré de préférence personnelle dans la détermination de la valeur que l’on donne à l’objectif d’un personnage (y compris chez le lecteur/spectateur).
Il faut solliciter chez autrui l’intérêt qu’ils peuvent porter à un objectif. Dramatica donne l’exemple d’un chef d’entreprise qui possède un objectif qui compte énormément pour lui. Chez ses employés, cependant, la valeur que ce chef d’entreprise donne à son objectif pourrait ne pas être reconnue.
Alors pour solliciter un engagement d’autrui plus fort envers un objectif (que l’on pourrait décrire comme un intérêt personnel), il fera preuve d’attentions particulières envers ses employés, leur montrant ainsi que, pour lui, ils sont plus que des employés indifférenciés.
En ne négligeant pas la valeur spécifique que les autres peuvent ou non trouver dans un objectif, le personnage qui a pris en charge cet objectif peut éliminer à la source des difficultés prévisibles dans l’accomplissement de cet objectif. Mais cette façon de faire demande un effort particulier parce que l’objectif que s’est fixé un personnage est observé par lui sous un angle subjectif. Et cette subjectivité est très difficile à faire partager.
C’est pourquoi un personnage ne cherche pas à expliquer ce qu’il vise car il sait d’avance qu’il n’y parviendra probablement pas. Il utilise alors un moyen indirect (et peut-être non sincère) pour rallier autrui à son intérêt personnel.
Et, en effet, tenter de plier à sa volonté autrui, les utiliser comme un moyen que l’on peut utiliser à son gré n’est pas très moral. Ce n’est pas nécessairement mépriser ses semblables mais cela est malgré tout une forme d’égoïsme.
Et pour Dramatica, c’est une problématique forte que l’autrice et l’auteur peuvent utiliser comme l’un des thèmes de leur histoire.
Worth
Il s’agit de la concrétisation de la valeur que l’on donne à un objectif. Et cette valeur est subjective. Elle est relative à l’individu. Donc deux individus éprouveront envers quelque chose un intérêt différent.
C’est une notion importante qui permet de distinguer les personnages dans l’histoire en fonction de leur implication réelle dans l’objectif du personnage principal (ou d’un autre personnage). C’est une mesure de leur engagement.
Car ce qui a de la valeur pour l’un peut n’être qu’un déchet pour l’autre.
Worth est donc une évaluation subjective. Cela ne signifie pas qu’une chose considérée par quelqu’un comme sans valeur soit réellement inutile. D’un point de vue objectif, cette chose peut très bien révéler quelques trésors cachés qui la valorise grandement.
Seulement, l’expérience d’un individu ne lui permet pas d’apprécier véritablement la valeur intrinsèque de certaines choses. Ainsi, un personnage de fiction peut être amené à regretter les choix qu’il a fait dans une histoire. Cela peut d’ailleurs avoir des répercussions à la fois physiques et émotionnelles. Et certaines choses peuvent avoir une importance personnelle pour un personnage à un moment de l’histoire et perdre cette aura à un autre moment.
Plus important encore : prendre des décisions dépend pour une large part de la valeur que l’on accorde aux choses. Et l’on est prêt à investir toutes ses ressources (même si l’on possède peu) dans les choix que l’on fera pour peu que l’on accorde de l’importance à ce que l’on vise.
Ainsi, un personnage peut être amené à faire des choses qu’il ne soupçonnait même pas seulement parce qu’il croit que son action sera profitable à un objectif auquel il donne de la valeur.
Ce qui différencie Value et Worth est que Value représente la valeur qui irradie d’un objectif. Worth est alors l’implication plus ou moins prononcée envers cette valeur. Worth s’inscrit dans l’action alors que Value serait plus abstrait.
C’est dans ce rapport entre abstraction et praxis (l’aspect pratique d’une chose) que se niche l’opposition entre ces deux éléments.
Confidence
Confidence se traduit essentiellement par confiance. Confidence désigne la croyance en quelque chose qui s’avérera positif. Quelque chose qui porte de l’espoir. Malgré tout, ce n’est pas l’espoir proprement dit. Espérer quelque chose n’est pas nécessairement croire quelque chose.
Cette variation du type Mind pointe sur le futur puisqu’elle s’occupe de perspectives. Et ici, de perspectives heureuses. Il ne s’agit pas de juger si la situation présente est bonne ou mauvaise. L’interprétation des données d’une situation actuelle permettent cependant d’estimer que le futur (proche ou non) s’avérera plutôt positif.
Avoir confiance dans les choses, c’est aussi se positionner soi-même comme une chose. C’est avoir confiance en soi.
Ainsi, lorsqu’un personnage se trouve jeté dans une situation qu’il ne connaît pas, pour laquelle il ne peut puiser dans ses propres expériences (ou sa mémoire) pour déterminer sa conduite, Confidence peut aider à lutter contre l’angoisse qu’une telle situation peut générer chez un être. Confidence est un moyen pour lutter contre la peur de l’inconnu.
Néanmoins et bien que le vécu d’un personnage (ses expériences passées donc) ne peut lui permettre de reconnaître un motif dans une situation nouvelle, il cherchera malgré tout à appliquer à cette situation nouvelle les données de son passé.
Il ne cherchera pas à prévoir des résultats. Il induira de son passé un résultat probable pour une situation future.
Une prévision suggère qu’elle peut être positive ou négative. Confidence ne voit que le bon côté des choses. Le personnage ne tire de son passé que les résultats heureux. Il est un indécrottable optimiste.
Et même si les résultats sur lesquels il fonde son attitude sont totalement inadaptés à la situation future.
Le souci d’une trop grande confiance en soi, c’est qu’elle crée des ornières dans lesquelles le personnage se laisse volontiers prendre.
Et lorsqu’il est face à l’inattendu, à l’imprévu, il est moins enclin à trouver en lui une motivation qui le poussera à continuer ou bien à vaincre ses peurs. L’optimisme peut s’avérer paralysant, parfois.
Si les expériences d’un personnage lui prouvent qu’il s’est toujours sorti d’affaires même dans les moments les plus terribles qu’il a connus, alors il aura tendance à ignorer des dangers potentiels qui pourraient s’avérer bien réels.
Ce n’est pas tant que la confiance mène à un certain aveuglement sur l’évaluation d’une situation, mais elle propose au personnage un confort parfois trompeur. Et il ne sait pas gérer l’imprévu. Ou bien il ne se prépare pas aux situations inéluctables que lui réserve pourtant le cours de sa vie.
Cette attitude à toujours vouloir figer les choses sous un angle optimiste n’est cependant pas une régression. Le personnage ne cherche pas à maintenir un statu quo à tout prix. Il avance dans sa vie mais celle-ci peut lui révéler des surprises auxquelles il ne s’attendait pas.
Et pour appuyer sa définition de Confidence, Dramatica prend l’exemple de Pompéi. Alors que le Vésuve grondait de mille feux pour la énième fois, les habitants sont restés tranquillement chez eux croyant faussement que l’impensable ne pouvait se produire.
Ils furent incapables d’anticiper le danger fondant leur attitude sur le fait que ce n’était qu’un énième grondement et non un avertissement.
Worry
A l’opposé de Confidence se trouve Worry. Cette variation désigne l’inquiétude que l’on peut ressentir pour le futur. Elle exprime un souci du monde.
Worry projette dans le futur une expérience possible et négative. En se basant sur ses expériences passées lors de situations apparemment anodines qui se sont développées en désastre, un personnage imaginera le pire dès le moindre signe d’instabilité dans son quotidien.
En somme, l’aspect pessimiste d’une personnalité s’avère plus prégnant dans les postures que peut emprunter un personnage au cours de l’intrigue.
Worry est l’expression de l’anxiété, de la crainte. Il a cependant l’avantage de préparer le personnage à affronter le pire. Et si la situation effectivement empire, il sera probablement le seul à s’y être suffisamment préparé.
Néanmoins, il faut bien reconnaître que le pire n’est pas si fréquent que cela. Il peut advenir, c’est certain. Mais la probabilité est somme toute assez faible. Le problème pour un personnage qui possède Worry dans ses traits de caractère est qu’il dépensera beaucoup de ressources et d’efforts juste pour essayer de préserver le statu quo.
Tout comme Confidence, Worry peut être paralysant. Mais avec Worry, le personnage n’évolue plus dans sa vie. Et tout comme dans la vie réelle, ne plus évoluer, ce n’est plus vivre. Bien sûr, il reste à définir en quoi l’évolution peut connoter la vie. Mais c’est un autre débat.
Pour Dramatica, ceux qui possèdent Worry dans leurs caractéristiques tendent à éviter des situations inconnues qui pourtant leur seraient grandement gratifiantes.
Dans le prochain article, nous aborderons les variations du type Subconscious de la classe Mind.