Huitième partie sur l’arc dramatique de votre personnage et trois nouveaux types de personnalité à utiliser lors de la création de ceux-ci.
Les articles précédents :
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 1
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 2
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 3
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 4
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 5
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 6
L’ARC DRAMATIQUE DE VOTRE PERSONNAGE – PART 7
LE M’AS-TU-VU
Le m’as-tu-vu est essentiellement un facteur de perturbations dans la vie du héros. Vous pourriez l’utiliser comme personnage principal de votre histoire et son arc dramatique serait assez simple : apprendre l’humilité.
Un jour sans fin de Danny Rubin et Harold Ramis, sur un sujet de Danny Rubin, conte l’histoire d’un homme qui parvient à racheter sa nature imparfaite par des essais et des erreurs et parvenant ainsi à devenir un être complet en phase avec sa vraie nature.
Son arc dramatique consiste donc à lui faire comprendre que les motivations qui le définissaient au début de l’histoire l’empêchent de vivre une vie pleine et heureuse. Pour ce faire, les épreuves et les obstacles qu’il rencontre au cours de l’intrigue lui permettront alors d’apprendre d’autres valeurs pour faire de lui un être différent et meilleur.
Phil Connors débute l’histoire comme un homme égoïste, arrogant et mauvais. Puis il est condamné à revivre la même journée. D’abord, il brise les règles puis au milieu de l’histoire, il est au bord du désespoir.
Graduellement, cependant, poussé par l’amour et le désir de mettre fin à ses propres souffrances, il apprendra les leçons qui feront de lui un autre homme. Au cours de l’intrigue, il va développer de nombreux talents, aidera à soulager la souffrance des autres et commencera à respecter les autres et lui-même.
A la fin de l’histoire, Phil aura intégré des valeurs nouvelles qui l’autoriseront à avoir de nouveaux désirs et de nouvelles motivations, un nouveau point de vue sur la vie qui feront de lui un individu tout autre qui œuvrera pour le bien de tous.
Cependant, si vous employez le m’as-tu-vu comme un objet pour ajouter un peu de fioritures à votre histoire, vous pourriez écrire quelques scènes sympathiques.
Le m’as-tu-vu est un type de personnalité assez immature dont le seul centre d’intérêt est lui-même. Il a un besoin compulsif d’être au centre de l’attention et fera tout pour y parvenir quitte à embarrasser les autres personnages.
Le héros ne peut attendre aucune aide du m’as-tu-vu même si celui-ci est d’accord pour la lui donner. Rapidement, sa petite personne prendra le dessus sur l’action. Il est en fait incapable de faire avancer l’intrigue.
La question à se poser est de savoir si la fonction du m’as-tu-vu dans votre histoire lui apporte vraiment quelque chose. Un personnage doit faire des choses, remplir une fonction justement. Si le m’as-tu-vu que vous avez en tête n’appartient pas à votre histoire, n’insistez pas et sortez-le.
Si vous souhaitez l’inclure, nous pensons qu’il correspondrait alors à l’archétype de l’ombre tel que l’a défini Carl Gustav Jung. Pour Jung, chaque personnalité individuelle a une part d’ombre qui est constituée de ces éléments de notre psyché que nous n’aimons pas.
Nous projetons ces éléments sur les autres. Lorsque nous éprouvons une antipathie soudaine et irraisonnée envers quelqu’un, c’est probablement notre ombre qui est à l’œuvre projetée sur cette personne.
Par exemple, si votre héros n’aime pas penser de lui-même qu’il est un m’as-tu-vu arrogant et vaniteux, lorsqu’il fera la rencontre de votre personnage m’as-tu-vu (qui n’est donc pas votre héros), votre héros ressentira aussitôt de l’antipathie envers lui et cherchera à s’en débarrasser. D’où vient cette aversion ? parce qu’il lui rappelle douloureusement et probablement inconsciemment cette part la plus sombre de lui-même.
Lorsqu’il est présent dans une histoire, le m’as-tu-vu est généralement considéré comme une véritable glu par les autres personnages. Cela peut conduire à ajouter de l’humour. Mais cette ironie ne doit pas cependant s’étendre trop lourdement dans votre histoire (ce qui pourrait la desservir).
L’ULTRA FÉMININE
L’ultra féminine est un personnage qui est à la gente féminine ce qu’est le vrai mec à la gente masculine. Tel quel, c’est davantage un stéréotype, ce qui n’est pas de bon aloi pour un scénario de qualité. Par contre, si vous inversez la donne, ce type de personnalité est beaucoup plus à son avantage tel que les a décrit Ira Levin dans son roman de science-fiction (adapté pour le cinéma), Les femmes de Stepford.
Le sexe, la cuisine et le ménage : voilà ce à quoi les femmes sont destinées pour les hommes de Stepford (petite ville américaine imaginaire). Pour un thème de science-fiction, nous devons reconnaître que Ira Levin s’est inspiré d’une réalité malheureusement un peu trop concrète à son époque (ce qui est purement génial) et que ce type de personnalité ultra féminin prend soudain une dimension passionnante à étudier, bien au-delà du stéréotype qui éclate en morceaux par la puissance du message sous-jacent.
La relation formelle entre l’homme et la femme est la suivante : une femme soumise et un homme qui profite de tous les plaisirs que peut lui offrir une telle femme. Cette soumission prend elle-même la forme de robots anthropomorphes comme on en trouvait chez Disney.
Dans Les femmes de Stepford, les femmes sont des objets.
Il y a eu deux adaptations du roman d’Ira Levin :
– Les Femmes de Stepford de William Goldman et dirigé par Bryan Forbes,
– Et l’homme créa la femme de Paul Rudnick et dirigé par Frank Oz.
Alors que les deux adaptations ont une ligne dramatique générale commune, l’adaptation de Paul Rudnick est davantage une parodie mettant l’accent sur le pouvoir des femmes.
L’adaptation de William Goldman conserve la dénonciation des tendances sexistes de nombreux hommes. L’approche de Rudnick, cependant, s’éloigne de la personnalité de l’ultra féminine qui servait le propos d’Ira Levin et qu’a respecté Goldman.
Chez Rudnick, l’ultra féminine est un outil dramatique de la parodie alors que chez Levin (et Goldman), l’ultra féminine est l’incarnation même du thème.
A l’origine, Joanna Eberhart, la protagoniste de cette histoire, est une mère au foyer avec une petite passion pour la photographie. Elle s’est impliquée dans les mouvements des droits de la femme mais n’a jamais fait montre trop ouvertement de ses opinions.
Dans l’épilogue du roman, Joanna a succombé devant son ennemi.
Pour en revenir au type de personnalité, il vous sera difficile cependant d’éviter le stéréotype : impuissante, dépendante, soumise, modeste, réservée, l’image de la mère nourricière, passive, naïve, innocente. Tous ces traits de caractère nécessaires au développement d’une ultra féminine vous renvoient vers le stéréotype.
Par ailleurs, l’ultra féminine a tendance à douter d’elle-même, de sa valeur personnelle, de son potentiel. Elle peut même arriver à se poser des questions existentielles.
Comme la plupart des autres personnages la considèrent comme une personne négligeable, elle ne reçoit généralement que peu d’aides lorsqu’elle fait partie d’un scénario. Et même si elle en recevait, elle ne saurait en profiter.
Elle devient un personnage secondaire pour mettre en avant un trait de caractère d’un autre personnage (le méchant ou un allié du méchant ou encore pour renforcer la personnification d’une entité antagoniste plus abstraite comme un fait sociétal).
Une caractéristique souvent employée pour désigner une ultra féminine est sa séduction qu’elle emploie peut-être plus pour le plaisir que comme une arme. Quoi qu’il en soit, lorsque vous créez une ultra-féminine, vous devez appuyer d’une manière ou d’une autre sur cette séduction.
LA VICTIME DÉSIGNÉE
Ce type de personnalité est un état d’esprit. Ici, la victime désignée est inscrite dans les gènes du personnage. Ses traits de caractère communs sont la confusion, la défiance, la colère, le pessimisme chronique, la faiblesse, la dépendance (addiction et attention continuelle des autres).
C’est un personnage qui se plaint énormément de sa situation mais qui ne fera rien pour que les choses changent intérieurement ou extérieurement. Ce n’est pas qu’il est incapable d’agir sur sa sphère d’influence pour tenter d’obliquer les choses ou de changer de comportement ou de point du vue sur le monde, c’est simplement que ce personnage aime être une victime désignée.
Il veut être vu comme la personne que rien ni personne ne peut aider. C’est dans sa nature et c’est un comportement très frustrant pour ceux de son entourage qui aimerait lui apporter leur aide.
Cette victime désignée dont nous parlons n’est pas le stéréotype qui indique la prochaine victime d’un serial killer ou des monstres des slashers et autres genres du même acabit.
Ce type de personnalité que nous décrivons est un être entier dont la nature est de se plaindre (ce qui dans la réalité est un trait relativement banal et donc intéressant à développer dans un scénario pour aller au-delà de la banalité).
La victime désignée prend son essence dans sa façon même de se présenter au monde. Cette personnalité ne se constitue pas d’un assemblage de peurs et d’angoisses ressenties face aux menaces du monde extérieur. Cette personnalité est un moyen pour elle de trouver sa place dans la société, de se faire accepter par les autres même s’il s’agit d’une stratégie fausse pour établir de vraies relations.
En effet, la victime désignée s’efforce d’être au centre de l’attention pour nouer des relations. Mais la grande majorité des personnages qui l’entoure n’ont que faire d’une relation aussi biaisée.
De plus, le moyen qu’utilise la victime désignée est la pitié. La pitié qu’elle espère susciter lui sert à culpabiliser les autres personnages. En provoquant la compassion chez les autres, elle les manipule. Elle obtient ainsi d’eux tout ce qu’elle désire parfois même sans avoir besoin de le quémander.
Une bonne référence pour travailler sur votre victime désignée est de comparer votre création aux Thénardier des Misérables.
Vous constaterez assez souvent avec les victimes désignées qu’elles sont persuadées que la vie leur doit quelque chose et elles n’hésiteront pas à aller le chercher chez les autres par des moyens légaux ou illégaux, quitte à blesser les autres puisque leur système de valeurs leur autorise un tel comportement.
Les relations qu’entretient la victime désignée est du genre abusif. Elle a besoin d’énormément d’affection et de loyauté accaparant l’autre tout entier. Evidemment, le partenaire de cette relation devient rapidement réticent.
Une victime désignée est source de nombreux conflits dans une histoire. De plus, il faut noter que la victime désignée n’a pas la reconnaissance du ventre.
Et s’il arrive qu’elle ait accordé une faveur, le récipiendaire de ce don se verra traîner dans la boue auprès des autres personnages même si ce don est infime par rapport à tout ce qu’a sacrifié le malheureux à la victime désignée en contre-partie.
Intérieurement, cependant, la victime désignée se sent coupable. Mais elle ne sait pas lutter efficacement contre cette angoisse. Pour soulager ce stress, elle est encore plus exigeante sur l’admiration que doivent éprouver les autres devant sa situation (devant son apparente impassibilité à la souffrance, source de compassion chez les autres).
Du point de vue de son arc dramatique, il est alors possible de travailler sur cette souffrance innée chez la victime désignée et de lui permettre de devenir meilleure en s’acceptant mieux et de trouver en elle, dans sa vraie nature, les valeurs nécessaires à une vie heureuse. Des valeurs qu’elle a peut-être oubliées à cause d’événements dans son enfance.
La victime désignée ne peut vivre seule. Elle est toujours dépendante de quelqu’un. Ainsi, vous pourriez développer en elle cette capacité à affronter la solitude, ce qui compléterait aussi de manière élégante son arc dramatique.
Pour continuer cette étude sur les personnalités de personnages et leur arc dramatique, nous vous invitons à lire :