Vous avez une prémisse. Vous avez une idée plus ou moins précise du thème (en fait, celui-ci apparaîtra assez tardivement dans le processus d’écriture). Maintenant vous devez construire un pont entre la prémisse et le thème (qui s’exprimera sans retenue au moment du climax, c’est-à-dire le moment qui précède le dénouement).
Ce pont sera constitué d’événements. Ces événements ne sont pas erratiques. Ils ne sont pas posés là dans l’histoire sans une raison valable. En fait, chacun d’entre eux représente un aspect du thème.
Pour faciliter les choses, on peut considérer qu’un thème présente une dualité. Il serait composé de deux éléments de nature différente, chacun portant soit une valeur positive, soit une valeur négative.
Comme votre histoire ne cherche pas à faire de propagande, il est judicieux de pouvoir exprimer chacun de ces aspects sans parti-pris. Au moment du climax, le thème donnera alors au lecteur et à la lectrice le point de vue de l’autrice et de l’auteur.
Ces événements font écho aux contradictions que présuppose un thème. Séquence après séquence, ou bien scène après scène, les deux aspects d’un thème débattent à tour de rôle. Ils ne sont d’ailleurs jamais présents au cours de la même scène ou de la même séquence.
Un débat ordonné
A tour de rôle, l’idée positive et l’idée négative que véhicule le thème sont exposées. Et sans que l’auteur ou l’autrice ne marque l’une d’elles d’une passion exagérée qui trahirait la réponse à la question dramatique qu’il ou elle donnera au moment du climax.
Ce qu’il faut comprendre est que la succession des événements décrivant chacun un point de vue crée une sorte de mouvement dialectique qui aboutira à la résolution donnée par le climax. On est très proche de la forme thèse, antithèse, synthèse de Hegel. Mais dans la fiction, c’est un peu différent.
Deux idées sont juxtaposées et du frottement (ou de la dynamique) qui se crée entre elles débouche quelque chose d’autre. Et ce quelque chose d’autre, c’est l’autrice et l’auteur qui le décident.
Quant au lecteur/spectateur, il ne fait que recevoir ce que cet auteur ou cette autrice lui confie. On pourrait dénoter une certaine passivité de la part du lecteur/spectateur. Certes.. Mais celle-ci sera compensée par l’investissement émotionnel de celui-ci auprès du personnage principal.
Une alternance
Dans un thriller par exemple, la séquence d’ouverture démontre l’aspect négatif de l’idée telle que le crime paie parce que les criminels sont brillants ou impitoyables. Il semble donc qu’on puisse commettre des actes immoraux dans une société qui serait trop permissive pour les contrer.
C’est la première impression qui nous est donnée et Robert McKee cite Vertigo ou Piège de cristal.
Puis la séquence suivante vient contredire cette première assertion en affirmant que le crime ne paie pas parce que le protagoniste de l’histoire est encore plus brillant ou plus impitoyable.
Ce peut être la découverte d’un indice qui fragilisera l’apparente impunité des criminels. Comme si la justice reprenait ses droits comme pilier de la communauté. Ou bien comme si la société elle-même redressait ses propres dérives ou apaisait ses propres peurs.
Mais cet instrument de justice que représente le protagoniste peut être amené à soupçonner la mauvaise personne. Et la première assertion (le crime paie) revient en force insidieusement légitime. L’opinion publique, trop souvent erronée, désigne toujours les plus faibles et rarement les puissants de ce monde qui savent si bien la manipuler. Il semble que cette affirmation que le crime paie soit la vérité d’une société aux masses endormies entre les rouages d’une machine qui les dépasse.
McKee cite Adieu ma jolie de David Zelag Goodman, d’après un roman de Raymond Chandler où chaque piste que suit Marlow le conduit à plus de tromperies et de mensonges.
Cependant, le héros découvrira la véritable identité du criminel et la divulguera au monde parce que le crime ne paie pas. C’est une valeur positive que de dénoncer les agissements criminels d’individus au risque de sa propre vie.
Mais l’antagoniste ne l’entend pas ainsi. Il fera tout pour faire taire le protagoniste et sera sur le point d’y parvenir. Le héros ou l’héroïne connaissent alors une crise majeure (c’est un moment structurel que devrait posséder tout récit d’une fiction).
Au cours de cette crise et quelle que soit la force du protagoniste, il semble qu’il a affaire à plus fort que lui et que quoi qu’il fasse, il ne peut l’emporter sur un certain déterminisme (valeur négative du thème).
On assiste alors à quelque chose qui ressemble à une véritable résurrection. L’héroïne et le héros se redressent et font face à l’adversité. C’est la révolte de l’individu.
Le climax
Ainsi, deux aspects d’une même idée (que l’on peut considérer comme positif et négatif ou que l’on pourrait relier par n’importe quelle relation) alternent tout au long de l’histoire montant en intensité jusqu’à la crise majeure pour le héros ou l’héroïne qui aboutit logiquement au climax, c’est-à-dire le moment de vérité où sera révélé le message de l’auteur (sa vérité qu’il tente de communiquer au lecteur/spectateur).
Pour Robert McKee, le climax est l’action qui assoit définitivement le thème, c’est-à-dire la pure signification de l’histoire.
L’argument de l’auteur et de l’autrice n’est pas présenté unilatéralement. C’est comme s’ils entretenaient un véritable débat avec le lecteur/spectateur tentant de le convaincre de son point de vue particulier sur le monde à travers son récit.
Pour dialoguer avec le lecteur/spectateur, ils mettront en place cette dynamique qui propose à tour de rôle une idée et en quelque sorte une nuance à celle-ci qui n’est pas nécessairement contradictoire (ce qui présente le risque d’anéantir l’idée elle-même).
Comme dans Mélodie pour un meurtre de Richard Price où la justice et l’amour cherche un équilibre qu’ils ont bien du mal à trouver.
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