Les symboles sont un peu le parent pauvre du scénariste. Alors que les travaux de Joseph Campbell sur les mythes et légendes ont trouvé une application pratique dans l’écriture de scénarios et que le concept d’archétypes selon Carl Gustav Jung est entré très souvent dans la structure d’un scénario, les scénaristes sont un peu méfiants envers les symboles.
Les gourous eux-mêmes ont des avis partagés sur la question. Alors que John Truby leur accorde une véritable importance, Robert McKee minimise l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’histoire.
Pourtant des exemples célèbres d’utilisation des symboles parsèment de temps en temps des œuvres remarquables :
Rosebud dans Citizen Kane, symbole de l’enfance heureuse à jamais perdue.
Les oiseaux chez Hitchcock sont une métaphore visuelle qu’il parvenait à connecter au matériel narratif.
Le symbolisme de l’oiseau chez Alfred Hitchcock
Dans Psycho, le motif récurrent des oiseaux est à considérer comme des indices des deux personnalités majeures de l’histoire : Marion Crane et Norman Bates.
Différents oiseaux sont montrés et définissent la relation entre Marion et Norman comme celle d’un prédateur et de sa proie. Cette relation peut être étendue à celle plus globale de l’homme et de la femme.
Cette relation permet de révéler la haine des femmes qu’éprouve Norman dont l’origine se situe dans la relation trouble qu’il a entretenue avec sa mère.
Les oiseaux empaillés dans le salon expriment la nature des personnages. Marion est montré dans le même plan avec des oiseaux chanteurs. L’importance du dialogue :
You eat like a bird (Vous mangez comme un oiseau)
insiste sur la fragilité de Marion.
Lorsque Norman laisse parler son hostilité envers sa mère, il est cadré sous un angle prononcé avec en arrière-plan les hiboux intimidants aux ailes déployées jetant une ombre menaçante sur la scène comme si sa mère continuait à torturer mentalement Norman.
Le symbolisme des oiseaux aident à comprendre (peut-être inconsciemment) la double personnalité de Norman. Un être partagé entre un inoffensif jeune homme et un prédateur maniaque.
Les oiseaux de proie comparés à des oiseaux plus inoffensifs traduisent la psyché de Norman.
Ce qui se passe à l’intérieur de lui.
C’est-à-dire sa lutte entre deux identités : celle d’un fils innocent et celle du matricide.
Un moyen pour donner du sens
Les symboles sont un excellent moyen d’ajouter de la profondeur à une écriture destinée à créer des images. Objets, couleurs… tout peut devenir symboles. Dans Le sixième sens, la couleur rouge par exemple est symbolique de la présence fantomatique, donc d’un danger. Et que dire des rats dans Les Infiltrés : après tout, les rats sont des créatures qui peuvent survivre et même prospérer dans des environnements très durs.
Une définition qui s’applique comme un gant à Billy Costigan et Colin Sullivan même s’ils ne survivent pas à l’histoire.
Ou bien cette lumière verte dans Gatsby le Magnifique qui symbolise son impossibilité à sortir du passé.
La difficulté du symbole
Il est relativement facile de glisser des symboles dans une fiction mais leur donner sens et les faire évoluer au cours de l’histoire est plus compliqué.
La finalité d’un symbole est de révéler un personnage et d’illustrer le thème. C’est un signe visible de quelque chose d’invisible. Tout comme le traîneau Rosebud, symbole de l’innocence perdue de l’enfance.
Ou bien le lion pour représenter le courage.
Les symboles sont délicats à manier aussi parce que leur signification évolue avec les époques (plus qu’avec les cultures, d’ailleurs). Ce qui a amené Stephen King à la même conclusion lorsqu’il précise que l’horreur fait écho à l’époque où elle apparaît.
Mais cependant, ce n’est pas sa signification qui change comme le précise aussi Carl Gustav Jung. Elle se comprend dorénavant sous une nouvelle forme.
Mais le symbole fait néanmoins appel aux mêmes images primordiales.
Les anciens considéraient le symbole pour communiquer des choses naturelles qu’ils observaient dans le monde comme le cycle perpétuellement changeant de la vie.
Dieux et déesses représentaient ces forces qui gouvernent la vie.
L’Histoire suivant son cours, les symboles se sont déplacés des phénomènes naturels pour s’associer à des choses culturelles comme les religions, la politique…
Le parcours significatif du svatiska à travers les époques et les cultures est un bon exemple de la polysémie du symbole.
Le symbole, révélateur d’intériorité
Un des changements majeurs du symbole est qu’il représente dorénavant des états intérieurs. Il n’est plus exclusivement la représentation de choses du monde extérieur. Il symbolise aussi des états internes.
Ce que Jung et Freud ont révélé. Même si leurs travaux sur le rapport de l’inconscient et des symboles ont été depuis lors critiqués.
De plus, notre quotidien est devenu une telle accumulation d’objets qu’il a fait perdre toute valeur aux objets ou à certaines idées qui servaient autrefois de symboles. La valeur s’est dissipée dans la vulgarisation.
En conséquence, l’utilisation de symboles dans un scénario est devenue plus aléatoire. Et peu tentent de rétablir une connexion au monde intérieur de leurs personnages par l’usage de symboles.
Il faudrait vraiment comprendre que le symbole est un passage vers l’intériorité d’un personnage et peut faire l’économie de scènes d’exposition qui peuvent s’avérer lourdes ou inefficaces.
Maintenant, on est en droit de se demander s’il serait possible encore d’utiliser les symboles comme signes extérieurs d’un état psychique, par nature immatériel ?
Et si cela peut vraiment valoriser l’histoire.
Nous pensons que la tentative peut être cependant intéressante. Et que les symboles peuvent être de bons outils pour explorer les profondeurs d’un personnage.