La fonction principale du mentor est comme son titre l’indique de guider et d’instruire le protagoniste.
Mentor trouve son origine dans l’Odyssée d’Homère. La déesse Athéna sous les traits de Mentor conseille Ulysse sur la conduite à tenir face aux prétendants et de partir à la recherche de Laërte, son père (qu’Athéna sous les traits de Mentès cette fois lui avait dit qu’il était encore vivant.
Comme Athéna est la déesse de la Sagesse, il n’est donc pas étonnant que Mentor fut ensuite personnifié sous le masque d’un Vieux Sage.
Old wise man/woman
La littérature anglo-saxonne est plus précise sur la notion de Vieux Sage. En effet, elle précise Old Wise Men et Old Wise Women ce qui laisse entendre que ce rôle de Sage qu’incarne Mentor peut être aussi bien de sexe masculin que féminin. Mais il est difficile de trouver dans notre langue une traduction exacte pour Old Wise Women qui connote le concept de Vieux Sage pour la gente féminine.
Nous établissons donc dans la suite de cet article que chaque fois qu’est mentionné Mentor, il peut être personnifié par un homme ou une femme, au libre choix de l’auteur.
Avant que le héros ne se lance dans son aventure (Journey), le mentor lui fait généralement un don. Dans les mythes et les légendes, ce don est habituellement une épée ou un bouclier ou un objet magique. Glinda la bonne sorcière du Sud remet à Dorothée les souliers de rubis afin de la protéger des agissements de la Méchante sorcière de l’Ouest mais aussi pour lui permettre de trouver le chemin du retour chez elle qui est la Outer Motivation de Dorothée.
Dans un autre registre, Q de la série des James Bond fournit à James les gadgets les plus improbables pour lutter contre ses antagonistes. Plus ces objets spéciaux sont étranges et plus ils se parent d’une aura magique même si cela n’est pas explicite.
Le mentor n’accompagne pas le héros dans son voyage (Hero’s Journey) et il disparaît de sa vie au moment précis où le héros s’apprête à franchir le seuil du nouveau monde (Crossing the threshold).
Dumbledore, Obi-Wan et Yoda meurent mais ce n’est pas obligatoirement la destinée d’un mentor de mourir.
Un héros en projet
Le mentor pousse le héros hors du nid, l’incite à prendre à sa charge le problème de l’histoire et à se lancer dans son aventure où seul, il devra affronter les épreuves et ses ennemis.
On peut dire que le mentor prépare le héros pour un voyage initiatique qui devra faire de lui (s’il y parvient) un héros accompli car pour le moment, notre héros n’est qu’un héros en devenir sous la dépendance de son mentor. Et comme tout être humain devrait le faire, il doit apprendre à en finir avec cette aliénation.
Gardez à l’esprit cependant que les théories que nous exposons au long de nos colonnes ne sont pas des formules que vous devez suivre aveuglément. Ce sont des hypothèses de travail que nous souhaitons vous suggérer et vous permettre de vous ouvrir l’esprit vers des théories qui pourraient vous être utiles.
Cependant, les mythes et les légendes de toutes époques, de toutes cultures ont toujours réservé une place au mentor et celui-ci laisse le héros s’envoler de ses propres ailes une fois son enseignement fini.
Donc, tant que le mentor disparaît de la vie du héros et que cette disparition a lieu à un moment idéal de votre récit que ce soit ou non au moment pour le héros de franchir le seuil, votre histoire fonctionnera.
Par exemple, le père de Katniss est mort avant que le récit ne commence cependant les techniques de survie qu’il a apprises à sa fille aideront celle-ci dans les Hunger Games et son influence se fera aussi sentir tout au long de l’histoire.
Le mentor, comme n’importe quel autre personnage, est un être imparfait. Ce n’est pas parce qu’il possède un savoir rare qu’il a une réponse à tout, qu’il a toujours raison ou bien encore que ses motivations soient pures.
Le mentor suit son propre arc dramatique
Haymitch Abernathy qui sert de mentor à Katniss et à Peeta est un alcoolique et bien qu’ils les préparent aux jeux, il a déjà abandonné l’idée qu’ils puissent les remporter.
Le mentor suit son propre arc dramatique. La relation qu’il entretient avec le héros possède elle aussi son propre arc dramatique. Le héros lui-même a un arc dramatique. Tous ces arcs œuvrent en parallèle et peuvent s’influencer mais ils sont totalement indépendants les uns des autres. Ainsi, il n’est pas inhabituel que le mentor fasse défaut au héros ou le déçoive tant que cela est logique avec le développement de sa ligne dramatique.
Un cas intéressant de mentor est celui de Kyle Reese. Envoyé dans notre présent pour instruire Sarah Connors sur les techniques de combat qu’elle devra à son tour enseigner à son fils, Kyle Reese devient l’amant de Sarah et de leur union naîtra John Connor, le futur sauveur de l’humanité.
Une autre possibilité est qu’un personnage parmi ses fonctions dramatiques mette en œuvre celle de mentor. C’est particulièrement intéressant lorsque ce personnage est l’antagoniste. Il ne correspond pas à l’archétype du mentor mais le mentorat fait parti de ses fonctions.
Dans Assurance sur la Mort de Billy Wilder en 1944, Barton Keyes est le collègue et l’ami de Walter Neff. Mais sans le vouloir, il est aussi son némésis (son antagonisme). Keyes pense beaucoup de bien de Neff et il aimerait que celui-ci le rejoigne dans ses activités professionnelles d’enquêteur pour la société d’assurances pour laquelle tous deux travaillent (Walter Neff place des assurances alors que Barton Keyes enquêtent lors des demandes d’indemnisation).
Seulement voilà, Neff a d’autres plans et en particulier celui d’une fraude à l’assurance incluant un meurtre.
Dans un premier temps, Keyes n’a aucun soupçon (puisque involontairement, il ira jusqu’à fournir à Neff les outils nécessaires pour mettre son plan à exécution) jusqu’au moment où se rendant chez son ami Walter, il croise Phyliss Dietrichson (la complice de Neff et la femme du défunt Dietrichson que Walter Neff a tué pour pouvoir toucher l’argent de l’assurance pour lui et Phyliss).
Barton Keyes est donc avant tout un mentor pour Neff mais lorsqu’il deviendra soupçonneux, son personnage d’antagoniste se dévoilera tout à fait. En fait, ce que craint le plus Neff est que Keyes ne découvre ce qu’il a fait.
Cependant, la fonction de mentor qu’il occupe auprès de Walter Neff ne sera jamais démentie et il gardera pour Neff une amitié sincère (l’amitié est un trait de caractère inhérent au mentor).
Deux mentors
A l’opposé de Barton Keyes qui est un personnage bienveillant envers le héros, la fonction de mentor peut être incorporée à un personnage diabolique dont le dessein n’est pas de mener vers la vertu. L’Empereur Palpatine fut le mentor d’Anakin Skywalker et a fait de lui Darth Vador, l’un des meilleurs représentants du côté obscur de la Force.
Dans un univers moins fantaisiste mais pas moins cruel, nous avons une relation similaire entre Gordon Gekko et Bud Fox (Wall Street d’Oliver Stone).
A propos de Bud Fox, il y a ici une articulation intéressante concernant son Inner Journey.
En effet, Bud a la chance d’avoir à disposition deux mentors : l’un est maléfique (Gordon Gekko) et l’autre serait plutôt bénéfique puisqu’il s’agit du propre père de Bud, Carl. Maintenant, c’est à Bud de choisir la voie qu’il empruntera. Cette possibilité d’opposer deux mentors pourrait déboucher sur des idées qui, bien appliquées, pourraient renforcer l’intérêt de votre scénario.
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