Il y a souvent 3 intrigues dans un scénario. L’intrigue principale est souvent accompagnée de deux intrigues secondaires. Lors de la réécriture, il est important de vérifier que toutes vos intrigues soient résolues et qu’elles soient en justes proportions.
L’efficacité des intrigues secondaires sera bien meilleure si elles respectent le thème et si elles sont proches de l’intrigue principale. Ainsi, elles se supporteront les unes et les autres mais aussi le récit tout entier.
Une profonde compréhension de ces 3 intrigues rendra votre scénario plus cohérent et plus puissant.
A STORY
La A Story est l’intrigue principale. C’est le parcours de votre personnage principal dont le point de départ est une vie normale (le statut quo de la vie de votre personnage avant que les événements ne l’en arrache) vers un point d’arrivée en empruntant le chemin hasardeux et périlleux d’une quête vers un objectif (et cet objectif peut être à la fois extérieur mais aussi intérieur en transformant intimement la personnalité du personnage).
Notez que l’objectif est souvent défini ou redéfini au point médian du récit. L’acte 1 ne fixe pas d’objectif pour le héros. L’incident déclencheur lui permet d’adopter un nouveau comportement, de le mettre sur la voie d’un objectif mais celui-ci n’est pas encore totalement déterminé.
Le point médian ou midpoint est le moment où les choses se précisent pour le héros et son objectif devient clair et pour lui et pour le lecteur.
B STORY
La B Story (ou intrigue secondaire) est moins évidente. Son histoire se base sur la relation émotionnelle qu’entretient votre héros avec un autre personnage et cette relation est vue à travers les yeux de votre héros.
C’est un point de vue subjectif qui nous est proposé alors que la A Story adopte un point de vue objectif sur l’histoire.
La différence entre ces deux points de vue peut s’illustrer de cette manière (empruntée pour l’occasion à Dramatica) :
– Le point de vue objectif serait comme celui d’un général observant du haut d’une colline le champ de bataille.
– Le point de vue subjectif serait celui du fantassin en plein milieu du champ de bataille. Il vit le champ de bataille de l’intérieur alors que le général le vit de l’extérieur.
La B Story est souvent représentée par une histoire d’amour. Gardez à l’esprit que cette histoire entre le héros et un autre personnage pourrait tout aussi bien être la naissance d’un amour comme la tentative d’une réparation, de retrouver un amour perdu.
Bien sûr, la B Story n’est pas limitée à l’amour, il pourrait bien s’agir d’une amitié virile. Tant que la B Story est reliée à votre thème, vous pouvez lui donner l’arc émotionnel que vous souhaitez.
Mais il faut que ce soit une liaison émotionnelle. Cette liaison que vous décrivez parallèlement à votre intrigue principale (essentiellement basée sur l’action et les conflits) apporte à votre scénario son cœur ou son âme.
C’est un fait que l’âme de votre récit le rendra mémorable. D’ailleurs, dans les bons films, le personnage qui établit un tel lien avec votre héros est souvent interprété par une star.
Vous devez soigneusement travailler votre B Story. Elle doit ajouter de la profondeur et de l’émotion à votre scénario. Pensez-y lors de la réécriture. Il faut que vous parveniez à impliquer émotionnellement votre lecteur à la B Story. Il doit se sentir concerné (c’est ce que l’on nomme l’identification).
Deux exemples
Dans Piège de cristal, la A Story est manifestement la prise de contrôle du gratte-ciel Nakatomi Plaza par un groupe terroriste. Cependant, l’histoire commence avec un John McClane qui se rend à Los Angeles pour y passer Noël avec sa femme dont il est divorcé et leurs deux enfants.
John McClane espère cependant que cette visite pourra lui permettre de renouer avec sa famille.
Le gratte-ciel où travaille la femme de McClane est pris d’assaut par les terroristes. L’objectif de McClane est maintenant évident : vaincre les terroristes, libérer les otages et se remettre avec sa femme.
La résolution de l’intrigue principale lui apporte le tout.
Cependant, si l’on y réfléchit bien, John McClane aurait pu tout aussi bien vaincre les terroristes et libérer les otages même si sa femme ne se trouvait pas dans la tour.
Ce qui engage le lecteur, c’est la relation entre McClane et sa femme et son désir de refaire sa vie avec elle. Cette relation est le cœur du récit, l’âme de l’histoire et c’est pour cela que l’on accroche au personnage davantage que pour l’action et les exploits de McClane qui se déploient dans la A Story.
Bébé, mode d’emploi (2010) dirigé par Greg Berlanti et écrit par Ian Deitchman et Kristin Rusk Robinson présente une particularité.
Holly et Eric qui se détestent ont la charge de veiller sur Sophie, leur filleule, qu’ils adorent et apparemment, c’est l’intrigue principale.
Cependant, la véritable histoire est leur romance. Comment ils découvriront qu’ils sont faits l’un pour l’autre et comment cela influencera ce qui deviendra leur objectif principal, à savoir devenir un couple.
S’agissant d’une comédie romantique, il s’avère donc que la A Story cédera sa place à la B Story et inversement.
Prendre soin de Sophie deviendra l’intrigue secondaire et leur romance sera de fait l’intrigue principale.
C STORY
La C Story concerne la transformation intérieure de votre héros. Il s’agit de sa ligne, de son arc dramatique. Cette histoire personnelle du héros décrit son évolution au cours du récit.
L’évolution est liée aux épreuves qu’il subit dans le cours de la A Story et de la relation décrite dans la B Story.
Il vous faut une idée claire de la faiblesse dont vous allez affubler votre personnage principal puis de définir le moment où il en prendra conscience (scène ou séquence) et comment il surmontera cette faiblesse dans le climax (l’ultime épreuve).
Pour vérifier si les A, B et C Stories font bien leur travail (cette vérification se fait donc lors de la réécriture de votre scénario), vous pouvez vous baser sur les 7 points qui structurent d’une manière globale à peu près toutes les histoires.
1) La vie normale du héros au début du récit.
C’est une sorte de statut quo que l’histoire se chargera de bouleverser. Vous introduisez votre personnage principal dans son quotidien, dans son monde ordinaire.
Ce personnage principal n’est pas nécessairement un héros ou un anti-héros mais pourrait être aussi le méchant tel que le décrit William C. Martell.
2) L’incident déclencheur.
Il intervient environ à la moitié de l’acte 1. L’incident déclencheur ne lance pas encore l’intrigue. Il prépare le terrain.
Par exemple, cela pourrait être un agent du FBI mandaté au Canada pour aider les enquêteurs locaux qui sont sur une impasse ou bien le personnage principal reçoit un courrier qui va le bouleverser et induire chez lui un nouveau point de vue, un nouveau comportement qui le préparera à se fixer un objectif.
3) La fin de l’acte UN.
Ce nœud dramatique corresponds au point de non retour pour le héros. Suite à l’incident déclencheur, il a élaboré un plan mais cependant son objectif n’est pas entièrement défini, du moins pour lui. En effet, le problème du personnage principal pourrait être parfaitement clair dans l’esprit du lecteur mais encore incertain dans celui du héros, sorte d’ironie dramatique.
A ce point de l’histoire, l’antagoniste est connu, les relations entre le personnage principal et les autres personnages établies. Il n’y a plus qu’à franchir le seuil.
4) Le point médian
Ce nœud dramatique est le moment pour votre histoire de prendre une nouvelle direction. Il permet aussi à votre personnage principal d’asseoir définitivement son objectif.
5) Le All is Lost
Généralement situé à la fin de l’acte Deux, ce nœud dramatique corresponds au moment où votre héros semble avoir tout perdu. Il est désormais persuadé qu’il ne réussira jamais à atteindre son objectif.
6) Le climax
C’est l’ultime confrontation. Intervenant au cours de l’acte Trois, voire justifiant cet acte, le climax résout le problème du personnage principal dans un combat (parfois à mort) entre son antagoniste et lui.
7) Le retour à une vie normale
Mais définitivement changée par rapport au début de l’histoire.
Une technique intéressante est d’organiser les A, B et C Stories du point de vue du personnage central. Lorsque les grandes lignes de ces arcs dramatiques sont bien claires dans votre esprit, jouez avec les perspectives et observez la A Story du point de vue du personnage qui possède la relation la plus émotionnelle avec votre personnage principal.
Puis du point de vue de l’antagoniste qu’il soit un personnage ou une entité car l’antagonisme ne se limite pas seulement à dépeindre un individu. Il peut être aussi une institution, la nature, ce que vous voulez.
Puis écrivez les sept points énumérés ci-dessus. Ce n’est pas une formule obligatoire mais vous pouvez essayer cette méthode parmi d’autres.
L’importance du méchant de l’histoire
Ne négligez pas votre méchant. Généralement, le méchant de l’histoire ne l’emporte pas à la fin,. Mais il a des aspirations, des besoins, un but lui aussi tout comme votre héros.
Identifiez non seulement ses faiblesses mais aussi ses qualités humaines, même si c’est un monstre ou une institution. Faites-en vraiment un personnage à trois dimensions.
Ainsi, vous donnerez du sens à ce méchant et aiderez votre lecteur à mieux comprendre ses motivations ce qui l’impliquera davantage dans votre histoire. Le combat avec le héros sera aussi plus loyal et cela pourrait ajouter de l’ambiguïté (le scénario de Stuart Beattie pour Collatéral de Michael Mann amène une certaine ambiguïté dans la relation entre Vincent et Max).
Lors de la réécriture (la réécriture fait partie du processus de création), n’hésitez pas à ajouter des couches et de la profondeur émotionnelles.
Approfondir les aspirations et les besoins du personnage qui entretient la relation la plus intime, la plus émotionnelle avec votre personnage principal étoffera à la fois l’arc dramatique de votre héros mais aussi celui du personnage le plus proche de lui émotionnellement et celui de leur relation.
Vous avez effectivement trois lignes dramatiques qui seront impactées en retravaillant en profondeur les couches émotionnelles qui unit votre héros à ce personnage.
L’évolution intime, les changements qui s’opèrent chez votre personnage principal est ce qui permet le mieux l’identification avec lui, qui crée le mieux de l’empathie envers ce personnage.
Le voyage intérieur de votre héros est ce qui captive le plus votre lecteur et est ce qui va l’intéresser à ce qui arrive à votre héros.