Ecrire un court-métrage est peut-être plus rapide que d’écrire un scénario de 120 pages mais c’est tout autant difficile. Vous aurez autant de difficultés et de doutes en écrivant une série web de 3 minutes par épisode qu’une série pour la télévision au format bien plus long .
Cependant, le format même du court-métrage pourrait vous permettre de produire de véritables joyaux.
Ce qui caractérise un court-métrage est qu’il est court. Nous sommes donc limités. Cette limite n’est cependant pas stérile et ne nuit en rien à la créativité des auteurs.
Dans un court-métrage, il y a seulement moins de personnages que nous pourrions développer mais cela à l’avantage de nous recentrer plus fortement sur le protagoniste. Dans un court-métrage, il y a moins de lignes dramatiques et moins de lieux où l’action pourrait prendre place. Mais ces limitations servent l’histoire.
Le format du court-métrage
Le problème lorsqu’on aborde une idée pour un court-métrage est que celle-ci n’est pas faite pour ce format. Nous avons une culture bien trop prononcée dans les longs métrages, une culture filmique qui ne nous permet pas d’entrevoir une idée sous l’angle du court-métrage.
Lorsqu’on en vient à se poser la question de savoir si une idée est appropriée ou non à un court-métrage, il suffit de se demander si cette idée pourrait être mieux exprimée si vous aviez plus de pages à votre disposition. En effet, si vous pensez que vous pouvez pleinement et de manière satisfaisante développer votre idée en 2, 10 ou 18 pages, elle est appropriée à un court-métrage.
Dans le cas contraire, c’est que vous visez trop haut. Et soyez honnête avec vous-même : ne vous aveuglez pas sur une idée. Si elle ne convient pas à un court-métrage, vous aurez certainement l’occasion de lui offrir un espace beaucoup plus grand un jour ou l’autre.
Par contre, si vous pensez honnêtement que vous pouvez raconter au mieux votre idée dans un format court, vous venez d’éviter le gouffre dans lequel nombre de scénarios de court-métrage perdent pied à jamais.
Et non seulement, vous serez sur la bonne voie pour donner un réalité concrète à votre scénario mais vous ne perdrez pas un temps précieux à tenter de faire rentrer une idée dans un format trop petit pour elle.
Faire le tri parmi les personnages possibles
Pour cerner la réponse à cette question fondamentale à résoudre avant le processus d’écriture, demandez-vous si des personnages supplémentaires ne s’avéreraient pas indispensables.
Car une limitation assez gênante toutefois est la portée du conflit que vous décrivez dans votre récit. Ce conflit nécessite-t-il le développement de personnages supplémentaires ? Et il ne s’agit pas d’effleurer leurs personnalités surtout lorsqu’il s’agit d’un conflit. Donc, si votre idée réclame trop de personnages pour s’exprimer pleinement, elle n’est pas faite pour le court-métrage.
Le problème des personnages est effectivement un des critères de choix mais il en va de même pour les intrigues secondaires ou bien si le passé des personnages intervient trop lourdement dans votre histoire, vous ne pourrez pas en faire un court-métrage.
Encore une fois, vous vous servirez de ces limitations pour créer une histoire avec plus d’impact, plus de résonances, plus de profondeurs. Votre intention sera aussi mieux perçue par votre lecteur.
Cependant, votre protagoniste devra faire face à un problème. Ce conflit peut prendre n’importe quelle forme, bien entendu, mais certaines d’entre elles ne s’inscrivent pas du tout dans l’espace d’un court-métrage alors que d’autres lui sont particulièrement adaptées.
En quoi certains conflits ne peuvent être efficacement exploités dans un format court ?
Simplement, parce que le lecteur attend qu’il soit résolu à la fin de l’histoire. La résolution de ce conflit, habituellement lors du climax, correspond pour le lecteur à la fin de l’histoire. Si vous ne parvenez pas à résoudre le conflit, le lecteur se sentira frustré.
Si votre conflit est si complexe et sévère qu’il lui faut du temps pour se développer et se résoudre, vous ne pourrez jamais y arriver dans l’espace condensé d’un court métrage. Si vous tentez de l’insérer de force, vous courrez le risque de le banaliser, de ne pas lui donner l’importance qu’il mérite et votre histoire en pâtira.
La mort, par exemple, quelque soit les conditions de sa survenue, est un thème trop délicat et complexe pour être traitée dans un format court. Si vous suivez l’enseignement de la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross sur les étapes du deuil, vous vous rendrez compte qu’un tel sujet ne pourrait être efficacement travaillé si vous ne lui laissez pas l’espace suffisant pour qu’il puisse respirer.
Et il en est de même pour tout parcours émotionnel qui demande du temps pour que le protagoniste s’y confronte et le résolve. Gardez à l’esprit que l’arc dramatique d’un personnage a tout à voir avec un changement profond de la personnalité de celui-ci. Si ce voyage émotionnel est trop complexe, vous n’aurez pas le temps de l’expliquer et de le faire comprendre implicitement à votre lecteur dans le laps de temps que vous octroie les 10 ou 15 pages de votre scénario.
Le court-métrage est temporellement resserré
La portée du temps de votre récit doit donc vous permettre de déterminer si votre idée convient pour un court-métrage ou non. En général, si votre histoire s’étend au-delà de quelques semaines, c’est qu’elle sied mal à un format court.
Cela ne signifie nullement que vous ne devez vous pencher que sur des conflits mineurs. Bien au contraire, vous pouvez décrire des problèmes très réels et très significatifs avec un court-métrage. C’est pour cela aussi que ce format est passionnant.
Lorsque vous vous sentez obligé de recourir à une voix off ou bien à des intertitres pour expliquer les ellipses temporelles de votre récit, cela est aussi bien souvent un indicateur que votre idée est trop large pour s’insérer dans un cadre réduit.
Le souci majeur avec un court-métrage est que le manque de temps accordé à l’histoire ne permet pas de transcrire sur le papier tout ce qu’un auteur peut avoir en tête. Le manque d’espace et de temps n’autorise pas le transfert de toutes les données émotionnelles, historiques et visuelles que l’auteur est impatient de transmettre à son lecteur et à sa lectrice.
Ainsi, pour ne pas frustrer et l’auteur et le lecteur, il est préférable de s’en tenir à une seule ligne dramatique décrivant le parcours d’un personnage central sur une brève période.
il faut vous rendre à l’évidence que vous ne pourrez pas décrire la vie complexe d’un personnage en quelques pages. La brièveté du parcours est une condition pour apporter du sens à votre histoire.
Si vous tentez de prolonger l’arc dramatique d’un personnage en mettant l’accent sur les événements marquants qu’il a expérimentés au cours de sa vie et qui justifient les changements qui ont abouti à sa nouvelle personnalité, vous ne pourrez le faire qu’en condensant arbitrairement cette vie et en faisant des choix parmi les événements faisant perdre ainsi à l’ensemble (au Tout comme dirait Aristote) sa signification.
Retirez une partie du Tout, si votre histoire tient toujours debout, c’est que cette partie était inutile, mais si votre histoire s’effondre, cette partie lui est alors indispensable. En faisant des choix pour faire tenir votre histoire dans un format court, vous risquez effectivement de lui faire perdre sa cohérence.
Si vous êtes obligé de prendre des décisions drastiques pour respecter le cahier des charges d’un court-métrage, il est probable que la nature du conflit que vous décrivez s’accommoderait bien mieux avec un format plus long.
Le court-métrage est un média qui permet à votre capacité créative de s’exprimer probablement plus densément. C’est un avantage aussi car il est plus facile pour une personne de voir et revoir des films d’environs une quinzaine de minutes pour les plus longs et de découvrir au fil des visionnages toute la richesse de cette densité. De plus, le public d’un court-métrage est beaucoup plus tolérant envers les expérimentations que vous seriez amené à faire dans l’écriture de votre scénario.
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