Devenir meilleur pour un personnage de fiction (évolution & transformation) n’est pas facile. Les propres failles du personnage sont les plus difficiles obstacles que ce personnage devra surmonter au cours de cette tranche de vie qu’est l’histoire racontée.
Symboliquement ou autrement d’ailleurs, ces obstacles internes, ces conflits internes sont autant de leçons de vie que le personnage apprendra en trouvant en lui la force de faire face à ses problèmes personnels.
Prenons un exemple de Angela Ackerman et Becca Puglisi.
Nous avons un personnage qui sort de prison. Il y a été jeté pour un crime qu’il n’a pas commis. Il est seul au monde et ses meilleurs amis ont coupé les ponts d’avec lui au moment de son arrestation.
Cela l’a profondément blessé et il se sent trahi d’autant plus qu’il s’est peut-être sacrifié pour quelqu’un d’autre en faisant ce temps de prison mais pour l’instant, l’histoire ne le dit pas.
Son objectif extérieur (Outer Goal) est ne plus retourner en prison et de suivre les règles que la société lui impose pour se fondre dans la masse (réhabilitation).
Seulement son ressentiment et sa colère (qui représentent la faille de ce personnage) sont si forts qu’il ne peut s’empêcher de réagir de manière très hostile (donc à son désavantage) en particulier lorsqu’il s’agit de la police et du système judiciaire (ce qui joue immanquablement contre lui).
Le conflit interne
Le conflit interne qui mine ce personnage de l’intérieur (c’est-à-dire à la fois sa colère et sa nature rebelle, d’insoumis) le pousse constamment à commettre un faux pas bien qu’il soit déterminé à ne pas retourner en prison.
Le sentiment d’impuissance qu’il a ressenti en prison a conféré en lui une soif de contrôle de sa vie qu’il interprète comme un contrôle sur autrui bien qu’il doit se conformer aux règles des autres s’il veut conserver cette liberté recouvrée.
C’est ainsi que la faiblesse d’un personnage (toute psychologique) peut créer un conflit interne qui ajoutera une profondeur, une dimension à ce personnage (et le rendra aussitôt plus intéressant).
Un autre moyen de rendre plus complexe un personnage est de lui donner des désirs ou des besoins opposés et de le forcer à choisir.
Continuons avec notre personnage. Il vient juste d’être libéré et tente de revoir sa femme et son fils dont il n’a plus de nouvelles depuis qu’il a été arrêté.
Cette investigation lui permet de découvrir qu’ils ont disparu, non pas pour le fuir. Ils sont vraiment portés disparus.
Notre personnage se tourne naturellement vers la police craignant un enlèvement ou pire. Mais la police ne veut pas prendre en compte les assertions d’un ex taulard.
Maintenant, notre personnage se retrouve avec deux objectifs extérieurs :
– Suivre les règles pour ne pas retourner en prison,
– Sauver sa femme et son fils en faisant tout ce qui sera nécessaire c’est-à-dire en brisant les règles qu’on lui impose au risque de retourner en prison.
Dilemme, le moteur du conflit interne
Le conflit interne a amené un dilemme. La faille dans la personnalité d’un personnage (notez que cette faille est considérée comme telle par les règles de conduite de la communauté dans laquelle le personnage cherche à s’intégrer ou s’il y vit déjà) est à l’origine de contradictions internes chez le personnage.
Ces contradictions suscitent chez lui un questionnement sur ce qui est le plus important, sur les valeurs qui doivent l’animer.
Un personnage authentique se débat avec des décisions épineuses et le défaut dans sa personnalité ne lui permet pas d’être objectif.
Considérez que la subjectivité d’un personnage pèse beaucoup sur ses choix. Cela ajoute de la tension et du conflit à l’histoire (ou du moins à l’intrigue).
Cependant, créer des failles dans la personnalité de nos personnages, c’est aussi les protéger d’une certaine façon. Un exemple grossier serait qu’un personnage (le héros pourquoi pas ?) fuit devant le danger.
Cela pourrait s’expliquer par la lâcheté alors que dans les faits, c’est son instinct de survie qui le gouverne. Et si ce personnage ne blesse personne dans sa fuite, pourquoi considérer que ce défaut majeur est un problème ?
La réponse est que la faille d’un personnage se nourrit de mensonges et de valeurs négatives qui mènent inexorablement le personnage dans une impasse.
Ces traits de caractère négatifs limitent le personnage dans son apprentissage (c’est-à-dire la recherche de sa véritable nature), bloquent son évolution, corrompent son jugement et influent de manière désastreuse sur sa relation aux autres.
Donc, une faille est considérée comme un frein à la fois social et personnel qui entravent le personnage dans sa tentative de réaliser ses buts. La faille l’empêche de s’épanouir en un être meilleur.
La persona, un moyen de se protéger
A la surface, une faille peut paraître protéger un personnage. Une femme dont l’amour a été trahi cherche naturellement à se protéger d’une nouvelle blessure émotionnelle en refusant dorénavant toute relation amoureuse, la rendant distante et en quelque sorte asociale.
Mais ce comportement protecteur l’empêche d’évoluer et crée quelque part un dysfonctionnement dans sa vie.
Toutes ces qualités négatives qu’elles soient majeures ou mineures dans la personnalité d’un personnage influencent la perception du personnage et règlent son comportement sur des valeurs qui nuisent à l’activité sociale, à sa relation aux autres.
Et c’est dans la relation aux autres que l’on peut s’épanouir. Si l’on considère que l’homme est ennemi de l’homme, aucun épanouissement personnel n’est possible. Si toutes nos relations se fondent sur la peur et la méfiance (c’est-à-dire faire de nous-mêmes notre propre ennemi), nous ne pourrons jamais évoluer vers un monde meilleur.
Il est important de comprendre aussi que bien qu’un trait de caractère négatif est nécessairement destructif, il s’adapte cependant au contexte de l’histoire.
Un protagoniste qui vit dans un monde corrompu où le crime est monnaie courante, sa capacité à bien mentir (moralement répréhensible comme attitude) lui permettra de survivre dans ce monde.
Il ne faudrait pas voir non plus dans une faille que le côté négatif. Comme l’écrivent Angela Ackerman et Becca Puglisi, un personnage crédule se fera facilement avoir par les autres mais cette crédulité censée lui nuire a des qualités positives comme une confiance naturelle, de la générosité, qui se lie facilement.
C’est ainsi qu’en examinant les failles de votre personnage, vous devriez tenir compte de ce qu’elles peuvent lui apporter de bien et l’utiliser dans la définition de ce personnage afin de le rendre encore plus crédible, plus humain.
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