LE SUSPENSE EST DANS LA TÊTE DU LECTEUR

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Arthur Miller disait que la trahison était la seule vérité qui tienne. Je ne saurais dire s’il est dans la nature humaine de rechercher de la stabilité dans son quotidien mais ce dont je suis sûr est que ce qui tend à demeurer dans le même état, aussi rassurant qu’il puisse paraître, n’est pas le mouvement.

Et le mouvement est la vie.

La pyramide de Maslow (ou pyramide des besoins) est une représentation hiérarchisée de nos besoins.

lecteur

Nous nous apercevons que le besoin de sécurité se positionne en seconde position juste après les besoins physiologiques essentiels à la vie. C’est dire l’importance que revêt pour l’être humain la nécessité de se protéger, de se mettre à l’abri des prédateurs quels que soient leurs formes. Nous recherchons tous un environnement sûr, sécurisé et stable.

Le lecteur aussi a soif d’ordre

Lorsqu’on présente le chaos au lecteur, ce que le lecteur veut, c’est en sortir. Peut-être que l’imaginaire collectif lui donne à voir une représentation du monde où régnerait l’ordre et cette image le rassure.

Mais en fiction (et pas seulement dans le thriller), lorsqu’une menace se profile ou qu’une transgression quelconque (de la plus bénigne à la plus grave) est commise, le bon ordre des choses est rompu.

Il est tentant d’accuser l’antagoniste d’être en effet l’antagoniste parce qu’il a trahi les règles de la société. Ainsi, la nature est souvent opposé à l’homme si l’on en vient à se demander si par nature, l’homme est un être sociable.

Plus intéressant est lorsque le protagoniste est considéré comme un rebelle. Considérons par exemple ce grand précurseur que fut le Christ qui s’est effectivement rebellé contre les rites, les sacrifices et les règles strictes de la loi mosaïque.

Mais considérons plutôt la trahison dans un sens bien plus étendu (et bien plus utile pour un auteur). Voyons plutôt la trahison comme une infidélité aux règles établies.

Face à un personnage qui trahit (apparemment ou sincèrement), la majorité des autres personnages se sentira confuse et craintive. Et le lecteur aussi.
Pour satisfaire le lecteur, l’ordre (ou un nouvel ordre) sera établi au dénouement.

N’est-ce pas ce que prévoit le Hero’s Journey de Campbell lorsque le héros après avoir survécu à toutes ses tribulations au cours de l’intrigue s’en retourne chez lui pour partager la bonne parole ou du moins ce qu’il a appris de son aventure ?

Parce qu’un héros ne se contente pas de sortir grandi de ce qu’il a appris. Il tient aussi à le partager avec le reste de la communauté. Un acte héroïque doit être édifiant ou il ne sera pas.
Le souci pour le héros est que pendant son absence, la communauté aussi a évolué et le message du héros ne sera peut-être pas vraiment accepté. C’est ainsi qu’un personnage comme Frodon par exemple quitte sa communauté parce qu’après tout ce qu’il a vécu, il ne pourrait s’y réintégrer.

La restauration de l’ordre

Considérons que le bien triomphe du mal. C’est une éthique bien tentante qui sied bien aux contes et légendes. C’est surtout une voie de traverse qui facilite la vie de l’auteur mais qui se fonde difficilement sur la réalité des choses, c’est-à-dire qu’elle se fonde sur une représentation fausse du monde.

En fiction, cela fonctionne pourtant et un auteur fera du bon travail si le coupable est puni et que le sacrifice personnel du héros est récompensé.

Comment cela se traduit-il pragmatiquement ? L’auteur doit concevoir un personnage principal qui attirera l’attention du lecteur. Pour attirer l’attention du lecteur, il faut que le lecteur s’identifie au personnage principal par sympathie (moyen de mettre en place un canal de communication) puis de l’empathie ou compassion par lesquelles le lecteur se persuadera qu’il éprouve quelque chose d’apparemment similaire avec le personnage principal.

Nous ressentons des choses par personnage interposé. Et il est tout à fait possible que nous n’ayons jamais fait l’expérience personnelle de ces choses.

Ce partage d’expérience sera celui du doute, de l’incertitude, de la confusion et du sentiment de trahison. On porte tous une blessure qui ne se referme pas dû à une trahison.
L’auteur forcera son personnage principal dans des situations dans lesquelles il confrontera ainsi le doute et la trahison.

Bien que ce mimétisme pourrait se traduire par une banalité, il n’en est rien. Il y a toujours quelque chose de nouveau lorsqu’on ne frustre pas son lecteur.

Car le lecteur veut voir le personnage principal réussir parce que cela lui renvoie ses croyances, ses valeurs et ses instincts (ou intuitions) les plus profonds, c’est-à-dire dont il n’a probablement pas une conscience claire (un récit cependant et surtout lorsqu’il est légendaire peut l’aider à faire surgir des choses que son inconscient refoulait obstinément).

Et comme cet arc dramatique du personnage n’est pas limité par le genre de l’histoire, chaque auteur peut ainsi vouloir l’inscrire dans son histoire quel que soit le genre de celle-ci.
Ce qu’il faut retenir de tout cela ? Personnage principal et lecteur ont tous deux horreur de la confusion et de la trahison et révèrent l’équilibre, la stabilité des choses même si cela signifie au fond que l’immobilisme est un peu comme la mort.

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