Dans un précédent article ICI, nous avons commencé l’étude d’une approche orientée personnage pour l’écriture de scénario. Nous avions noté que la terminologie utilisée par les théoriciens ne reflétait que peu l’idée que le personnage devait être intimement mêlé à la structure.
Continuons sur notre lancée.La première partie de cet article ICI.
Les actes
La notion d’acte elle-même est révélatrice que les choses sont davantage tournées vers la structure d’une histoire et ne laisse aucune place au personnage.
Le concept d’actes est issu du théâtre avec un découpage en trois actes avec les actes Un et Trois étant deux fois moins long que l’acte Deux (ce qui donne pas exemple un acte Un de 30 pages, un acte Deux de 60 pages et un acte Trois de 30 pages également pour un script de 120 pages).
C’est une approche un peu rigide qui ne doit surtout pas être comprise comme une obligation donc gardez à l’esprit qu’il s’agit d’un découpage qui doit rester approximatif. C’est un cadre de travail pour que vous vous sentiez confortable, ensuite, it’s up to you de prendre les décisions afin que votre histoire soit la plus efficace possible.
Quant à Syd Field, il décrit l’acte comme un bloc d’action dramatique et des points majeurs (Plot Points) subdivisent l’histoire désignant ainsi des points de passage entre les actes. Chaque acte désigne alors un contexte dramatique différent : l’acte Un est le setup c’est-à-dire la mise en place de la situation initiale où l’action dramatique et les principaux personnages sont introduits.
L’acte Deux est la confrontation qui revient à développer l’action dramatique essentiellement par le jeu des conflits et l’acte Trois est alors la résolution. La résolution de l’action dramatique qui revient à donner des réponses aux questions soulevées au cours de l’histoire.
En fin de compte, on en revient à Aristote avec le commencement, le milieu et une fin. Linda Seger est très proche de Field avec un set-up, un développement et une résolution et chacun d’entre eux séparés par des Turning Points. Turning Points ou Plot Points désignent la même chose.
Peut-être que dans le langage anglo-saxon, la notion de Turning Points est un peu plus parlante car si nous la traduisons par Points de Retournement, nous avons effectivement un changement majeur dans la direction de l’histoire. Plot Points se traduit par Point d’Intrigue, une notion peut-être plus vague de Syd Field que Linda Seger a cru bon de préciser.
Les points majeurs d’une histoire
Quant à nous, nous préférons employer l’expression de Points Majeurs car il s’agit effectivement de moments importants dans l’histoire, des moments suffisamment puissants pour orienter l’histoire, donc majeurs dans la structure de celle-ci.
Voici ce qu’écrit Linda Seger en 1994 :
The acts for a feature film usually include a 10-15 page set-up of the story, about 20 pages of development in Act One, a long second act that might run 45 to 60 pages, and a fairly fast-paced third act of 20 to 35 page. Each act has a different focus. The movement out of one act into the next is accomplished by an action or an event called a turning point.
Les actes pour un long-métrage se composent habituellement d’un set-up de l’histoire de 10 à 15 pages et environ 20 pages de développement dans l’acte Un, un long second acte qui peut courir de 45 à 60 pages, et un troisième acte au rythme assez rapide de 20 à 35 pages. Le mouvement d’un acte dans le suivant est accompli par une action ou un événement appelé un Turning Point.
Par ailleurs, la notion de Plot Point avancée par Syd Field prend aussi du sens lorsque l’on songe que l’intrigue se joue dans l’acte Deux, l’espace de tous les conflits, le bien nommé Confrontation par Field. En effet, il y a un point d’entrée dans l’intrigue à la fin de l’acte Un et un point de sortie de celle-ci à la fin de l’acte Deux.
Conseils de lecture :
LE PREMIER ACTE
LES ELEMENTS DE L’ACTE DEUX
LA GALERE DU SECOND ACTELA STRUCTURE EN 3 ACTES
Quant à Christopher Vogler, à travers les 12 étapes du voyage du héros (Hero’s Journey), il distingue lui aussi trois actes :
Movies are often built in three acts, which can be regarded as representing 1) the hero’s decision to act 2) the action itself, and 3) the consequences of the action.
Les films sont souvent construits en trois actes, lesquels peuvent être considérés comme 1) la décision du héros d’agir 2) l’action elle-même et 3) les conséquences de l’action.
Chez Joseph Campbell dont les travaux ont servi à Vogler, ces trois étapes se nomment Departure (le départ), Initiation (l’initiation) et Return (le retour).
Dans The Writer’s Journey, Christopher Vogler écrit :
Each act is like a symphony, with its own beginning, middle and end, and with its own climax (the highest point of tension) coming just before the ending of the act… each act sends the hero on a certain track with a specific aim or goal, and that the climaxes of each act change the hero’s direction , assigning a new goal.
Chaque acte est comme une symphonie avec son propre début, son propre milieu et sa propre fin et avec son propre climax (le plus haut point de tension) arrivant juste avant la fin de l’acte…
Chaque acte envoie le héros sur une certaine piste avec un but ou un objectif spécifique et les climax de chaque acte change la direction du héros, lui assignant un nouvel objectif.
L’ossature d’une histoire
Donc il ne s’agit pas d’une règle qu’il faut absolument suivre mais plutôt d’une fondation, d’une ossature sur laquelle l’histoire va venir se poser et s’y maintenir. Sans cette fondation, l’histoire s’écroule.
Cette ossature consiste à organiser les différentes scènes qui composent une histoire en sections plus larges dénommées actes. Chaque acte se clôt avec un développement majeur de l’histoire et suit un axe de développement spécifique.
Kristen Thompson à la suite de Freytag reprend les termes de Rising action et de Falling action en plus de celui de climax, des termes qui encore une fois font la part belle à la structure et dissipent le personnage ce qui peut amener certains auteurs à ne pas comprendre l’importance de celui-ci et à se concentrer sur l’action et à faire du personnage un outil au service de l’action plutôt que de considérer que le personnage et l’action ne font qu’un.
Au cours de la Rising Action, une série d’incidents ou d’événements d’intensité croissante se succèdent jusqu’à aboutir au point de la plus grande intensité.
Cet espace de narration (le Rising Action) débute après l’exposition et mène au climax. Les événements qui s’inscrivent dans cet espace sont alors des éléments dramatiques fondamentaux de l’histoire puisque l’intrigue dépends entièrement d’eux pour préparer et installer le climax.
A la suite duquel la résolution ou dénouement de l’histoire se produit d’une manière satisfaisante pour le lecteur.
Au cours de la Falling Action, le conflit entre le protagoniste et l’antagoniste se dénoue. Le protagoniste n’est nullement dans l’obligation de vaincre l’antagoniste. On parle de résolution car cette partie de l’histoire est le lieu où la question dramatique posée par l’histoire trouve une réponse.
En conclusion de cet article sur l’idée d’articuler une histoire autour de trois actes mais surtout d’être obnubilé par cette articulation, se sentir obligé de la respecter peut mener un auteur à perdre de vue l’âme de son histoire, à savoir ses personnages.
En se concentrant sur eux, un auteur peut être conduit à concevoir davantage d’actes ou des rebondissements qui peuvent orienter l’histoire vers plus de directions que les trois axes généralement développés.