Des scénarios comme celui de Alex Kurtzman et Roberto Orci pour Star Trek dirigé par J.J. Abrams en 2009 débute par un événement dramatique, assez perturbateur et qui se situe dans le passé du personnage principal.
Ce prologue (ou séquence d’ouverture) pourrait facilement être considéré comme l’incident déclencheur car il présente avec ce dernier de nombreuses similarités.
Un moyen de les distinguer est de vérifier la relation de cause à effet inhérent à l’incident déclencheur.
En effet, le passage de l’acte Un à l’acte Deux qui concrétise la prise en charge par le personnage principal du problème soulevé par l’histoire est initié par l’incident déclencheur. L’intrigue qui se déroule à présent est la conséquence directe de l’incident déclencheur.
La fiction : une affaire de causalité
Pour vérifier la relation de cause à effet entre l’incident déclencheur et l’intrigue, posez-vous la question si le passage à l’acte Deux aurait pu aussi se produire s’il n’y avait pas eu de prologue (ou de séquence d’ouverture).
Si c’est le cas, le prologue est alors une condition propice pour permettre à l’incident déclencheur de lancer l’intrigue.
Si celle-ci ne peut être justifiée sans prologue, alors ce dernier est l’incident déclencheur.
Prenons l’exemple du scénario de Steven Kloves, adapté du roman de J. K. Rowling, pour Harry Potter à l’école des sorciers dirigé par Chris Colombus en 2001.
L’histoire débute à Privet Drive chez l’oncle et la tante de Harry qui découvre le bébé Harry sur le seuil de leur porte. C’est la seule famille qui reste à Harry.
Nous apprendrons plus tard que les parents de Harry ont été assassinés par un sorcier maléfique mais bien que ce meurtre ait conduit Harry chez son oncle et sa tante, et bien que ces éléments dramatiques sont des informations importantes pour la vue d’ensemble de l’histoire, ils ne sont pas directement responsables de l’intrigue.
Ce prologue qui participe à l’exposition du personnage de Harry Potter ne peut être l’incident déclencheur.
A la fin de l’acte Un, Harry quitte ce soi-disant foyer familial pour rejoindre Poudlard, l’école des sorciers. Notez ici que jusqu’à présent le récit est conforme à la structure du Hero’s Journey.
L’intrigue est intimement liée à Poudlard. Toutes les aventures de Harry ont lieu à Poudlard. Poudlard doit donc être la conséquence d’un élément déclencheur. Mais quel est-il puisqu’on sait que le prologue ne peut être la cause du départ pour Poudlard et de la séparation de Harry et de sa famille d’adoption.
L’incident déclencheur ne peut être non plus Rubeus Hagrid qui vient le chercher pour l’emmener à l’école car l’intrusion soudaine de ce demi-géant dans la vie de Harry n’aurait pu servir d’incident déclencheur qu’à la condition que Harry ait été emmené de force, contre sa volonté. Or, ce n’est pas cas. Harry est cordialement invité et espéré à Poudlard.
Harry a été convoqué. La convocation est l’élément déclencheur. C’est donc l’arrivée du Hibou porteur de courriers dans les univers magiques qui incarne l’incident déclencheur.
Le prologue cependant est nécessaire car il permet de mettre en place l’antagoniste de Harry sous les traits de Voldemort.
L’incident déclencheur est lié au monde ordinaire du héros
Comprendre l’incident déclencheur peut se faire aussi en examinant le monde ordinaire du héros avant que son voyage commence.
Concernant Harry, il est clair qu’il n’est pas le bienvenu dans sa famille d’accueil. Détesté (son oncle et sa tante haïssait cordialement ses parents), maltraité par son cousin, l’univers de Harry est très proche de celui de Cendrillon.
L’invitation à Poudlard, cependant, bouleversera son train-train quotidien. Pour la première fois, sa présence est souhaitée dans une école où ses talents magiques seront nourris plutôt que réprimés.
C’est un tout nouveau monde et inconnu dans lequel Harry s’apprête à entrer.
Ce bouleversement du monde ordinaire du protagoniste est la fonction essentielle d’un incident déclencheur. C’est un appel à l’aventure (Call to Adventure) lancé par l’arrivée du courrier adressé à Harry.
Cette invitation s’avère donc être le véritable incident déclencheur du récit.
Ecrit par Christopher Nolan et David S. Goyer, la séquence d’ouverture de Batman Begins relaie le passé tragique de Bruce Wayne tout au long du premier acte.
La mort tragique des parents de Wayne participe à la formation de son caractère d’une façon encore plus marquée que chez Harry Potter. La désignation de l’antagoniste (Falcone) est cependant plus subtile.
Afin de mieux cerner l’esprit criminel qui lui a pris ses parents selon le Sun Tzu :
« Si vous connaissez vos ennemis et que vous vous connaissez vous-même, mille batailles ne pourront venir à bout de vous. Si vous ne connaissez pas vos ennemis mais que vous vous connaissez vous-même, vous en perdrez une sur deux. Si vous ne connaissez ni votre ennemi ni vous-même, chacune sera un grand danger. »,
Bruce Wayne adopte le style de vie des voleurs.
Alors qu’il se retrouve en prison, un mystérieux étranger lui rend visite et lui offre de rejoindre la Ligue des Ombres afin de suivre le chemin d’un homme qui souhaite servir la véritable justice.
Wayne accepte, s’entraîne au sein de cette communauté pour finalement l’abandonner et adopter un alter ego ailé pour sauver sa ville de la destruction.
Apparemment, la mort des parents de Wayne semble être à l’origine de sa vocation. Mais la réponse de Wayne à ce tragique événement aurait pu être toute autre. La mort des parents de Wayne n’est pas liée directement à l’intrigue.
Toute l’intrigue repose sur la figure de Batman. Or, celle-ci est née de l’expérience de Wayne avec la Ligue des Ombres. Batman est l’aboutissement de l’initiation de Wayne. Batman n’a donc pas germé dans l’esprit de Bruce Wayne à cause de la mort de ses parents.
Le rite initiatique dispensé par la Ligue n’aurait pas eu lieu si Henri Ducard, le mystérieux étranger, ne s’était pas présenté à la prison où était détenu Wayne.
Ducard caractérise donc le véritable incident déclencheur qui bouleversera le cours de la vie de Wayne pour en faire le héros que nous connaissons.
Il est probable, cependant, que Wayne aurait été moins réceptif à la proposition de Ducard si ses parents n’avaient pas été assassinés.
Les flashbacks du passé de Wayne qui ponctuent le premier acte aident alors à forger la décision de Wayne de rejoindre la Ligue. Ils facilitent ainsi en la légitimant la survenue de l’incident déclencheur.
Motiver les éléments dramatiques qui émaillent une histoire est une habitude à prendre et l’incident déclencheur, élément dramatique de première importance, n’échappe pas à cette règle.
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