Il est assez aisé de confondre intrigue et histoire. Pourtant, les auteurs doivent bien comprendre qu’entre l’intrigue et l’histoire, il existe une différence fondamentale :
- Une intrigue décrit le parcours physique du protagoniste dans l’histoire,
- Une histoire décrit le parcours émotionnel du protagoniste.
Votre projet doit contenir les deux parcours. L’intrigue sera ce qui arrive à votre personnage principal (celui avec lequel le lecteur s’identifie) alors que votre histoire en illustrera les changements intérieurs (du point de vue de la narratologie, le terme d’histoire que nous employons dans cet article a un sens différent. Pour cet article seulement, considérez que l’histoire correspond à la partie émotionnelle).
Une distinction
Distinguer entre le physique et l’émotionnel doit vous permettre de mieux raconter votre histoire et permettre à celle-ci d’être mieux perçue par vos lecteurs.
C’est un motif très simple d’actions et de réactions : une action se produit (l’intrigue décrit les conditions de cette action) et le personnage réagit (c’est une réaction motivée).
Intrigue et histoire sont d’abord des mouvements
- une intrigue est un mouvement dans le sens où votre personnage se déplace physiquement d’un point à un autre. Il y a souvent des difficultés en cours de route. En tant que mouvement physique, ces déplacements sont au vu et su des autres personnages et des lecteurs.
- une histoire est aussi un mouvement mais cette fois, celui-ci est psychologique. Il emmène le personnage de l’individu qu’il était au début de l’histoire vers l’individu qu’il devient à la fin de l’histoire.
Il existe aussi des difficultés à accomplir cette transformation (voire transmutation car le personnage se révèle en fait à lui-même).
L’intrigue et l’histoire sont intimement liés. Le lecteur appréciera souvent l’histoire bien plus que l’intrigue c’est-à-dire que l’action seule sera frustrante si elle n’est pas accompagnée d’une bonne histoire qui la soutient.
Considérés comme des outils, si vous sentez que l’action manque, il suffit alors d’en rajouter mais lorsque l’action s’emballe (et trop d’actions tue l’action), votre histoire doit reprendre la main et se concentrer sur l’intériorité du personnage, sur ce qu’il se passe en lui et qui est en train de changer.
Concernant l’art scénaristique, il ne suffit pas de dire que l’individu en question a pris conscience de certaines choses sur lui-même, il faut aussi montrer comment cette prise de conscience se traduit dans son comportement, attitudes, dialogues, postures….
Que vous privilégiez l’action ou que vous soyez plus à l’aise en décrivant les mouvements psychiques de vos personnages, il sera bon de naviguer entre l’action et l’émotion pour réussir votre scénario (d’ailleurs, vous le faites peut-être déjà intuitivement).
Prenons l’exemple du magicien d’Oz
Les éléments de l’intrigue (en narratologie, ce pourrait être le récit) sont :
- une tornade fait s’envoler une maison qui atterrit sur une sorcière.
- une petite fille fait la rencontre de quelques compagnons de voyage,
- un sorcier les envoie en mission,
- et ils font fondre une méchante sorcière avec un seau d’eau.
Sur le plan émotionnel :
- le chagrin de Dorothée lorsque Toto lui est retiré,
- la détresse qu’elle ressent lorsqu’elle comprend que sa maison a atterri sur une sorcière,
- sa peur à la fois de la sorcière et du magicien,
- sa tristesse de quitter ses nouveaux amis,
- et, le plus important puisque c’est aussi le thème de cette histoire, lorsqu’elle découvre qu’elle peut résoudre par elle-même ses propres problèmes.
Chacun des éléments émotionnels est une réaction à un élément physique. Il doit exister comme un effet d’onde entre l’émotion et l’action.
La dynamique qui se crée par la résonance d’une réaction émotive à un événement (on pourrait même parler de dialectique entre les deux mouvements) génère la tension dramatique.
L’événement crée la réaction. S’il n’y a pas de réaction à un événement (donc si votre protagoniste ne réagit pas émotionnellement à ce qu’il se passe dans l’intrigue c’est-à-dire donc de l’action pure), il n’y aura pas d’effet, pas de tension (et nous ne sommes même pas sûrs qu’il y aura production d’adrénaline).
Et s’il n’y a pas d’actions, vous perdrez en crédibilité de vos personnages parce qu’ils n’auront pas de motivations et qui plus est, votre message même n’aura pas d’étai pour le soutenir (c’est dans les motivations de vos personnages qu’il se concrétise).
L’impact émotionnel
Parce que l’impact émotionnel est ce qui compte le plus vis-à-vis de vos lecteurs (et nous pensons même que c’est une forme de respect envers le lecteur que de lui proposer un voyage intime dans la psyché de vos personnages), vous devriez vous poser quelques questions en termes émotionnels avant de vous lancer dans le processus d’écriture :
- Qu’est-ce que vos personnages ressentent ?
- Que pensent-ils ?
- Quels sont leurs combats intérieurs ?
Une fois déterminées ces émotions, il faut réfléchir à leur représentation :
- Comment allez-vous montrer ce qu’ils ressentent ?
- Comment leurs pensées vont-elles se manifester ?
- Qu’est-ce qui révélera à vos lecteurs ce qu’il se passe à l’intérieur des personnages ?
En développant l’intrigue, c’est-à-dire la succession des événements, tentez de saisir la valeur émotionnelle qui les accompagne. Si celle-ci est absente ou trop faible, l’événement n’aura que peu d’intérêt, que peu de sens, et il faudrait en trouver un meilleur.
Si les événements que décrit l’intrigue ne contribuent pas émotionnellement à l’histoire, ils sont inutiles.
L’intrigue dépend de l’histoire que vous souhaitez raconter et c’est celle-ci qui détermine les options de l’intrigue, ce qu’il s’y passe.
Le personnage au cœur de l’émotion
L’arc dramatique des personnages est l’élément narratif sur lequel vous devez d’abord vous pencher pour éviter que vos personnages ne dépassent pas les deux dimensions (ce qui serait dommageable pour l’histoire).
A lire à ce sujet :
PERSONNAGE A TROIS DIMENSIONS
Cet arc dramatique est ce qui permet à vos lecteurs de s’accrocher aux basques de votre protagoniste, de s’émouvoir avec lui et pour lui. Et cela fonctionne d’autant mieux si vous pouvez montrer à vos lecteurs comment les pensées de votre personnage se traduisent par ses actions.
Il vous faut donc trouver un équilibre entre les actions et les émotions qu’elles inspirent.
Lorsque nous observons un personnage fondre en larmes (action), cela révèle une émotion et celle-ci nous atteint. C’est ainsi que nous sommes touchés par l’histoire. Cette expérience du personnage à laquelle nous assistons, nous la reconnaissons. Nous pouvons lier l’action à l’émotion.
Mais si l’action manque d’émotion, il y a de fortes chances que nous ne pourrons pas nous y référer d’une manière ou d’une autre car autant nous pouvons partager des expériences communes (comme de fondre en larmes), autant peu d’entre nous ont sauté d’un avion comme le fait James Bond.
Cela facilite le processus de création lorsque l’intrigue passe en second. Il est plus facile de construire une histoire c’est-à-dire de savoir où vont émotionnellement nos personnages puis ensuite d’ajouter les détails (c’est-à-dire les événements) qui vont expliquer cette évolution plutôt que de commencer à imaginer des événements et ensuite d’essayer de trouver les raisons qui expliquent pourquoi les personnages se sont comportés de telle ou telle façon.
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