L’acte Deux que l’on qualifie souvent d’espace pour l’intrigue n’est cependant pas une mêlée générale. Vous n’allez pas écrire cinquante ou soixante pages (pour un long) d’incidents variés.
L’acte Deux n’est décidément pas une énumération.
Et vous ne pouvez pas mettre n’importe quoi entre la fin de l’acte Un et le dénouement en espérant rencontrer au passage un climax satisfaisant. Ce serait une satisfaction bien mal avisée.
L’acte deux est l’histoire. L’acte Un et l’acte Trois sont au service de l’histoire donc à celui du second acte.
Pour Peter Dunne, la seule façon d’aborder le second acte est sous un angle émotionnel.
L’émotion au cœur des relations
Tout s’articule dans une histoire autour des relations entre les personnages. Chaque relation possède un fonds émotionnel. L’acte Deux se doit d’explorer cet aspect sous-jacent des relations entre les personnages.
Le second acte est l’histoire. L’intrigue supporte l’histoire. Mais le second acte est une histoire émotionnelle. Et c’est précisément cette émotion qui donne tout son sens à l’intrigue.
Que signifie une histoire émotionnelle ?
Que l’émotion est ce qui compte, non l’action. L’action suggère une émotion.
La base de l’acte Deux sera donc émotionnelle ou ne sera pas. C’est-à-dire que votre scénario n’atteindra pas son but.
Donc, le second acte ne se conforme pas à la structure de l’intrigue (de l’action). Sa nature est différente et il lui faut une structure spécifique, une structure qui va lui permettre d’exprimer son aspect émotionnel.
Cette structure singulière de l’acte Deux consiste à lier les dangers et les manipulations de l’intrigue, les pérégrinations du héros en somme, à ses faiblesses, failles et peurs de façon qu’il se rapproche progressivement de ces choses de son passé qu’il nie, dénie ou ignore tout simplement.
Une iniquité au cœur de l’histoire
Cette injustice ou iniquité est une souffrance. Chacun de nous portons une souffrance dans notre cœur ou notre âme.
Bien sûr, nous sommes nombreux à nous en accommoder dans notre quotidien. Mais cela ne signifie pas que nous n’en souffrons plus.
Quelles que soient nos croyances, notre morale ou notre philosophie, il est cependant difficile d’accepter de vivre dans un état émotionnel endommagé et incomplet.
Nous ne pouvons accepter de vivre dans l’indignité.
Et le personnage principal d’une histoire se doit lui aussi de se réconcilier avec lui-même. Peut-être est-ce une revanche sur la vie mais ce n’est décidément pas une question de vengeance. Pour Peter Dunne, un scénario, c’est d’abord l’histoire d’une guérison.
Voici quelques extraits de l’approche de Michael Hauge sur ce sujet :
La blessure d’un personnage est toujours un événement qui s’est produit avant le début de l’histoire. Elle fait partie de son passé.
La plupart du temps, il n’est pas nécessaire de montrer cette blessure. Si une monstration s’avère nécessaire, elle se situera dans le prologue (la séquence d’ouverture). Ainsi, dans Twister, nous comprenons ce qui blesse Jo dès le début de l’histoire lorsqu’il nous est montré son père tué par une tornade.
Puis par un flash forward, nous allons dans le présent de la narration où Jo est devenue une femme et nous savons que ce trauma dans son enfance l’a nécessairement affectée.
Michael Hauge mentionne aussi Hitch, expert en séduction qui nous introduit auprès d’un Docteur Love mais dont nous comprenons la blessure par flashback lorsqu’il eut le cœur brisé lors de son adolescence et ce trauma participe à son identité actuelle qui l’exclut de l’amour tout en aidant les autres à trouver cet amour.
Une révélation tardive
Généralement, cette blessure n’est pas mentionnée dès le début de l’histoire. Elle est révélée assez tard. Et c’est là que Michael Hauge rejoint Peter Dunne dans l’importance émotionnelle que doit diffuser l’acte Deux. Par exemple, dans Will Hunting, ce n’est que vers le milieu de l’histoire qu’est découvert ce père violent dont Will a souffert dans son enfance.
Pour Hauge, cette découverte de ce qui affecte le personnage principal devrait être amenée au lecteur par le biais des dialogues. L’impact de la blessure sur le lecteur serait plus puissante par les mots que par les images.
Il prend l’exemple de Wendell « Bud » White dans L.A. Confidential dont l’expérience traumatisante de voir son père abattre sa mère aurait été trop repoussante et presque hors de propos si cette expérience avait du être montré au lecteur.
Ce n’est qu’après le point médian du film qu’il explique à Lynn ce traumatisme et cette brutalité dont il fait preuve lorsqu’il s’agit de sauver une femme.
C’est en tissant cette blessure (qui constitue la faille du personnage et dessine sa personnalité) dans l’histoire que peut être trouvé cette unité (ou affinité) avec le lecteur.
Celui-ci doit comprendre cette faille comme une des raisons majeures du comportement actuel du personnage.
Forcer le héros dans ses retranchements
Si, dans le milieu de l’intrigue et de l’histoire, ses habitudes (qui constituent son mécanisme de défense contre le monde) sont défiées par les situations et qu’il est obligé de les changer (je vous renvoie à la traduction du chapitre 11 de la théorie narrative Dramatica), il sera donc très près d’exposer ce qu’il a toujours dénié.
Pour Peter Dunne (entre autres), ce n’est pas suffisant d’être aimé dans ce monde. Il faut être aussi capable d’aimer. On ne peut avoir le sentiment d’exister autrement. C’est pour cette raison que cette faille revient si souvent dans les scripts ou bien qu’elle accompagne d’autres faiblesses qu’elle peut ainsi éclairer.
Des thèmes universels
Ce sont des vérités si familières qu’aucune âme lisant votre scénario n’y sera insensible. Ce voyage du héros que l’acte Deux illustre consiste à se rendre dans ce lieu enfoui qui a besoin d’être guéri. Pour Peter Dunne, le passé contient le problème et le futur est dans la solution.
Dans la construction de son personnage principal, l’auteur doit dénicher un souvenir. Puis il exposera ce qui le met mal à l’aise et ses peurs lorsqu’il l’arrachera à son monde familier. Même si son personnage en minimise l’importance ou les dénie, le lecteur doit les saisir.
Car plus les événements de l’intrigue accablent le héros (le problème semble inextricable), plus il s’enfonce dans un monde où ses expériences ne lui seront d’aucun secours. Toutes les défenses mises en place pour s’assurer contre ses angoisses sont inefficaces dans ce nouvel univers où il a été jeté.
Elles seraient même plutôt un frein à son développement personnel. Donc aussi difficile que cela lui semblera de démonter son système de défenses actuel, il lui faudra le faire ou sinon il mourra (littéralement ou symboliquement).
Et l’intrigue ?
La fonction essentielle de l’intrigue est de faire remonter à la surface les peurs depuis trop longtemps refoulées. Et lorsqu’elles sont enfin exposées, l’histoire reprend ses droits en démontrant comment son héros fait face à ses incertitudes.
Les pérégrinations du héros, toutes ces tribulations qui semblent s’acharner sur lui sont en fait un moyen de lui permettre de se révéler à lui-même.
L’objectif extérieur du héros qu’il a fini par accepter parce que somme toute, il s’en sentait capable va placer votre héros sur un terrain où le combat sera à son désavantage.
Ce terrain lui est inconnu parce que l’ennemi est intérieur. Il va devoir mettre en pièces toute cette dénégation qui a fait sa personnalité actuelle.
Mais il ne peut le faire seul. Il a besoin d’un autre personnage (pour Dramatica, il s’agit de l’Influence Character). L’auteur et cet Influence Character vont déconstruire la personnalité du héros telle qu’elle est au début de l’histoire et la recoller de façon à ce qu’il corresponde à sa véritable nature.
En résumé, l’acte Deux consiste à faire en sorte que le héros admette ses peurs, les confronte et finalement, les surmonte.
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