Le principe structurel d’une série, c’est 5 actes. En moyenne, ces 5 actes s’étendent sur 55 pages. Shonda Rhimes nous dit cependant que le pilote de Grey’s Anatomy lui a demandé un peu plus de pages.
Il n’y a pas de règles précises sur la durée. Ainsi, un pilote qui échappe parfois aux exigences du format télévisuel s’écrira entre 55 et 75 pages.
Qu’est-ce qu’un acte ?
La légitimité d’un acte, ce qui fait qu’il existe en somme, c’est qu’en son sein, il y ait quelque chose (une action, un événement, une décision, un fait…) qui justifie que l’histoire prend un tournant décisif à la fin de l’acte.
A la fin d’un acte, l’histoire prend une nouvelle direction.
Le premier acte consiste à exposer les personnages et les situations. Il est bon de le faire de manière à intriguer le lecteur. Comme l’avouent Dan Brown et Aaron Sorkin, écrire une fiction (et même un documentaire d’ailleurs), c’est faire une promesse à son lecteur.
L’acte Un est le moment de la promesse qui décidera de l’avenir de votre projet. La fonction essentielle de l’acte Un est d’accrocher le lecteur, de le convier à lire davantage de votre scénario.
On commence donc par présenter le monde et le problème. En effet, il y a un problème dans ce monde, dans votre monde. Le problème n’a pas à être foncièrement dramatique. Cela dépend de votre genre. Lorsque le lecteur identifie un genre, il sait par convention que la nature des problèmes qu’il rencontrera aura une portée liée aux conditions du genre.
Et puis, chaque auteur est libre de présenter les choses de son monde comme il le veut, comme il les sent. La seule véritable règle est que le lecteur doit comprendre très rapidement où il est et quelle est la nature des problèmes que les personnages rencontreront. C’est à ce moment que ce lecteur décide ou non de continuer à lire.
Cela ne signifie pas non plus que vous devez commencer à écrire votre projet par le premier acte. Ce qui importe, c’est l’effet que votre lecteur éprouvera à la fin de l’histoire (ou à la fin d’un épisode pour une série).
On peut donc sans crime de lèse-majesté écrire le dernier acte avant les autres.
Et les choses dégénèrent
C’est dans l’acte Deux que les choses commenceront à aller de travers. Cette escalade de la tension permet en fait d’éclairer le monde. On commence à entrevoir les relations qui existent entre les personnages, les relations qui existent entre les personnages et le monde dans lequel l’auteur les a jetés.
On ne pose pas seulement le lecteur dans une situation en lui disant Voilà, c’est comme çà et pas autrement. Il faut plutôt essayer de lui expliquer pourquoi les choses sont ainsi. Et on le fascine en lui décrivant comment des personnages vivent cette situation.
D’ailleurs, c’est au moment de l’acte Deux que l’on introduit davantage de personnages. Le premier acte a laissé de la place pour les principaux personnages, du moins ceux que nous allions suivre pendant plusieurs épisodes.
Il faut savoir aussi que la mort est un outil pour renouveler l’intérêt de la série.
Un personnage peut avoir une présence nécessaire pour le discours actuel d’une ou deux saisons puis devoir disparaître parce que ce personnage ne correspond plus à la direction que prend maintenant la série si ce n’est même cette disparition qui entraîne la série vers une nouvelle destinée.
Cet acte Deux rajoute des personnages parce que matériellement l’acte Un ne le pouvait pas (chaque acte tient entre 10 et 15 pages, c’est court et il faut condenser ce qui doit être retenu par le lecteur).
Au centre, le cœur
Pour Shonda Rhimes, il est logique que l’acte Trois soit le centre. C’est à ce moment que l’essence du conflit se fait le plus sentir. Les choses ne peuvent pas aller plus mal (ou au contraire ne peuvent pas être mieux que maintenant, cela dépend de votre histoire).
C’est ce moment particulier du All is Lost que Blake Snyder a mis en avant. Je vous renvoie à cet article pour vous en faire la démonstration : BLAKE SNYDER : MONSTER IN THE HOUSE.
C’est après cet acte Trois que l’histoire prendra vraiment un tour nouveau auquel on ne s’attendait vraiment pas. En somme, l’acte Trois devient un prétexte pour renouveler l’intérêt du lecteur envers l’histoire.
L’acte 4 : le compte à rebours
Rien de tel qu’un moment fatidique pour injecter du suspense. L’acte Quatre est cet espace qui met en place une forme d’urgence. Et l’urgence est facilement définissable. Il y a un moment limite pour que les choses se passent sinon il sera trop tard et tout sera vraiment perdu.
Cet acte Quatre n’a pas être nécessairement un temps qui s’égrène inexorablement. Souvent, il s’agit d’une anagnorisis, c’est-à-dire ce moment dans la vie de votre personnage où il comprend qui il est vraiment.
Depuis le début de l’histoire (et nous pouvons faire un parallèle avec notre réalité), le personnage s’interroge sur sa destinée. Que doit-il faire ? Quel est son but ? A t-il une vocation ou doit-il se déterminer par ses propres actes ?
C’est dans cette action de reconnaissance (anagnorisis) que le personnage peut aller à la rencontre de lui-même, de sa véritable identité.
C’est important de réserver en cet acte Quatre une situation si singulière qu’elle permet au lecteur de se sentir comme jamais très proche du personnage. Peut-on parler de communion ? Cela dépend de votre histoire.
Comme l’explique Blake Snyder, cet acte Quatre est le Break into Three, c’est-à-dire la solution, un nouvel espoir. Ce sera l’acte Cinq qui concrétisera cet espoir (peut-être).
Les articulations entre les actes
Si vous faites un plan de l’histoire (procédure hautement recommandée), vous avez déjà une idée des grandes articulations de votre récit (c’est-à-dire les 5 actes tels que les conçoit Shonda Rhimes).
Ce qui signifie que vous savez déjà ce que vous voulez dire. Organiser sa manière de dire, c’est permettre à l’écoute de vous être donnée.
Ainsi le lecteur reste accroché par la magie de l’écoute. Que ce soit une œuvre de fiction ou un documentaire, il est important que vous parveniez suffisamment à fasciner votre lecteur pour qu’il reste avec vous.
Sinon son esprit vagabondera. Et inconsciemment, c’est un signe pour lui qu’il a certainement quelque chose de mieux à faire que de rester avec vous.
Pour Shonda Rhimes, c’est assez simple. Chaque passage d’un acte dans le suivant devrait être un moment émotionnel puissant pour le lecteur.
Les intrigues secondaires : à envisager pour la série
L’intrigue principal est ce qui importe. Les intrigues secondaires peuvent occuper la moitié d’un acte ou bien n’être qu’une simple scène ou encore se résumer en une ligne de dialogues. Sans diminuer leur importance, elles ne sont que des intrigues secondaires.
Ce qui est certain, c’est qu’autant votre intrigue principale doit conserver le cap de ce que vous avez à dire, autant les intrigues secondaires (généralement on n’en met pas plus de deux autres lors d’un épisode) serviront l’intrigue principale.
Autrement posé, toutes les intrigues sont au service de l’histoire.
Par exemple, Shonda Rhimes nous conseille de ne pas faire disparaître complètement le personnage principal pendant tout un acte parce que vous avez souhaité consacrer cet acte à une intrigue secondaire. C’est une digression capable de rendre confus le lecteur. Et un lecteur confus est un lecteur déjà perdu.
Il faut être logique dans l’écriture de l’histoire. C’est-à-dire que tout doit faire sens, chaque événement ou comportement doit pouvoir s’expliquer logiquement même si les raisons d’une décision par exemple sont ténues.
On doit pouvoir interpréter les gestes des personnages, comprendre pourquoi un événement a lieu comme conséquence d’un choix par exemple. En quelques mots, avant de changer la tradition, usez-en à satiété. Il sera plus simple ensuite d’en modifier les règles.
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