L’antagoniste est un des principaux types de personnages sans lequel une histoire ne saurait être une histoire. Chaque personnage majeur sert un but spécifique, occupe une fonction particulière dans le thème ou la prémisse de votre récit. L’antagoniste est le second personnage majeur à considérer après le protagoniste.
L’antagoniste est certainement le personnage le plus intelligent de tous probablement à cause de la nature même de sa fonction dans l’histoire.
Pour chaque action, il devrait y avoir une réaction opposée et égale (selon Newton). Le conflit émerge de la dynamique des actions et réactions. Si une action ne rencontre pas une réaction, il n’y a pas de conflit. Le conflit est ce qui crée une œuvre dramatique. Si le conflit est absent, vous n’avez pas d’histoire.
Le protagoniste incarne la prémisse de l’histoire. Si nous recherchons une réaction à opposer au protagoniste, il nous faut donc personnifier également l’antagoniste. Cet antagoniste propose alors un contre-argument à la prémisse.
L’antagoniste doit être suffisamment provocateur pour pousser le protagoniste à l’action et représenter une véritable menace pour le héros car plus l’enjeu pour le protagoniste est important et plus votre histoire sera attrayante.
L’obstacle majeur du protagoniste
Le héros suit une aventure, tous les personnages se mettent au service de cette aventure (ce que la théorie narrative Dramatica nomme l’Objective Story Throughline ou ligne dramatique objective).
Le but principal de l’antagoniste est ce qui représente l’obstacle majeur du protagoniste dans sa tentative de réaliser son objectif. Le méchant de l’histoire et le héros sont ainsi dans une relation conflictuelle permanente ayant des buts opposés.
L’objectif du méchant doit être crédible pour que celui-ci soit déterminé à l’accomplir. Il lui faut donc de bonnes raisons pour entraver la marche du héros, celui-ci se trouvant sur le chemin de l’antagoniste. Les motivations du méchant peuvent être égoïstes ou bien servir une communauté dont il serait le leader (et cette situation a souvent du sens commun dans la vie réelle).
Parfois, ses motivations peuvent être intéressées et servir aussi sa communauté. C’est le cas de Magneto des X-Men qui veut assouvir sa soif de pouvoir et simultanément, donner aux mutants le contrôle du monde.
Les raisons qui poussent les personnages à faire ce qu’ils font est certainement ce qui engage le plus le lecteur. C’est ainsi que les motivations du méchant doivent être précisées assez rapidement dans le scénario et être claires dans l’esprit du lecteur. Elles seront présentées selon le point de vue de l’antagoniste, inscrites dans son monde et non dans celui du protagoniste. Nous devons comprendre la personnalité du méchant afin que l’alchimie de la reconnaissance, de l’identification, du partage d’expérience de la vie du méchant avec le lecteur puisse s’opérer.
Afin d’aider à la compréhension du personnage, les auteurs utilisent souvent le concept du gain, soit personnel, soit pour le bénéfice commun. Le gain permet en effet d’asseoir les valeurs fondamentales du méchant d’une façon plus aisée que des circonlocutions psychologiques qui risquent de dérouter ou de perdre le lecteur.
Voici quelques exemples de désirs ou volontés qui peuvent justifier les actions d’un antagoniste d’un point de vue personnel :
Cupidité ou Orgueil
Comme il en est dans la vie réelle, il en est dans la fiction. Gardez à l’esprit que ce n’est pas seulement le protagoniste qui réclame un développement et de la profondeur. Certes, la définition de l’orgueil ou de la cupidité chez le méchant peut être malaisée à écrire. Si votre méchant (du moins au début de l’histoire) est un être puissant, peut-être que sa volonté serait d’obtenir encore plus de pouvoirs.
Dans la nouvelle de Maupassant, La Parure (de 1884), l’antagoniste de Mathilde est son propre orgueil. Voyez, l’antagoniste n’a pas obligation d’être incarné. C’est ce trait de caractère de Mathilde qui est la force antagoniste qui joue contre elle. C’est sa propre fierté ou orgueil qui justifie qu’elle ne peut dire à Madame Forestier qu’elle a perdu la parure.
Survie
La survie est le propre des vampires, par exemple. Cette motivation vitale peut autoriser une fois établie une étude plus approfondie du personnage. Dans Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, Adam et Eve sont des vampires dont la survie dépend de pourvoyeurs en sang sain (ils craignent la contamination due à la dégradation de l’environnement) mais Jarmusch nous montre un Adam retiré du monde et suicidaire.
Ici, Adam et Eve ne sont pas des antagonistes mais l’exemple est intéressant à exploiter.
Gloire
Cette motivation qui va bien au-delà d’une reconnaissance pousse l’antagoniste à tenter d’éliminer celui qui risque de le rejeter dans l’ombre. Ainsi de Shooter MacGavin dans Happy Gilmore de Tim Herlihy et Adam Sandler qui accumule les premières places jusqu’à l’arrivée de Happy Gilmore.
Il va donc se lancer dans une série de magouilles pour évincer Happy du circuit professionnel et atteindre dès lors à la gloire dont il rêve. La gloire et le pouvoir vont souvent de pair. En combinant ces deux motivations, vous pouvez créer un contexte, un monde pour le méchant avec une véritable richesse.
Folie
Un antagoniste fou s’avère imprévisible à gérer pour le protagoniste (pas pour l’auteur, cependant). C’est d’ailleurs généralement un esprit supérieur mais complètement fou. Il est malaisé à combattre car il pousse le héros dans des retranchements d’abord inattendus mais surtout dans des situations que le héros, incapable de composer avec la folie de l’antagoniste, ne parvient pas à dominer.
Le Joker dans The Dark Knight est un clown sociopathe et tueur en série sans empathie, par exemple. D’autres méchants voient leurs folies les inciter à chercher l’ultime sensation, la décharge d’adrénaline maximale. Même si la folie n’est pas explicitement mentionnée, leurs comportements et leurs actions sont empreints de phénomènes psychiques pathologiques.
Reconnaissance
Ce peut être’un être rejeté dont la blessure se transforme en une haine irrépressible envers ceux qui l’ont ignoré comme Syndrome dans Les Indestructibles.
Pourquoi aimons-nous tant haïr Eve Harrington dans Eve (1950) écrit et réalisé par Joseph L. Mankiewicz ?
Nous sommes attirés par cette antagoniste inoubliable non seulement parce qu’elle fait preuve de duplicité, qu’elle est intrigante, qu’elle ment sur sa véritable identité (du moins ses véritables intentions) mais aussi parce qu’elle est intelligente, adorable et que son objectif de devenir une star à Broadway est tout à fait réaliste puisqu’elle est très douée à jouer la comédie. Eve ne s’arrêtera devant rien pour réaliser son objectif et devenir une star plus importante que la protagoniste Margo Channing mais cette dernière déjouera les plans de Eve.
Envie & Jalousie
Si tu as quelque chose que je veux, je te tuerais pour l’avoir. L’envie et la jalousie sont de pures expressions de la haine.
Ce peut être aussi une émotion positive comme l’amour pour un personnage qui n’aime pas en retour. La haine (valeur négative) se concentre alors sur la personne aimée qui ne rend pas cet amour et la haine en fait un objet, objet qui devra être détruit.
Ainsi l’action de l’antagoniste (qui dans ce cas détient les deux polarités possibles de valeurs, à savoir le positif et le négatif) est de faire échouer le protagoniste en l’attaquant sur ce qu’il considère sa faiblesse majeure. Et c’est effectivement le cas, car lorsqu’on aime, nous sommes très vulnérables. Le lecteur ressent aussi une identification forte avec un héros qui éprouve de la jalousie lorsqu’il voit une personne aimée s’éloigner de lui.
Nous pouvons ainsi comprendre les raisons qui le pousse à vaincre le rival (l’antagoniste) à l’origine de cet éloignement.
Les antagonistes envieux peuvent être aussi des personnages qui envient la place d’un leader afin de prévaloir sur une culture ou une civilisation ou une organisation. Ainsi le héros doit défier le méchant non seulement pour sa propre survie mais aussi pour le bien de sa communauté ou voire de l’humanité.
Ambition & Dû
L’antagoniste a une ambition qui prend sa source dans ce qu’il pense être un dû, un droit qu’on lui dénie. C’est le type classique du conflit de l’homme contre l’homme. Les trois autres grands types de conflit sont l’homme contre lui-même, l’homme contre la nature et l’homme contre la société.
Commodore dans Gladiator est l’antagoniste ambitieux qui estime avoir été spolié de son héritage, Rome.
Revanche
Dans certaines histoires, le Story Goal (l’objectif que se fixe habituellement le héros) échoue à l’antagoniste. L’action du protagoniste consiste alors à empêcher l’antagoniste d’atteindre son objectif. Cette volonté de contrer le méchant de l’histoire est le but que s’est fixé le héros. C’est autour de ce but que l’histoire doit s’articuler même s’il semble que l’antagoniste soit le maître d’œuvre de l’intrigue.
Cependant, lorsque l’antagoniste est animé d’un esprit de vengeance, même si la vie du héros est en jeu, celui-ci doit agir pour le bien de tous. Si le méchant réussit à obtenir ce qu’il veut, le monde de l’histoire sera en danger et le héros doit sauver ce monde non pas seulement sa propre vie. Ainsi, la revanche que cherche l’antagoniste a une portée beaucoup plus large renforçant de la sorte l’intrigue.
Le risque aussi est voir l’empathie du lecteur se tourner vers le méchant car si celui-ci veut sa vengeance, c’est probablement que dans son passé, il a connu un drame qu’a causé volontairement ou non le protagoniste. Il est donc nécessaire de trouver les moyens de rendre le héros encore plus sympathique qu’il ne l’est déjà.
Prenez Jean Valjean, par exemple. L’adoption de Cosette puis le bien qu’il fait autour de lui renforce encore plus l’empathie que simplement la fausse accusation dont il a été la victime. Si ses actions n’avaient ainsi été mises en avant, Javert aurait trop bénéficié de la sympathie du lecteur.
Les motivations ou les aspirations de l’antagoniste doivent être très ancrées dans l’histoire et ce au moins jusqu’au climax. Bien sûr, elles sont terriblement erronées mais pas de son point de vue et sa conviction doit être irréfutable.
L’antagoniste vient s’opposer à la prémisse ou à la question centrale de l’histoire. Il doit avoir la combativité et la ténacité pour être le meilleur contre-argument à cette prémisse.
Pour confronter la prémisse de l’histoire, les motivations de l’antagoniste peuvent s’appuyer sur une idée générale ou une idée fausse qui vont à l’encontre de cette question. Le méchant de l’histoire personnifie alors l’antithèse de la prémisse et est capable de justifier son raisonnement ou son point de vue.
La fonction de l’antagoniste est de rendre clair le message de l’auteur pour le lecteur. C’est ainsi que certains le considère comme le personnage le plus important d’un récit.
Ne vous laissez pas abuser par le terme de méchant. Le méchant pourrait être imprégné d’un système fort de croyances où les questions morales (telles ce qui est bien ou ce qui est mal) viennent simplement heurter la route de l’antagoniste parce qu’elles entrent directement en conflit avec les valeurs du héros. Celui-ci n’a pas le monopole de la moralité dans le récit et une grande part de la sympathie d’un antagoniste se construit sur le plan humain.
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