Une histoire intérieur (Inner Story) et une histoire extérieur (Outer Story) sont deux ingrédients dramatiques qui doivent non seulement exister conjointement dans une fiction mais et c’est le plus important doivent s’équilibrer l’un l’autre pour maintenir l’histoire en place.
Il est peut-être préférable de commencer par lister tous les événements qui se produisent dans l’histoire pour dessiner l’Outer Story sans se préoccuper des éventuels changements qui pourraient se produire dans la personnalité des personnages impliqués.
Cela pourrait permettre dans ce premier travail de modifier certains événements afin de les rendre plus intenses, plus dramatiques car bien que l’action ne doit pas décider pour le personnage ce qu’il doit faire ou les décisions qu’il doit prendre, l’influence de ces événements sur le personnage principal est déterminante dans son devenir intérieur qui est de loin l’élément dramatique qui invite le lecteur à continuer de tourner les pages.
Les événements décrivent le Qui, le Quoi, le Où et le Quand d’une histoire. Ils sont mouvements, bruits et dialogues. Ils s’inscrivent dans des lieux et insufflent une atmosphère à l’histoire.
Les événements mettent en place un parcours, une trajectoire pour l’histoire. Le lecteur peut relier les événements entre eux : ils créent de l’élan, de la tension, un rythme. Mis bout à bout, les événements sont l’Outer Story.
Maintenant que vous avez listé les événements et fait le décompte des personnages impliqués, il va falloir répondre à une question :
Qu’est-ce qui a changé chez mon personnage principal à la lumière de tous ces événements ?
C’est la question fondamentale de l’Inner Story, de l’histoire intérieure, de ce qu’il se passe à l’intérieur de votre héros et qui va faire qu’il ne sera plus le même à la fin de l’histoire.
Considérez que cette Inner Story est ce que le lecteur emportera avec lui lorsqu’il aura fini de lire votre histoire. Il se souviendra peu des événements, par contre leur impact sur le personnage principal, comment celui-ci en sera transformé peut accompagner un petit moment votre lecteur et l’aider à prendre sa décision s’il s’agit d’un investisseur.
Une histoire intérieure
Pour comprendre l’histoire intérieure d’un personnage, il faut de nouveau faire une liste.
Comment a changé le point de vue du personnage principal sur le monde ? Qu’est-ce qui a changé dans sa personnalité ? Dans son identité ?
Le personnage est différent à la fin de l’histoire et l’auteur doit comprendre cette différence.
Un moyen de remonter à la source de cette différence pourrait être de lister les vulnérabilités du personnage, les failles dans sa personnalité qui le rendent vulnérables.
S’il a subi un trauma dans son enfance, ce n’est pas tout de le reconnaître car cela ne s’avérera pas suffisant. Il faut que cette vulnérabilité du personnage soit testée au cours des épreuves et des obstacles qui attendent le personnage dans l’intrigue.
Il faut qu’il tire des leçons des épreuves, qu’il prenne conscience non seulement de sa vulnérabilité mais que de la découverte de celle-ci, il tire une force, une énergie qui participeront à sa transformation progressive jusqu’à devenir meilleur à la fin de l’histoire qu’il ne l’était au début.
Il ne faut pas laisser l’action digérer les personnages. Le personnage doit avoir un monde intérieur et ce monde intérieur doit lui montrer ce qu’il était et ce qu’il est devenu.
La description de ce monde intérieur qui a une vie, un mouvement bien à lui, constitue l’Inner Story.
Il faut que cet univers intérieur du personnage prenne vie devant les yeux du spectateur. On ne doit pas dire au spectateur ce que le personnage ressent, on doit le lui montrer par des attitudes, des postures, des comportements…
Même la surprise qui peut envahir le visage du personnage peut donner un indice sur ce qu’il se passe dans son intériorité.
Concrètement, comment cette intériorité peut-elle s’épanouir dans un scénario ? On doit montrer, disions-nous. Alors imaginez une image.
Qu’est-ce qui obsède le plus votre personnage ? Pourquoi ne peut-il oublier ou pardonner ? Qu’est-ce que votre personnage traîne avec lui (pas nécessairement comme un fardeau) ? Et de plus, il ne sait pas pourquoi !
Allez au-delà du superficiel. La vérité n’est jamais apparente. Surprenez-vous à trouver des choses chez votre personnage qui surprendront aussi votre lecteur. Un histoire intérieure exige une révélation progressive. Partez d’hypothèses ou d’opinions et réfléchissez à ce qu’il y a en-dessous, à ce qu’elles cachent.
Joan Didion est l’auteure de In Bed. Cette histoire courte parle de migraines. Ces migraines constituent l’Outer Story. Elles sont les événements qui surgissent régulièrement dans le cours de l’histoire.
Mais où se niche l’Inner Story ?
Joan Didion se sert en fait de l’image du lit baigné d’une lumière tamisée, de l’atmosphère calme et silencieuse qui règne dans la chambre, des textures des couettes, des velours qui ornent la pièce pour expliquer que son héroïne, une femme très active aux lourdes responsabilités professionnelles, provoquent en quelque sorte ses propres migraines pour avoir de rares moments de paix et de tranquillité de corps et d’âme.
Pour parvenir à cette vérité, il faut aller au-delà de l’Outer Story, au-delà des événements pour atteindre des questions plus profondes. Cela peut être inquiétant pour l’auteur. Prendre une image comme celle de cette chambre peut permettre de faire remonter graduellement à la surface la signification profonde de l’histoire.
Ce n’est pas de symboles, ni d’allégories dont nous parlons ici mais davantage d’une technique qui devrait vous permettre de trouver des réponses qui ne sont pas immédiatement accessibles.
L’image qui vous vient à l’esprit, un peu comme si elle vous hantait, peut alors faire l’objet d’une exploration et vous permettre de concrétiser une intériorité qui n’est normalement pas visible.
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