Voici une étude du court-métrage Tanghi Argentini écrit par Geert Verbanck et dirigé par Guido Thys.
TANGHI ARGENTINI (2006) de Guido Thys
Tanghi Argentini est un court-métrage qui ne manque pas de charme. Nous avons apprécié le traitement scénaristique du méchant de cette histoire, à savoir Frans. Un antagoniste atypique qui commence par maltraiter André, puis se montre comme un tyran lors des leçons de tango et qui lui ravit cette femme dont le scénario voulait bien nous faire croire qu’André était tombé amoureux.
Les deux premières minutes nous présente le personnage d’André et met en place le lieu où tout commence et où tout finit. Cette circularité est intéressante car le rebondissement (le twist final) après le climax nous fait découvrir qu’André préparait à tour de rôle les cadeaux pour ses collègues de travail. Frans est l’avant-dernier et la fin de l’histoire nous montre un André se dirigeant vers Patrick, le dernier nom inscrit sur la liste.
André nous est présenté comme un être solitaire, la cinquantaine, un peu dépassé et n’est manifestement pas pris au sérieux. Le script de Geert Verbanck est assez malin parce qu’il nous fait assumer des traits de caractère chez André qui s’avèreront en fin de compte érronés. Il s’agit d’un leurre pour à la fois préparer la révélation finale et créer une sympathie envers André qui apparaît plus comme une victime d’un rejet social en manque d’amour plutôt que comme un individu manipulateur qui n’aurait pas alors gagné la sympathie du lecteur.
L’enjeu pour André est aussi très vite déclaré. Vous n’avez pas le temps de tergiverser avec un script de court-métrage. Le setup, le personnage principal, ses enjeux, son antagonisme doivent être rapidement introduits et de façon claire.
Ainsi, André est amoureux de Suzanne qu’il n’a jamais encore rencontrée. Pour emporter le cœur de la belle, il va devoir apprendre le tango. S’il réussit en deux semaines, sa vie sera alors radicalement changée. Le script utilise aussi un outil dramatique très utile pour créer du suspense : le compte à rebours. Ce qui introduit une urgence dans la situation.
Le scénario prend un malin plaisir à nous tromper. Car si André nous est présenté comme le héros de cette histoire, c’est encore une diversion. En effet, le personnage principal d’une histoire est appelé à évoluer. Sa personnalité doit changer entre le début et la fin de l’histoire. Or, le personnage qui possède un véritable arc dramatique est Frans. André lui ne changera pas.
Frans ne connaît l’amour et la passion qu’au travers du tango qu’il danse admirablement. Mais sa vie est sans amour, ni passion. Cette faiblesse que Frans voit en André mais ne reconnaît pas chez lui, André la lui renvoie au cours de la scène de l’ascenseur. Frans voit alors en André le reflet de sa propre image et décide de l’aider à accomplir son objectif. C’est l’incident déclencheur qui propulse l’histoire dans l’intrigue (où acte Deux).
A la fin de l’histoire, Frans comble la faiblesse de sa personnalité qui le rendait malheureux et asocial. Il découvre le vrai sens du tango qui consiste à partager l’amour et la passion avec un être aimé. Cette révélation sur lui-même en fait un autre homme, un homme complet.
André, quant à lui, a réussi son objectif. Le cadeau de Noël qu’il voulait offrir à Frans était de le rendre heureux et il y est parvenu.
Dans l’espace réduit d’un court-métrage, il aurait été difficile de travailler la ligne dramatique d’André. Sa fonction a été limitée à une seule motivation qui explique d’ailleurs son objectif. Celui-ci consistant à influencer ou manipuler Frans pour qu’il accepte son cadeau de Noël. Mais cette motivation nous a été cachée parce qu’il était primordial de la préserver sinon le twist final n’aurait pas été justifié.
Tout dans cette histoire est d’ailleurs sous le sceau du secret. Ni André, ni Frans ne connaissent Suzanne, les cours de tango sont effectués en secret, la véritable motivation d’André est cachée. A travers le secret, Verbanck installe l’esprit de Noël et les surprises. On ne sait pas (normalement) quel cadeau l’on recevra. Frans ne doit pas savoir ce qu’il va recevoir et nous non plus dans le même mouvement.