Dramatica décompose la nature d’un problème en classes, types et variations de type.
Analysons dans cet article les variations du type Progress de la classe Universe.
Il s’agit de la traduction librement commentée du chapitre 12 de la théorie narrative Dramatica.
Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
Les quatre variations du type Progress (classe Universe)
Fact
Les faits (Fact), en tant que variation, explorent les vérités ou les réalités objectives dans la progression de l’histoire. Il s’agit de ce que l’on sait être vrai dans l’univers du récit et de l’impact de ces vérités sur le développement de l’histoire ou sur le parcours des personnages. Il peut s’agir de la découverte d’une vérité cachée, de l’acceptation difficile mais nécessaire par les personnages d’un fait ou de la manière dont la réalité de la situation affecte la progression du récit.
Pour appliquer Fact dans un contexte pratique, si vous analysez ou développez une histoire à l’aide de Dramatica, vous examinerez comment la progression de la situation physique de l’histoire (Progress dans Universe) est influencée ou caractérisée par la découverte, l’acceptation ou le refus de vérités objectives (Fact). Cette approche permet une compréhension plus précise des fondements thématiques du développement de l’histoire, ce qui permet de mieux comprendre comment élaborer des récits plus significatifs et plus efficaces.
Il faut explorer la façon dont les réalités factuelles de l’univers de l’histoire influencent sa progression.
Réalités factuelles : Fact est une vue en quelque chose de réel. Fact étudie le rapport à la réalité. Il ne s’agit pas de percevoir la réalité sensible vue à travers nos sensations mais bien de considérer la réalité des choses et non pas ce qu’elles semblent être (perçue à travers le prisme de notre conscience).
Nos croyances, certitudes et évidences ne reflètent pas la réalité puisque l’angle sous lequel nous appréhendons la réalité est subjectif.
Ce que nous percevons du monde n’est pas la vérité. Nous prouvons une chose et en même temps en réfutons une autre. Mais ce que nous prouvons et réfutons est variable selon les individus. Par exemple, deux personnes peuvent avoir un souvenir différent du même événement. Qu’importe la force de nos croyances et de nos certitudes, de notre compréhension de quelque chose ou de la connaissance que nous pouvons en avoir, subjectivement, il y a toujours la possibilité qu’un changement dans notre situation actuelle ou une nouvelle information viennent contrarier notre perception de la réalité.
Croyances et illusions peuvent faire bon ménage, parfois. A partir du moment où un personnage accepte quelque chose de vrai comme un fait, un conflit relatif au thème en filigrane peut se développer.
Dans ce rapport du personnage à la réalité des choses, Fact cependant ne décrit pas la façon dont est perçue une chose. Il pointe sur la réalité indépendamment de la personne qui la relate. Ainsi, Fact est une croyance en quelque chose d’authentique. C’est une croyance juste et non fondée sur une appréciation ou un jugement ou un raisonnement qui risque d’être faux.
Imaginons un scénario qui illustre la variation Fact dans le type Progress de la classe Universe, tel que conceptualisé dans la théorie Dramatica. Cela permettra d’illustrer comment la découverte ou la reconnaissance d’un fait peut influencer la progression de la situation externe d’une histoire et sa portée thématique.
L’artefact caché
Contexte : Dans une métropole moderne et animée, un musée réputé s’apprête à fêter son centenaire. Parmi ses objets les plus précieux se trouve un mystérieux artefact dont on dit qu’il est la clé d’un trésor légendaire. Le véritable importance de l’artefact reste un mystère, enveloppé dans des légendes et les disputes académiques.
Progress (Type) : Alors que la célébration du centenaire approche, le musée est confronté à des difficultés financières et à la menace d’une fermeture. La progression de l’intrigue tourne autour des efforts déployés par le musée pour surmonter ces difficultés, dans le but d’assurer son avenir et de préserver son patrimoine culturel.
Fact ( Variation ) : Une articulation majeure du récit se produit lorsque Alex, un jeune historien doué pour résoudre des énigmes historiques, découvre des documents anciens dans les archives du musée. Ces documents révèlent la réalité factuelle (Fact) : l’artefact est bien la clé d’un trésor, mais pas de la manière dont on l’avait imaginé. Il ne s’agit pas d’une carte ou d’un indice sur un lieu physique, mais d’une clé symbolique permettant de comprendre un savoir ancien qui pourrait révolutionner la science moderne et les sources d’énergie.
Impact sur Progress : Cette révélation, ce fait, modifie radicalement la progression de la narration. Le musée, qui était sur le point d’être oublié, devient le centre de l’attention mondiale. Scientifiques, historiens et chasseurs de trésors convergent vers la ville, chacun avec ses propres motivations. La lutte pour la survie du musée se transforme en un combat pour protéger l’artefact de ceux qui voudraient l’utiliser à des fins personnelles ou destructrices.
La découverte du fait (ou Fact) ne sauve pas seulement le musée de la ruine financière, mais modifie également son rôle dans le monde. De gardien de l’histoire, il devient gardien de l’avenir. La progression du récit, motivée par la découverte d’une vérité, conduit à une réévaluation des valeurs, des responsabilités et du pouvoir de la connaissance.
Dans ce scénario, le fait influence considérablement la situation extérieure de l’histoire, c’est-à-dire son univers (ou Universe), en changeant les circonstances du musée et les motivations des personnages. Il approfondit également l’exploration thématique du récit, en soulevant des questions sur le rôle du passé dans la construction de l’avenir, sur les dimensions éthiques de la connaissance et sur l’importance de la sauvegarde du patrimoine culturel pour le progrès de la société.
Fantasy
A l’opposé de Fact se trouve Fantasy. Fantasy est aussi une croyance mais c’est une conviction qui se fonde sur une chose qui n’est pas réelle. Une chose peut paraître réelle mais elle ne l’est décidément pas.
Pour le philosophe Alain, la croyance est une disposition involontaire (contrairement à la foi qui est une croyance volontaire) à accepter soit une doctrine, soit un jugement, soit un fait, c’est-à-dire précisément sans s’interroger sur l’origine de cette doctrine, de ce jugement ou de ce fait.
Fantasy décrit cette croyance.
Pour Dramatica cependant, Fantasy est aussi plus radical. La chose n’existe pas réellement. Elle existe dans l’imagination de celui ou celle qui possède cette croyance.
Subjectivement, elle peut alors être soit une fausse interprétation de la signification (ou de la nature, ou de l’essence) d’une chose réelle ou bien l’élaboration en interne de significations qui ne sont pas correctes.
Fantasy n’est pas intentionnel. Et le personnage qui éprouve cette sorte de délire n’a pas conscience du mensonge ou de l’illusion. En langage sartrien, c’est une mauvaise foi, une malhonnêteté. Fantasy est un manque de discernement ou d’esprit critique et est souvent à la base de nombre de croyances. Mais Fantasy n’est pas nécessairement mauvais. Selon Dramatica, ce peut être le meilleur moyen pour un personnage pour clarifier la nature de son objectif.
Dans ce cas, Fantasy participe au doute. Et le doute permet de garder une ouverture d’esprit.
De plus, Fantasy possède un aspect pratique. En effet, le personnage habité par des convictions erronées ou guidé par son imaginaire agira pour que ses illusions (voire ses hallucinations) deviennent vraies.
Toutes ses réponses (émotionnelles ou autres) seront imprégnées de sa volonté de réaliser, de concrétiser ce que son imaginaire lui propose.
Néanmoins, lorsqu’un personnage perd tout repère avec la réalité, il perd de vue aussi son objectif. Et ses fausses croyances ne lui permettent plus d’évaluer ses progrès vers son objectif. Fantasy est alors en roue libre. On peut dire que le personnage part en vrille et ce qu’il estime des progrès réalisés dans la réussite de son but deviennent eux aussi imaginaires.
Fate est donc une croyance (c’est-à-dire que l’on ne fait pas l’effort de vérifier ou de prouver) en quelque chose qui existe ; alors que Fantasy est la même croyance mais en quelque chose qui n’est pas réel.
Security
C’est l’évaluation de sa propre protection, de ses propres moyens de défense. D’une manière générale, avant d’atteindre de plus grands accomplissements, il est nécessaire de protéger ce que l’on possède déjà. Ce que l’on a déjà réalisé.
Lorsqu’un personnage se préoccupe de sa sécurité (Security), il se construit des défenses à la fois contre des menaces connues mais aussi qu’il anticipe. Ce qui peut conduire parfois à la paranoïa. Cependant, les meilleures défenses ne sont pas à l’épreuve de tous les dangers. Et se sentir en sécurité est avant tout subjectif. C’est le personnage lui-même qui détermine s’il se sent en sécurité. C’est sur la base de ses expériences qu’il peut juger (ou évaluer) sa propre sécurité. Par exemple, un personnage qui aurait souffert de la faim au cours de son enfance aura tendance à surcharger son réfrigérateur pour éloigner la menace que ses souvenirs ne laissent pas de rendre toujours aussi présente.
C’est donc d’abord une question d’expériences (donc de biographie du personnage) qui motive un personnage à se transformer en survivaliste ou bien à sous-estimer sa situation. Et dans les deux cas, Security peut s’avérer un danger lui-même.
Synonymes :
- Une évaluation de risques ou de sa propre protection.
- Mesures préventives.
- Niveau de défense.
Threat
Threat est l’estimation de sa propre vulnérabilité. Comprenez bien la différence : il ne s’agit pas d’évaluer des risques (Security) mais d’apprendre ce qui nous rend vulnérables. Threat, ce sont les signes ou avertissements que le danger rôde.
Échapper à un danger réel (qui n’est donc pas imaginaire) est plus facile lorsqu’on agit dès le premier signe de menace. Ce que cette variation (Threat) du type Progress propose en somme, c’est une traduction de la résistance au changement chez les personnages. L’immobilisme, c’est-à-dire le maintien du statu quo par aversion de l’incertitude (le devenir du personnage), est comme une paralysie du personnage qui n’avance plus dans sa vie de fiction.
L’agir qu’exige Threat pourrait alors dénoncer tous ces comportements d’opposition qui sont d’abord un obstacle dans l’avancée du personnage vers son but, sa finalité (telle que ce concept est accepté en fiction : un personnage est conçu avec une intention de l’autrice ou de l’auteur. Dans la vie réelle, la finalité des êtres ou des choses peut être questionnée).
Néanmoins, lorsque la menace identifiée est bien réelle, elle n’est pas moins perçue subjectivement. A travers toutes les expériences, après tout ce que peut avoir vécu le personnage, la nature d’un danger et le concept même de détresse, de douleur, de désarroi, de mauvaise fortune.. ne sera pas interprétée à l’identique chez tous les personnages.
Et certains verront un danger là où d’autres n’y voient que la normalité.
Tendances et préjugés qui nous éloignent bien souvent de notre véritable nature peuvent nous mener à une évaluation inadéquate d’une situation et à une identification erronée des menaces qui sourdent en son sein.
Menaces réelles et imaginées sont confondues.
Lorsqu’un personnage adopte un comportement d’opposition ou décide de ne pas agir lorsqu’il perçoit un danger imaginaire (représenté par Threat en tant que variation d’un type de problème qui est au cœur du personnage), il pourrait alors brider ses propres progrès vers le but qu’il s’est fixé.
Sa propre évolution s’en trouve alors freinée, voire supprimée, sur la base seule de ses peurs (foncièrement subjectives et par nature irréelles puisqu’elles sont le résultat d’expériences traumatiques).
L’identification ou la perception d’un péril est a priori une affaire personnelle.
Dans le prochain article, nous aborderons les quatre variations du type Future de la classe Universe.