POURQUOI DES SEQUENCES ?

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Un des grands challenges du travail d’écriture est de maintenir l’engagement émotionnel de son lecteur de la page 1 jusqu’à la dernière page (soit entre les pages 90 et 120, en général).
Les 10 ou 15 premières pages sont habituellement assez rapidement écrites mais lorsque le scénario commence à s’étendre, il devient de plus en plus difficile de conserver une vue d’ensemble de son histoire tout en concevant les scènes individuelles qui la composent.

Une histoire se divise en actes, habituellement 3 de nos jours, qui correspondent au setup (c’est-à-dire la mise en place du contexte), au développement et à la résolution.
Cette structure narrative permet à un auteur de diviser l’immensité des 120 pages de son scénario en parties plus digestes qui peuvent être abordées individuellement sans que l’auteur soit nécessairement conscient du Tout qu’est son histoire, sachant que le Tout n’est pas égale à la somme des parties qui le compose ( nous dit Aristote).

Il est admis que pour un scénario de 120 pages (soit s’il est bien formaté, environ 120 minutes de film), le premier acte correspond aux 30 premières pages, le second acte (le cœur de votre récit, son intrigue) contient les 60 pages suivantes et l’acte trois occupe les 30 dernières pages. C’est arbitraire mais cela balise un peu le chemin.
Pour la plupart des auteurs, ce sont les 60 pages de l’intrigue qui présentent le plus de difficultés. C’est apparemment une véritable descente aux Enfers faite d’impasses, de choix multiples et de sables mouvants desquels l’auteur ne peut dégager son histoire.

L’utilisation des séquences, cependant, est un puissant outil. 120 pages de scénario sont généralement décomposées en séquences de 8 à 15 pages qui ont chacune leur propre structure.
Chaque séquence a son protagoniste, de la tension, une rising action (c’est-à-dire que l’action monte progressivement en intensité) et une résolution comme s’il s’agissait à chaque fois d’une histoire complète.

Les conflits et les problèmes décrits dans une séquence sont partiellement résolus à l’intérieur de la séquence et lorsqu’ils le sont, ils débouchent généralement sur de nouveaux problèmes et conflits qui à leur tour deviennent le sujet d’une nouvelle séquence.
Ce lien de causalité est par ailleurs un dispositif dramatique essentiel dans la construction de votre intrigue. En effet, chaque nouveau conflit est la conséquence d’un conflit antérieur et est plus difficile à résoudre que le précédent (c' »est une illustration de la rising action).

D’où vient ce concept des séquences ? Dans les premiers temps du cinéma, les films étaient distribués sur des bobines de 8 à 10 minutes de film. Il fut demandé aux auteurs d’utiliser une structure narrative qui respecterait la capacité des bobines. Comme un film arrivait en général en 8 bobines, les auteurs créèrent alors 8 séquences narratives pour faire en sorte que chaque bobine ait sa propre intégrité. De 1913 à 1920, les films étaient même présentés au public comme les séries TV que l’on connait aujourd’hui.

Puis, à partir des années 1920, les cinémas s’équipèrent de deux projecteurs rendant caduque la nécessité d’écrire pour chaque bobine mais la structure persista. A partir de l’avènement du parlant (en 1927), les auteurs essentiellement issus du théâtre proposèrent des récits en trois actes à partir de l’enseignement de Aristote.
Le résultat fut une structure en 8 séquences mariées en trois actes.

Frank Daniel suggéra alors que d’utiliser des séquences de 8 à 15 minutes (soit entre 8 et 15 pages du scénario) était un bon outil pour agencer et écrire une histoire. Il y a aussi une raison importante à découper un récit en 8 séquences. Cette raison a tout à voir avec le lecteur. La fonction d’une histoire est d’engager émotionnellement un lecteur de la première à la dernière page tout en ne provoquant pas chez lui de l’ennui (et au bout de cela, de la frustration).
Lutter contre l’ennui de son lecteur est la première tâche que doit accomplir un auteur. Il lui sera alors plus facile de le faire en maintenant l’attention du lecteur sur des séquences de 8 ou 10 jusqu’à 15 pages.

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