EMOTIONS

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Alfred Hitchkock à Ernest Lehman :
We’re not making a movie; we’re making an organ, like in a church. We press this chord, the audience laughs. We press that chord, and they gasp. We press these notes and they chuckle. Someday, we won’t have to make a movie. We’ll just attach them to electrodes and play the various emotions for them to experience in the theatre.
Nous ne faisons pas un film : nous créons un orgue comme ceux des églises. Nous jouons un accord et le public rit. Nous jouons cet accord, et ils ont le souffle coupé. Nous jouons ces notes et ils sourient. Un jour ou l’autre, nous n’aurons plus à faire un film. Nous leur attacherons juste des électrodes et nous leur jouerons les différentes émotions pour qu’ils les éprouvent.

Un scénario doit promettre une expérience émotionnelle. De nombreux décideurs se penchent sur le niveau émotionnel d’un scénario parce que c’est ce que le lecteur veut.
Demandez-vous si votre projet est capable d’apporter au lecteur cette promesse d’émotions.

Vous devriez être capable d’évoquer de puissantes émotions chez un lecteur, de créer de véritables expériences émotionnelles. Ce n’est pas gagner d’emblée, il faut vous perfectionner.
Vous devez être capable avec vos mots de créer une émotion intentionnellement ou une image dans l’esprit du lecteur, de maintenir son attention et de le récompenser en quelque sorte en lui faisant éprouver une expérience émouvante. Dit autrement, faire avec les mots ce que Gauguin faisait avec les couleurs : une réalité tout à fait subjective.

Robert McKee précise qu’une bonne histoire est bien racontée c’est-à-dire qu’elle évoque des émotions.

L’auteur a en charge les émotions du lecteur

Ecrire, c’est être capable de générer une réponse émotionnelle chez le lecteur. C’est être à la hauteur de ce qu’il ressent pour un personnage à n’importe quel moment de l’histoire.

Il faut séduire le lecteur, le captiver pour qu’il ait envie de savoir ce qu’il va se passer ensuite. Vous devez trouver la manière la plus passionnante qui puisse engager émotionnellement le lecteur afin de le sortir en quelque sorte de lui-même et l’immerger dans votre monde.

Vous avez créé un monde imaginaire et des vies de personnages tout aussi imaginaires. Ce sont des informations basiques pour créer une histoire. En parcourant les articles de Scenar Mag, vous avez lu comment construire des personnages, trouver des concepts ou des idées, développer et structurer une intrigue.

D’autres articles se sont penchés sur la création d’effets émotionnels voulus par l’auteur.
L’intention de ces articles est de vous faire comprendre qu’une histoire (une bonne histoire dirait McKee) est un mélange à la fois de pure créativité (votre muse à plein régime et sans censure) et de techniques dramatiques.

Mais engager le lecteur, ce n’est pas seulement suivre aveuglément une méthode. Un scénario bien ordonné ne touche pas le cœur du lecteur. Il est bien trop artificiel.
L’art scénaristique (ainsi que tous les autres arts) signifie qu’il faut de l’émotion dans vos pages.

Mais quelles sont ces émotions ?

Trois types d’émotions peuvent être éprouvées par un lecteur.

La pulsion scopique

La pulsion scopique est définie par Freud comme le plaisir de regarder. Ce voyeurisme concerne notre curiosité relative à notre désir de nouvelles informations, de découvrir d’autres univers que le nôtre et d’observer les relations entre les personnages.

La mise en place de ce sentiment chez le lecteur dépend des passions et des centres d’intérêt de l’auteur. Ce n’est pas quelque chose que l’on apprend dans les livres. Mais vous pouvez toujours aller à la découverte de vous-mêmes.

Entre la fiction et la réalité, il y a une démarcation qui nous met à l’abri des conséquences ou du sentiment de culpabilité (beaucoup plus fréquent qu’on ne veut bien l’admettre) que l’on pourrait éprouver en observant une scène intime.
Les événements que crée un auteur dans son scénario mettent le lecteur à l’abri des conséquences que nous pourrions subir dans la vie réelle.

Cela autorise des scènes comme dans Les dents de la mer où on peut s’imaginer nager dans une eau sans crainte d’être dévoré par un requin : une chose que nous ne ferions pas dans la vie réelle.

Le ressenti par personnage interposé

Lorsque nous nous identifions à un personnage, que nous ressentons de la compassion envers lui, c’est comme si nous devenions cet être de fiction.  Nous parvenons à éprouver ce qu’il est censé ressentir.

Son combat devient notre combat. Notez que les émotions qu’éprouve votre personnage sont une réaction aux événements que vous avez mis en place. Donc lorsque vous avez l’intention de faire passer une émotion, travaillez d’abord l’événement qui va la susciter.

Tout est une question de nature humaine et de condition humaine. Si le lecteur parvient à reconnaître ou croit reconnaître une émotion éprouvée par le personnage et que vous ayez réussi lors du premier acte, lors de l’introduction de votre personnage, à créer un lien empathique entre le lecteur et lui, le lecteur devrait vivre en son for intérieur et par personnage interposé, la même émotion.
La mort d’Eponine dans les bras de Marius (Les Misérables) nous permet de ressentir toute la tristesse et le désespoir de Marius face à cette fin tragique.

Des émotions viscérales

Ces émotions sont celles que nous générons nous-mêmes devant le spectacle auquel nous assistons (ou la lecture d’un scénario ou d’un roman). Il ne s’agit pas de partager une émotion, ni de satisfaire à un besoin. L’auteur cherche simplement à provoquer une émotion chez son lecteur,

Les événements décrits provoque un soudain intérêt, de la curiosité, de l’anticipation, de la tension, de la surprise, de la peur, de l’excitation (les aficionados de Mad Max ont gardé cette excitation bien après la fin du film), du rire (forcément extradiégétique car ce qui nous fait rire chez les Marx Brothers, par exemple, est leur illustration des défauts de notre nature humaine. Le comique ne vient pas seulement des situations et des personnages).

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