Abordons le chapitre 4 de Dramatica : La théorie expliquée sur les personnages objectifs.
Sommaire des articles ICI :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE
CHAPITRE 4 : LES PERSONNAGES OBJECTIFS
Les personnages archétypaux : Introduction aux archétypes
Nous avons déjà traité de ce sujet lors de la traduction de
ARCHETYPES de MELANIE ANNE PHILLIPS
Bien que vous pourriez considérer une certaine redondance, nous vous conseillons de lire cette précédente série d’articles afin de compléter votre compréhension de ce chapitre 4.
Les archétypes existent comme une sorte de raccourci narratif. Parce qu’ils sont immédiatement reconnaissables, l’autrice et l’auteur peuvent choisir d’utiliser les personnages archétypaux pour des raisons diverses. Parce que leur espace narratif est limité ou parce qu’ils n’ont matériellement pas le temps de développer leur récit. Ou bien pour mettre l’accent sur d’autres aspects de l’histoire tels que l’intrigue ou le thème, pour interpeller le lecteur et la lectrice avec certaines caractéristiques familières…
Le principal avantage des archétypes est leur simplicité élémentaire bien que cela puisse parfois desservir l’autrice et l’auteur si les personnages ne sont pas assez développés pour qu’ils sembles réels, crédibles.
Il y a huit personnages archétypaux :
- Le protagoniste
- L’antagoniste
- Reason
- Emotion
- Sidekick
- Skeptic
- Guardian
- Contagonist
Plusieurs d’entre eux sont connus et familiers des auteurs. D’autres sont un peu plus obscures. L’un d’entre eux est unique à Dramatica. Nous introduirons chacun d’entre eux, montreront comment ils interagissent puis exploreront chacun plus en détail.
Le protagoniste
Player ou personnage ?
Dans notre précédente discussion de ce qui différencie les personnages subjectifs des personnages objectifs, nous décrivions comment les auteurs et les autrices assignaient fréquemment les rôles de protagoniste ET personnage principal au même player dans l’histoire.
Le concept de player est souvent utilisé par Dramatica et diffère de ce que Dramatica entend par personnage. Dramatica définit un personnage comme un ensemble de fonctions dramatiques qui doivent être décrites (illustrées, dépeintes ou incarnées) dans le but de compléter l’argument d’une histoire.
Concernant le concept d’argument, nous vous proposons de lire :
- LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (1)
- LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (2)
- LE THEME : ARGUMENTATION MORALE (3)
Plusieurs fonctions peuvent être regroupées et assignées à un personnage, un lieu ou une chose qui les représentera. Le groupe de fonctions définit la nature du personnage. Le personnage ou l’entité représentant les fonctions est un player. Dit autrement, un player est comme un contenant dans lequel est placé un personnage (et par conséquent, un ensemble de fonctions du personnage). Si plus d’un personnage objectif est placé dans un unique player, ce player apparaîtra comme ayant plusieurs personnalités.
On le voit nettement dans le personnage à double personnalité du player dans Docteur Jekyll et Mister Hyde ou les nombreuses personnalités de Sybil (Sybil est un roman biographique paru en 1973 aux États-Unis sous la plume de Flora Rheta Schreiber).
Décrivons le protagoniste
Il n’y a aucun doute que le plus connu des personnages archétypaux est le protagoniste. Comme avec tous les personnages archétypaux, il existe des conventions liées à la fonction dramatique qui définit le protagoniste. A cet égard, le protagoniste archétypal est le principal défenseur et le principal moteur de l’effort fourni pour réaliser le Story Goal.
Sur le sujet du Story Goal :
LE STORY GOAL
A première vue, cette définition semble trop simpliste même pour le plus archétypal des protagonistes. C’est parce que souvent le personnage principal et le protagoniste ne font qu’un.
Lorsque des personnages archétypaux sont utilisés, nous voyons rarement un player protagoniste représentant à lui seul les fonctions archétypales (Dramatica ne considère pas le personnage principal comme un archétype mais comme un player. Lorsque le personnage principal et le protagoniste ne font qu’un, ce player devient le héros ou l’héroïne de l’histoire et donc cette fois endosse l’archétype du héros ou de l’héroïne et non plus seulement du protagoniste.
Différence subtile mais Dramatica en tient compte. Dans ce cas, l’héroïne ou le héros assume la fonction dramatique du protagoniste et simultanément est le personnage principal, celui par qui l’identification est possible (car récipiendaire de l’empathie du lecteur)).
Pourtant, poursuivre l’objectif est la fonction essentielle du protagoniste (et non pas nécessairement celle du personnage principal) et à partir de maintenant, nous pouvons construire un réseau de relations pour décrire les autres archétypes.
Notez que l’exploration complète de la Subjective Story revient au personnage principal. Comme nous nous consacrons pour le moment au protagoniste archétypal, nous considérerons par conséquent son rôle dans la ligne dramatique de l’Objective Story tout comme n’importe quel autre player (bien qu’il soit crucial pour le récit). Donc, pour notre besoin actuel, le protagoniste archétypal peut être considéré comme le principal défenseur et la principale source de l’effort soutenu pour atteindre le Story Goal.
L’antagoniste
Qu’est-ce qu’un antagoniste ?
L’antagoniste archétypal est diamétralement opposé à la réussite par le protagoniste de son objectif. Souvent, cela résulte en un protagoniste qui a un but et un antagoniste qui se met sur son chemin et essaie de le stopper.
Parfois, cependant, c’est l’inverse qui se produit. L’antagoniste peut avoir un but propre qui cause des répercussions négatives. Le protagoniste a alors pour objectif de stopper l’antagoniste.
Afin de maintenir une cohérence dans l’analyse de la relation qu’entretiennent tous les personnages archétypaux avec l’objectif de n’importe quelle intrigue, Dramatica définit l’objectif du protagoniste comme le Story Goal, peu importe de quelle sorte il peut être.
L’antagoniste et l’Influence Character
Tout comme la fonction du protagoniste se dédouble dans celle du personnage principal, l’antagoniste peut parfois (bien que rarement) se combiner avec l’Influence Character.
Petit rappel sur l’Influence Character :
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (3)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (4)
- DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (5)
Gardez en mémoire que l’Influence Character ne s’oppose pas au personnage principal, mais plutôt lui bloque le passage. La fonction de l’Influence Character est de représenter un système de croyances (ou de valeurs) ou bien un point de vue sur le monde différents (comme une proposition alternative) au personnage principal, le forçant à se détourner (ou à se dérouter) de la solution la plus simple et de faire face à son problème personnel.
En combinant l’Influence Character et l’antagoniste (si ce cas de figure sied à votre récit) dans le même player, il est essentiel de se souvenir de la différence entre leur fonction respective afin que leurs deux buts dramatiques soient totalement exprimés.
Reason et Emotion
Pourquoi des personnages incarnant Reason et Emotion ?
Ayant rapidement décrit le protagoniste et l’antagoniste, nous pouvons déjà voir comment ils représentent les fonctions fondamentales du Story Mind.
Le protagoniste représente le moteur (Nous pourrions dire aussi de ce moteur : la volonté, la détermination, la motivation, la force vitale) pour essayer de résoudre un problème ; l’antagoniste représente un même moteur mais pour saper la réussite de la tentative du protagoniste.
Ces deux personnages prennent le dessus à tour de rôle au cours de l’intrigue.
Même en termes les plus archétypiques, ce conflit est un processus insuffisant pour décrire totalement une argumentation car il ne parvient pas à aborder d’autres problèmes fondamentaux qui apparaissent naturellement dans l’esprit de la lectrice et du lecteur et qui doivent par conséquent être aussi incorporés dans le Story Mind.
Story Mind est une expression poétique pour signifier qu’une histoire (tout comme l’être humain) possède un intellect, un esprit et l’analogie va jusqu’à dire que ce Story Mind fonctionne comme celui de l’être humain lorsqu’il s’agit de résoudre nos problèmes que nous rencontrons au quotidien par le simple fait de vivre.
C’est pourquoi il existe six autres personnages archétypaux. Tout comme le protagoniste et l’antagoniste forment une paire, les six autres personnages archétypaux forment trois autres paires. La première de celles-ci est constituée par Reason et Emotion.
Reason et Emotion
Le personnage archétypal Reason est calme, posé et placide, peut-être même froid et distant. Il prend ses décisions et agit seulement sur la base de la logique. Nous disons seulement parce que nous décrivons un personnage archétypal. Comme nous le verrons plus tard, des personnages complexes (archétype avec des traits de personnalité n’appartenant pas à l’archétype lui-même mais empruntés chez d’autres archétypes) sont beaucoup plus variés et dimensionnés.
Le personnage qui incarne Reason est du type (psychologique comme Jung le comprenait) organisé et logique. Le personnage qui incarne Emotion est quant à lui agité (voire fébrile et aléatoire), guidé par ses sentiments (et ses sensations. Il est donc davantage dans l’immédiateté que Reason parce que ses réactions sont essentiellement émotionnelles et passionnées).
Il est important de noter que comme dans la vie réelle, Reason n’est pas intrinsèquement meilleur que Emotion, pas plus que Emotion n’a l’avantage sur Reason (Ne vous prenez pas pour Platon en favorisant la raison par rapport à l’émotion. Ces deux aspects de notre psyché font la nature humaine (les deux faces d’une même pièce en somme) et c’est bien de nature humaine dont il faut traiter dans nos fictions).
Reason et Emotion ont juste différentes sphères de forces et de faiblesses qui fait l’une plus appropriée que l’autre dans un contexte donné.
Fonctionnellement parlant, le personnage qui incarne Emotion a le cœur sur la main ; il est prompt à la colère, mais rapide aussi à sympathiser et à la compassion.
Parce que c’est un être assez agité et désordonné, cependant, beaucoup de son énergie (on retrouve les termes employés par Jung) est hors de son contrôle et est gaspillée dans tant de directions qu’il finit par tourner en rond et n’aboutir nulle part.
Par contraste, le personnage incarnant Reason semble manquer d’humanité et n’a apparemment aucune aptitude à laisser parler ses émotions.
Ainsi, ce personnage incarnant Reason échoue à faire l’unanimité autour de ses tactiques, stratégies et autres plans soigneusement élaborés et finit par gâcher ses efforts parce qu’il a sans le savoir violé les préoccupations personnelles des autres personnages.
En termes de Story Mind, Reason et Emotion décrivent le conflit entre nos conclusions purement pratiques (il est vrai aussi que nos impressions nous mènent souvent à des conclusions faciles qui sont loin d’être véritables) et les considérations de notre côté humain, plus sentimental.
Tout au long d’une histoire, les personnages archétypaux Reason et Emotion seront en conflit sur la ligne de conduite à tenir et les décisions à prendre illustrant ainsi les délibérations du Story Mind entre l’intellect et le cœur (délibérer, c’est effectivement poser tous les éléments d’un problème. C’est un acte naturellement conflictuel).
Sidekick et Skeptic
La paire suivante de personnages archétypaux est sidekick et Skeptic qui représentent le conflit entre la confiance (ou certitude) et le doute dans le Story Mind. Le sidekick est un partisan fidèle. Habituellement, il est attaché au protagoniste. Parfois, cependant, il peut être un partisan de l’antagoniste.
Cela donne une bonne idée de la façon dont Dramatica voit les personnages objectifs : le but du sidekick est de montrer un support loyal et fidèle. Cela ne détermine pas qui ou quoi il supporte mais simplement qu’il doit loyalement supporter quelqu’un ou quelque chose.
D’autres dynamiques dans le récit détermineront envers qui le sidekick doit être attaché afin de compléter l’argumentation de l’histoire mais sous le seul angle de description des personnages archétypaux en eux-mêmes, le sidekick apporte loyalement son aide.
Le sidekick est équilibré par Skeptic. Là où le sidekick a confiance en quelqu’un ou quelque chose, possède la foi en quelque sorte, Skeptic met en doute ; là où le sidekick supporte, Skeptic s’oppose. La nature du Skeptic est bien décrite par : Quoi que ce soit, je suis contre.
Pour le Story Mind, c’est la fonction du Skeptic de noter les indicateurs (ou indices) qui présagent d’un échec. Par contraste, le sidekick note les indicateurs (ou indices) qui pointent vers le succès. L’interaction entre Sidekick et Skeptic décrit les considérations du Story Mind sur la probabilité de réussite (ou sur les conditions de possibilité de cette réussite).
Gardian et Contagonist
Que sont Guardian et le Contagonist ?
Finalement, nous arrivons à la dernière paire de personnages archétypaux. Le premier de ces archétypes est un jeu de fonctions commun mais pourtant mal défini ; le second archétype est unique à Dramatica.
Le premier de ces personnages est Guardian. Guardian fonctionne comme un professeur (ou précepteur), une aide qui représente la conscience du Story Mind. C’est un personnage très protecteur qui élimine les obstacles et illumine le chemin. Sous cet angle, Guardian aide le protagoniste à rester sur le droit chemin du succès.
Equilibrant Guardian, il existe un personnage qui représente la tentation dans le Story Mind. Ce personnage travaille à placer des obstacles sur le chemin du protagoniste et à le détourner de la réussite. Parce que ce personnage travaille à entraver la progression du protagoniste, Dramatica l’a surnommé Contagonist. Nous pouvons ainsi déduire de cette définition que le Contagonist est un candidat potentiel pour revêtir le personnage subjectif de l’Influence Character.
Contagonist : de que côté es-tu ?
Parce que le Contagonist et l’antagoniste ont tous deux un effet négatif sur le protagoniste, ils peuvent être facilement confondus l’un avec l’autre. Ils sont néanmoins deux personnages complètement différents parce qu’ils ont deux jeux de fonctions complètement différents pour le Story Mind.
Alors que l’antagoniste travaille à stopper le protagoniste, le Contagonist agit pour le détourner. L’antagoniste veut empêcher le protagoniste de faire de nouveaux progrès. Le Contagonist souhaite le retarder ou le dérouter pour un moment. Selon ce que demande votre récit, c’est à vous de juger s’il faut introduire ou non un Contagonist.
Tout comme le sidekick, le Contagonist peut être allié soit à l’antagoniste, soit au protagoniste. Souvent, le Contagonist est formulé comme un homme de main ou un adjoint préférentiel de l’antagoniste. Cependant, le Contagonist est parfois attaché au protagoniste et il fonctionne alors comme une épine dans le pied et a une mauvaise influence sur lui.
En tant que paire, Guardian et Contagonist fonctionnent pour le Story Mind comme conscience et tentation fournissant à la fois une lumière qui illumine le droit chemin et l’incitation à sortir du bon sentier.
Les archétypes : un ensemble équilibré de l’argumentation
En tant que groupe, les personnages archétypaux représentent toutes les fonctions essentielles du Story Mind bien qu’ils soient regroupés selon un schéma assez simple. Parce que les archétypes peuvent être assemblés de différentes façons, cependant, une certaine polyvalence peut être ajoutée à leurs relations.
Les personnages complexes
Qu’est-ce qu’un personnage complexe ?
Les personnages complexes sont créés à partir du même jeu de fonctions dramatiques que les archétypes (ils ne représentent pas d’autres fonctions que celles assignées aux archétypes).
La différence principale est que les personnages archétypaux regroupent des fonctions qui sont compatibles (Dramatica emploie aussi le terme de similarité mais c’est plutôt que ces fonctions dramatiques sont assemblées chez un archétype de manière à ne pas s’opposer les unes aux autres. Elles opèrent une sorte de cohabitation en un personnage, elles lui donnent une logique d’assemblage, une personnalité cohérente mais ne sont pas véritablement similaires. Elles permettent de distinguer assez précisément un personnage).
Quant aux personnages complexes, ils affichent des fonctions qui appartiennent à l’un ou l’autre archétype. Cela signifie que bien que les personnages archétypaux peuvent entrer en conflit l’un avec l’autre, un personnage archétypal n’est jamais en porte-à-faux avec ses propres motivations et attitudes. C’est pourquoi les personnages archétypaux apparaissent souvent moins développés que les personnages complexes ou peut-être moins humains.
Pour créer des personnages qui représentent plus étroitement nos propres incohérences, nous devons redistribuer leurs fonctions de sorte qu’elles soient moins intérieurement compatibles. Comme cela implique une exploration et une compréhension des personnages plus poussées, Dramatica se réfère à tout ordonnancement de fonctions de personnage autres que celles d’un assemblage archétypique comme étant complexe.
Un personnage comprenant un tel arrangement est dénommé personnage complexe.
Archétypes et personnages complexes ensemble
Une histoire peut avoir à la fois des personnages archétypaux et complexes. Le choix de regroupement des fonctions est de la totale responsabilité de l’autrice et de l’auteur, de leurs désirs concernant leur récit.
Le problème est que tant que l’on n’est pas précisément conscient de ce que sont ces fonctions et comment elles doivent interagir, il est impossible de prendre des décisions significatives sur la façon de les combiner.
Ces fonctions essentielles sont tellement fondamentales qu’elles forment les composantes élémentaires des personnages objectifs.
Par conséquent, Dramatica se réfère à ces fonctions comme des éléments du personnage. Les lister ne permet cependant pas d’estimer le produit fini tout comme la table périodique des éléments ne permet pas d’estimer la nature des composés qui pourraient être conçus en les assemblant.
Donc, la meilleure façon de présenter les éléments d’un personnage avec sens est de commencer avec les personnages archétypaux (qui par définition contiennent tous les éléments [tous les personnages archétypaux réunis offrent toutes les fonctions possibles dans lesquelles on peut piocher, avec certaines réserves cependant, pour construire la personnalité d’un personnage complexe]).
Ensuite, il faut décomposer les personnages archétypaux, étape par étape, niveau par niveau, jusqu’à ce que leurs composants élémentaires soient exposés. De cette manière, le niveau de compréhension est rapporté aux éléments, lesquels peuvent être combinés de façon non archétypique pour créer des personnages complexes.
Ne vous interrogez pas trop sur cette notion d’éléments pour le moment. Nous les étudierons dans les prochains articles.
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