La vie est faite de chemins détournés. La réalité se compose souvent de situations improbables, si incongrues que même l’ordre naturel des choses serait difficile à transcrire dans une œuvre de l’imagination.
La vie est bien trop chaotique pour que la fiction en décrive les méandres.
Un lecteur acceptera certainement que le hasard ou des coïncidences entravent la marche du héros vers son objectif mais répudiera sans nul doute toute intervention de la chance pour le sortir de situations apparemment inextricables.
Chose qui serait possible dans la réalité.
Certes, une œuvre de l’imagination est l’exploration de possibilités. Le hasard fait partie de la vie. Mais dans l’art narratif et en particulier dans le scénario, il vaut mieux miser sur la liberté de choix des personnages qui les rend ainsi responsables pour le déroulement de l’intrigue.
L’intrigue est le flux de l’action en une continuité détaillée
Il s’agit de ce que tout personnage doué d’une conscience fait dans le cours de la fiction et ce qui leur arrive. C’est l’exploration de possibilités et non de probabilités.
Un comportement probable ne surprend pas le lecteur. Le choix d’une possibilité même parmi les plus improbables est beaucoup plus intrigant.
Il y a deux écoles sans qu’aucune ne morde sur l’autre. Certains à la suite de Aristote assène que l’action précède les personnages. D’autres comme Mark Twain mettent l’emphase sur les facteurs sociaux et partant, sur les relations entre les personnages.
Ainsi l’individualisme de ceux-ci, leurs subjectivités sont préservés.
Cela symbolise en quelque sorte la tentative de l’homme de surmonter (voire survivre à) un environnement inhumain.
Une intrigue doit-elle être logique ?
Cette continuité d’événements qui s’appuie sur la causalité pour se justifier est-elle un impératif pour un scénario ?
La progression d’une intrigue ne peut-elle se soumettre aux caprices de la vie ? et parfois à son absurdité ?
Notre quotidien échappe souvent à toutes chaînes prévisibles d’événements et nos comportements humains peuvent virer dans telle ou telle direction imprimant un mouvement erratique violant qui surprend la moindre expectation raisonnable.
Pulp Fiction par exemple ne se fonde pas sur l’éternel lutte du bien contre le mal. Mais plutôt du mal contre le mal sur fond de contretemps et d’accidents de parcours.
Par contre, un titre comme Usual Suspects oppose les forces du bien contre les forces du mal.
Si les conditions de la résolution ont été bien implantées, il est alors facile de prévoir ce que sera cette dernière. La surprise cependant peut provenir alors d’un hasard quelconque qui sera positionnée hors des limites d’une prévisibilité rationnelle.
Et cela peut fonctionner.
Une coïncidence cependant est différente car elle n’a pas de précédence qui pourrait la justifier. La Deus ex Machina ne s’appuie sur rien. Dans un scénario, on ne peut pas imaginer des événements qui proviendraient du néant.
La simple question à se poser concernant son intrigue est de savoir quel est le sujet de l’histoire, son cœur, son essence.
Par exemple, le méchant de l’histoire poursuit le héros comme dans Le Fugitif ou bien une vengeance que le héros nourrit contre l’antagoniste comme dans Ben Hur.
Ce peut être une histoire de justicier ou bien celle d’une entreprise téméraire comme Les Canons de Navarone…
Une seconde intrigue
L’intrigue principal porte le thème. D’autres intrigues peuvent émerger cependant si l’histoire l’exige.
L’intrigue secondaire ouvre une nouvelle ligne dramatique. Elle décrit une action secondaire.
Cette seconde intrigue doit toutefois être liée au thème. Elle le renforce.
Et elle doit être pertinente avec celui-ci.
Raison et Sentiments adapté par Emma Thompson d’après Sense and Sensibility de Jane Austen est un bon exemple de cela.
Le rejet de Marianne par le débauché John Willoughby accentue avec acuité les vicissitudes de sa sœur Elinor dans sa relation avec Edward.
Marianne renforce le thème de l’histoire tout en en proposant une variation.
Une intrigue secondaire peut jouer aussi en contraste de l’action principale. Cette fois, elle ne reflète plus le thème mais y reste néanmoins connectée par le contraste même qu’elle lui offre.
C’est habituellement au cours du second acte que les intrigues secondaires (il peut en effet en exister plusieurs) se déploient. Si elles s’intégraient dans le premier acte, elles ne seraient pas justifiées et surtout alourdiraient l’exposition de l’histoire.
On peut tenter de catégoriser ces intrigues secondaires :
Une intrigue secondaire qui propose une ligne dramatique sans rapport avec l’histoire. Elle est utilisée pour fournir une note comique dans un but de relâchement après une montée en tension de l’intrigue principale.
L’intrigue secondaire propose un contraste, c’est-à-dire permet de comparer deux lignes dramatiques afin de renforcer le thème de l’histoire.
Dans Vacances à Venise, la relation légère et sensuelle des jeunes amants ponctue les difficultés que Jane rencontre dans sa romance avec Renato.
La seconde intrigue renforce l’intrigue principale. Elles sont toutes deux liées au thème mais la seconde intrigue en offre une variation.
Mon Homme Godfrey de Morrie Ryskind et Eric Hatch adapté de son roman, propose une délicieuse intrigue secondaire qui décrit la relation entre la mère et son artiste russe plus charlatan et gigolo qu’artiste, renvoie avec force vers la relation entre Irène et Godfrey.
Mais en règle générale, la véritable question est de savoir si l’histoire exige véritablement une intrigue secondaire.
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