Nous débutons le sous-groupe Les idéaux. Nous commencerons avec les situations 897 à 916. Comprenez bien que pour William Wallace Cook, l’auteur de PLOTTO, il existe toujours deux aspects dans un concept. Il nous vient naturellement quelque chose de positif sur la notion d’idéal. Chez Cook, cela peut être effectivement une bonne chose mais poursuivre un idéal peut être aussi une malédiction.
Par ailleurs, il faut nuancer la notion d’idéal comme un mode d’être, non pas tant un point de vue particulier sur le monde mais une façon singulière de le vivre.
Pour la liste des situations, je vous renvoie à :
PLOTTO, MÉTHODE DE SUGGESTIONS D’INTRIGUE
Groupe : Activité & Vie sociale
Sous-groupe : Les idéaux
Proposition B
21, Se retrouver en situation difficile à cause d’une erreur de jugement ou un mauvais choix.
Situation : 897
Préquelles possibles : 618 – 954 – 1094
- Pour A, la solitude est un idéal. Mais il a de nombreux amis ou soi-disant amis
[C’est une quête de soi. Ce n’est pas que A se sente mal à l’aise en public. Il n’est pas agoraphobe. Mais il se sent obligé par sa persona, par l’image qu’il renvoie de lui-même aux autres.
Et il sent bien que ce n’est pas vraiment lui qui se tient là au milieu de tous les autres. Son besoin pressant de solitude devrait lui permettre de reconnaître enfin qui il est vraiment. Cette reconnaissance est mis en œuvre par le principe de l’anagnorisis, c’est-à-dire la reconnaissance tardive de sa véritable identité. C’est un principe appliqué régulièrement en littérature]
[Séquelles possibles (concernant cette recherche de solitude) : Chronologiquement [(865 suivie de 664)] – 689 – 690] - * A est quelqu’un de très populaire. Si populaire qu’il éprouve soudain un énorme besoin de solitude. Il s’isole donc du monde mais très rapidement, il en vient à regretter ce temps où il était adulé. S’installe alors en lui un dilemme entre le désir de solitude dont il croit avoir besoin pour se ressourcer (c’est son idéal) et les clameurs de la foule qui le vénérait **
Séquelles possibles : 682 – 900
Situation : 898
Préquelles possibles : (106 …*) – 492a
- A cherche toujours à être le leader. C’est son credo mais aussi ce qui le rend singulièrement égoïste
[Autrement dit, en voulant rassembler autour de sa personne, A ne rencontre que le néant] - * A est un être indifférent à tout. Ainsi, il se protège. Il ne se soucie pas des autres, ni même de la mort de ses proches pour lesquels il ne verse aucune larme. Pour A, il s’agit d’une forme de sagesse qui devrait lui permettre d’atteindre à la félicité. Mais il se rend compte qu’il ne fait aucun progrès vers ce bonheur qu’il désire tant. Son idéal de vie est alors sérieusement perturbé depuis qu’il s’est aperçu être considéré comme un monstre par les autres **
Séquelles possibles : (106 *…**) – 307 – 372 – 597 – 632 – 661 – 698 – 918b
Note : Le personnage de A dans la seconde alternative me fait penser à Meursault, le héros de L’étranger d’Albert Camus.
Notez aussi que c’est la prise de conscience de l’opinion d’autrui qui lui fait comprendre son erreur.
Situation : 899
Préquelles possibles : 99 – 902
- Riche, toujours plus riche, voilà ce qui rend heureux A
- * A dilapide toute sa fortune en choses insignifiantes **
Séquelles possibles : 322b – 377b – 747
Note : A pourrait se contenter d’être riche ou du moins de maintenir la position sociale que lui procure sa richesse. Son problème est qu’il est un insatisfait et qu’il lui en faut toujours plus. C’est une soif inextinguible. L’idée qui sous-tend l’intrigue et qu’énonce la proposition B, c’est que c’est un mauvais choix de vie. Se croyant libre en amassant toujours plus de richesse, son cœur s’assèche. Son obsession fait le vide autour de lui et cette solitude forcée va le faire réfléchir, du moins il se rendra capable de remettre en question cet idéal.
L’intérêt d’un tel personnage est qu’il n’est pas un stéréotype. Au contraire, c’est un être complexe qui va se donner le moyen de changer par l’introspection. Acculé à la solitude, cette expérience lui fera comprendre à quel point il est malheureux. C’est certainement un cliché que l’argent ne fait pas le bonheur et c’est bien pour l’éviter qu’il faut démontrer que ce n’est pas sa richesse qui est la cause de ses tourments (d’ailleurs, elle ajoute à son bonheur) mais le fait qu’il en veut toujours plus. C’est ce défaut, cette faille dans sa personnalité qu’il faut corriger afin qu’il devienne un être meilleur (un être riche certes, mais meilleur).
Dans la seconde possibilité, les choses insignifiantes sont une autre façon de l’indifférence dont fait montre A. En somme, Cook nous dit que la richesse est le mal. Mais ce mal est ingénieux puisqu’il va faire de A le même être que ceux qu’il méprisait du haut de sa tour d’ivoire.
Situation : 900
Préquelles possibles : 1330 – 1350
- L’imagination de A l’entraîne en des contrées lointaines et pleines d’aventures. Mais, soudain, les aventures deviennent réelles
- * A fait tout pour se sentir heureux et bien que cela semble lui réussir, il a toujours cette impression qu’il lui manque quelque chose, quelque chose en lui-même **
Séquelles possibles : 150 – 634 – 1348a
Situation : 901
Préquelles possibles : Chronologiquement [687 puis 244] – 878a – 937
- A est si imbu de lui-même qu’il pense que son modèle de vie est un exemple que doive suivre les autres
[Lorsqu’un individu s’arroge un droit despotique, c’est le genre de situation à laquelle nous pourrions aboutir] - * A n’en peut plus de la vie dans les grandes villes et fait le choix de s’installer à la campagne où il rencontrera la femme de sa vie
[Toute l’intrigue consistera en l’adaptation de A à sa nouvelle vie et il y parviendra puisque l’amour sera sa récompense] **
Séquelles possibles : 682 – 922b
Situation : 902
Préquelles possibles : 675 – 718b – 913 – 991 – 1079 – 1124 – 1148 – 1150
A a une passion pour le jeu (au choix de l’auteur) et celle-ci l’absorbe tant qu’il en néglige les choses importantes de sa vie qui exige une attention immédiate de sa part. Les conséquences de cette addiction seront désastreuses pour A
Séquelles possibles : 620 – 629 – 753 – 957b
Situation : 903
Préquelles possibles : 850a – 1143b
- A est un artiste et son idéal est d’atteindre à la perfection
[Or l’homme est un être imparfait. En tant qu’artiste, il cherche désespérément à atteindre cet idéal. C’est dans cette contradiction que l’on peut tenter de déployer une telle intrigue] - * A est un peintre qui doit faire le portrait de B. Mais saisissant l’essence du personnage de B, le portrait qu’il en fait est cruel à l’image de la vraie nature de B **
Séquelles possibles : Chronologiquement [1143b suivie de 1386b puis de 1408] – 1386b
Situation : 904
Préquelles possibles : 197 – 244
A est un garçon sophistiqué, issu d’une classe sociale fortement balisée. Il rencontre B lors d’un séjour à la campagne. B est une fille simple, aimant la nature. Tout apparemment les sépare et pourtant, ils se sentent irrésistiblement attirés l’un par l’autre
Séquelles possibles : 347a – 901
Note : L’idéal, ici, est le retour à la nature.
Situation : 905
Préquelles possibles : Chronologiquement [656 puis 927] – 768
Cela fait plusieurs générations que la famille de A est connue pour ses actes de bienfaisance. Et A ne déroge pas à la tradition. Seulement, la fortune de A n’est plus mais A continue par son ingéniosité, par des sacrifices poignants, par des stratagèmes divers et parfois douloureux à donner à ceux qui sont dans la nécessité
Séquelles possibles : 628 – 1213
Note : On peut appuyer par contraste entre la générosité sincère de A et les approches fourbes de certains personnages cherchant à lui soutirer de l’argent que A n’a pas d’ailleurs.
Situation : 906
Préquelles possibles : (157 si l’on change A-3 par A-2) – 836 – 838
- A découvre que son ami A-2 est couvert de dettes
[Et A ne peut laisser son ami dans les ennuis. Il va donc faire le choix de l’aider à sortir de sa situation financière catastrophique. En quoi pouvons-nous rattacher cette décision à la proposition B ? Parce que l’ami en question est indécrottable. Ce n’est pas l’attitude de A qui est critiquée ici. Au contraire, elle serait louée devant le comportement aberrant de l’ami A-2 incapable de comprendre la seconde chance qui lui est offerte.
Les tribulations de A (parce que A s’engage véritablement dans l’aventure, dans l’aide apportée qui a quelque chose de sacrificielle en soi) formeront alors le corps de l’intrigue] - * A-2 a d’importantes responsabilités. Au contraire, A fuit les responsabilités. Mais, d’aventure, A se verra contraint de faire montre d’une maturité surprenante dans ses décisions **
Séquelles possibles : (80a si l’on change A-3 par A-2) – 603b, c ou d – 807 – 841
Note : Dans la seconde possibilité, les tribulations de A au cours de l’intrigue proviennent de son manque d’expériences dans la prise de décisions. Pourtant A est parfaitement capable de faire des choix qui orienteront sa vie ou celle d’autrui. Il s’y était refusé jusqu’à présent.
Ce que dit cette intrigue, c’est qu’il ne faut pas lutter contre sa propre nature qui est alors perçue comme une frayeur. A devra vaincre cette peur qui l’empêche d’avancer dans sa vie et adopter enfin ce mode d’être qui pourra lui donner un sens véritable à son existence. Ici, l’idéal est confondu avec l’aspiration à vivre la vie pour laquelle on est fait.
Situation : 907
Préquelles possibles : 918a – 922a
- Parce que A ne peut atteindre cet idéal qui devrait lui apporter la félicité abandonne tout espoir
- * A s’est persuadé qu’il n’atteindra jamais le bonheur. Mais il est déjà heureux
[Le bonheur est spécifique à chaque personnage. Posséder la maison de ses rêves, ou encore atteindre l’âge de la retraite ou bien s’isoler du monde par une vie de reclus sont des formes de bonheur.
Si A se laisse envahir par le désespoir, c’est parce qu’il ne comprend pas que cette quête ardente, ce désir profond d’un idéal est l’idéal. La possession tue le désir. Tendre vers un idéal, c’est lui donner une existence] **
Séquelles possibles : 943a – 944
Note : Dans la première alternative, William Wallace Cook est plus radical car pour lui, A ne survit pas à son échec. J’ai préféré employer le thème de l’abandon qui, à mon avis, illustre peut-être plus poétiquement le désespoir lorsque nous ne pouvons plus imaginer notre futur, lorsque plus rien ne nous est offert, lorsque nous n’avons plus rien à saisir et que le néant s’empare et de notre âme et de notre corps.
Pour Cook, l’idéal ne se situe ni dans le passé, ni dans le présent. On ne regrette pas un idéal, on ne le vit pas non plus. S’il existe un idéal, c’est nécessairement quelque chose que nous devons gagner. C’est quelque chose à laquelle nous devons parvenir. Et c’est ce qui donnera son élan à une intrigue.
On pourrait m’objecter que sur un plan spirituel, l’espérance d’une autre vie après notre mort est ce que nous vivons au quotidien et que nous expérimentons par la pratique d’activités telles que les cérémonies ou des actes de dévotion (ou même de bienfaisance comme nous l’avons vu dans quelques situations précédentes car l’amour véritable de son prochain est une forme de perfection ou de vertu qui nous rapproche du divin). Je répondrai seulement que espérance et idéal sont synonymes. Nos actes sont le moyen de parvenir à cet idéal. Ils ne sont pas l’idéal, ni l’espérance.
Situation : 908
Préquelles possibles : (65 …*) – 372 – 585b
B s’est réfugiée dans l’égoïsme, les choses matérielles et a endurci son cœur face aux réalités terribles du monde extérieur. Pourtant, elle s’étonne ou se demande pourquoi elle n’est pas heureuse ou ne parvient pas à se contenter de sa vie
Séquelles possibles : (65 *…**) – 310 – 505
Note : En fait, ce qu’il manque à B, c’est l’amour. La description de son quotidien, lorsqu’elle est présentée au lecteur dans l’acte Un, traduit cette incomplétude de son être.
Situation : 909
Préquelles possibles : 649 – (628 si l’on change A par BR-B) – 977a ou b
- BR-B, le frère de B, s’est lancé dans un projet méprisable ou honteux. B ressent fortement cette indignité comme contraire à ses propres valeurs. Elle va donc tenter de l’en empêcher et cause indirectement la mort de BR-B
[Et la culpabilité vient se greffer dans l’équation] - * B est la victime de ses propres idéaux **
Séquelles possibles : William Wallace Cook envisage la mort dans cette situation et comme à son habitude, la mort est une fin en soi, il n’y a pas de séquelles.
Note : Dans la seconde possibilité, William Wallace Cook semble nous dire que la mort (littérale ou symbolique) serait la seule issue possible d’une quête impossible.
Groupe : Activité & Vie sociale
Sous-groupe : Les idéaux
Proposition B
31, Vivre une vie solitaire et triste et chercher à ne plus être seul.
Situation : 910
Préquelles possibles : (736 si l’on change B par D-A) – (1105 si l’on change B par D-A)
- A, le père de D-A, est heureux en se considérant comme un copain de sa fille. Il pense qu’ainsi D-A sera elle aussi heureuse
- * A, le père, est de la vieille école. Sa fille, D-A, est résolument dans son temps **
Séquelles possibles : (1067 si l’on change B par D-A) – (1151 si l’on change B par D-A)
Note : Le problème de la première alternative est que D-A a davantage besoin d’un père que d’un copain. La proposition B laisse entendre soit que le père est séparé, soit que la femme de A et la mère de D-A est morte. Le personnage qui doit changer d’approche dans sa relation est A. On peut supposer que A n’a pas fait le deuil de sa femme (qu’il s’agisse d’une séparation ou d’un décès). Il nie alors sa responsabilité de père envers D-A. La solution pour A est qu’il parvienne à faire le deuil de sa femme. Mais qu’il réussisse ou non, c’est l’effort vers cette prise de conscience que l’histoire contera.
Dans la seconde possibilité, tout le sel de cette intrigue réside dans la confrontation entre le père et la fille. Cela promet quelques moments savoureux car il n’y a pas de haine entre eux. Au contraire.
Situation : 911
Préquelles possibles : 698 – 914 – Chronologiquement [914 suivie de 918a]
A est un solitaire. Le hasard lui fait rencontrer CH, un enfant. Sans qu’il puisse se l’expliquer, A aime passer du temps avec l’enfant. Mais sans non plus pouvoir le comprendre, il trouve très difficile de réaliser son désir d’être auprès de CH
Séquelles possibles : 912a – 842a ou b – Chronologiquement [922a suivie de 923]
Situation : 912a
Préquelles possibles : 695a – 695b
A est vieux et laid. C’est un être seul qui s’ennuie profondément. Il aspire à connaître une véritable amitié, une véritable complicité avec quelqu’un avec lequel il pourrait passer un peu de temps. Mais personne ne lui prête attention
Séquelles possibles : (735 si l’on transpose A et A-8) – 762 – 911 – 1059
Situation : 912b
Préquelles possibles : 1311 – 1314
A se réconcilie avec son ennemi de toujours A-3 lorsque A-3 lui rend un service
Séquelles possibles : (815a si l’on change A par A-3 et A-4 par A) – (829 si l’on change A-3 par A-8 et B par A-3)
Situation : 913
Préquelles possibles : 379 – (457 si l’on change A par A-2)
A et A-2 trompent leur ennui mutuel dans des jeux enfantins
Séquelles possibles : (157 si l’on change A-3 par A-2) – 603b, c ou d – 807 – 820 – 981 – 1007 – 1035
Note : Les quelques situations que nous venons d’énumérer, sous couvert de comedia del arte, cache une triste réalité.
Situation : 914
Préquelles possibles : (817 si l’on change B par CH) – 911
- A est un briseur de grève et il prend cela comme un jeu
- * La vie de A sera complètement bouleversée lorsqu’il devra s’occuper d’un bébé inattendu CH **
Séquelles possibles : 847 – 963 – 1087
Note : Il faut comprendre que la vie actuelle de A (soit briseur de grève, soit ignorant tout des enfants) n’est pas la vie qu’il souhaite. Mais il ignore encore ce à quoi il aspire. Il fera donc une expérience nouvelle laissée au libre choix de l’auteur dans la première possibilité. Dans la seconde, c’est ce bébé inattendu qui sera le facteur du changement chez A.
Situation : 915
Préquelles possibles : 623 – 1186 – 1282
- Face à la pression de l’opinion après un acte de transgression, A se voit obligé de fuir
[William Wallace Cook avait été plus général en écrivant cette situation car pour lui, A fuyait les conséquences d’une transgression qu’il aurait commise. J’ai tenté en fait être plus général encore car l’impact des conséquences se lit dans le regard des autres. Ce que A fuit, ce sont les autres. D’autres situations pourraient vouloir être plus spécifiques en déclarant que ce que A fuit, c’est lui-même. Et pour raccrocher au sous-groupe, en échappant à un univers qui l’a en fait toujours rejeté, A va à la rencontre de son véritable moi] - * En fuite loin de chez lui, A a le mal du pays et ne peut résister à y retourner **
Séquelles possibles : 237 – 635 – Chronologiquement [635 puis 708] – 864 – 1199 – 1209a
Note : La seconde possibilité est l’inverse de la première. Dans la première alternative, A s’enfuit de chez lui pour chercher à donner un sens à son existence et dans la seconde, il a laissé sa véritable nature derrière lui. La seconde possibilité montre un déchirement. A a besoin de recoller les morceaux en quelque sorte.
Situation : 916
Préquelles possibles : 60 – 816b
B vit dans un lieu où il se passe peu de choses et elle aspire à plus d’agitation
Séquelles possibles : 88 – 143 – 414 – 694 – 765 -844a
Le prochain article portera sur les situations 917 à 931.