PERSONNAGE & MÉCANISMES DE DÉFENSE

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Les mécanismes de défense tels que la rationalisation qui permet de justifier après coup un comportement, une décision ou un jugement sont des phénomènes psychiques censés défendre notre moi (ou notre je).

Un personnage est capable de mettre en place de tels mécanismes. Ce sont des processus simples ou sophistiqués que notre esprit traverse pour se protéger des détresses morales ou de sentiments qui nous rendent mal à l’aise.
Il existe des réponses simples tel que fuir devant un danger. Néanmoins les mécanismes de défense que nous envisageons dans cet article sont moins extérieurs.
Ils sont moins manifestes.

La projection

La projection désigne une opération mentale et inconsciente qui consiste à projeter sur autrui ses propres sentiments.
Cette projection a lieu lorsque nous nous sentons inconfortable de posséder de tels sentiments.

Globalement, une projection consiste à attribuer à autrui une pulsion inconsciente et pénible. Et puisqu’il s’agit d’une défense, cette projection est habituellement négative. Le processus consiste à défendre le moi individuel en lui faisant croire que le désir ou la motivation négatifs ne lui appartiennent pas en propre.
Le moi choisit donc un autre que lui qu’il considère comme moralement inférieur. Même si ce jugement est erroné.

Dans Le trésor de la Sierra Madre de John Huston, d’après le roman de B. Traven (en 1948), la fièvre de l’or s’empare de Dobbs qui se persuade que ses deux compagnons ont planifié de le dépouiller de sa part.
Néanmoins, c’est Dobbs lui-même qui possède cette pulsion néfaste de garder la totalité du trésor. Mais il ne peut accepter cet instinct et en le projetant sur ses partenaires, il pense conserver une conscience claire de la situation.

La projection peut aussi être utilisée pour décrire les dynamiques qui se jouent dans le cadre familial. Dans les relations parents/enfants, le lecteur peut se reconnaître dans l’un ou l’autre des personnages.
Avec les parents, par exemple, qui veulent le meilleur pour leur progéniture. Même si les parents ne parviennent pas à réaliser qu’ils projettent sur leurs enfants leurs propres rêves qu’ils n’ont su accomplir dans leurs vies.

Mais aussi avec les enfants dont il est tout à fait compréhensible qu’ils veulent suivre leurs propres voies dans leurs vies. Cette dynamique relationnelle qui existe ainsi entre les enfants et les parents est source de tension dramatique fort utile pour l’auteur.
Qui peut ainsi illustrer des ruptures irréparables.

Le déni

Le déni consiste à rejeter complètement une pensée ou un sentiment.

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La régression

L’enfance est un temps où nous sommes soumis à moins d’obligations, à moins de responsabilités. Et nos comportements souffrent de moins de restrictions. La régression à un état infantile est un moyen de nous soulager de l’anxiété, de la pression et des angoisses de l’âge adulte.

Le lecteur est très sensible à voir un personnage adopter un comportement régressif.
Dont il éprouve les effets par personnage interposé.
Dans la fiction, le personnage a souvent recours à un artifice (une drogue par exemple) pour atteindre à cet état.
Dans Les copains d’abord de Barbara Benedek et Lawrence Kasdan, 8 amis du temps de leurs universités se réunissent en mémoire de l’un d’entre eux qui a mis fin à ses jours.
Par le cannabis, ils vont régresser jusqu’à leur adolescence. Cela leur permettra de relâcher leurs inhibitions et même jusqu’à satisfaire certains de leurs désirs les plus refoulés.

Woody Allen a traité lui aussi très souvent de la régression dans le motif de l’obsession avec un amant ou un être aimé plus jeune (Manhattan, Alice ou encore Maris et Femmes).

Le déplacement

Le déplacement est souvent une association. Il intervient dans les phobies afin de circonscrire l’angoisse.
Dans Chute libre de Ebbe Roe Smith,  William Foster est submergé par la rage. Il est divorcé de sa femme, ne voit plus sa fille, est viré de son boulot et se sent coincé dans un environnement urbain qui malgré les apparences est un vrai désert social.

Pas étonnant que Foster craque et qu’il déplace sa fureur sur tous ceux qui croiseront son chemin. Le déplacement est une redirection de pulsions sexuelles ou agressives vers un exutoire alternatif.
Pour évacuer cette énergie négative, nous pouvons la retourner contre nous-mêmes. Et cela crée une névrose.

Ou comme William Foster, nous la déplaçons sur quelqu’un d’autre. Cet exutoire est possible parce que la victime de ce déplacement ne peut pas répliquer ou créer d’autres conflits.
Ce que ne fait pas un partenaire dans la vie ou bien son supérieur hiérarchique.

Ces mécanismes de défense sont autant de traits de la personnalité du personnage. Ils constituent des réactions aux événements de l’intrigue. Par contre, ces réactions peuvent permettre de faire avancer l’intrigue en créant des désaccords entre les personnages qui emmènent alors l’histoire dans une autre direction.

Dans La poursuite infernale de Samuel G. Engel et Winston Miller, Doc Holliday est un personnage sombre et tragique. Ancien médecin respectable, il est tombé dans une sorte de disgrâce en devenant alcoolique et propriétaire du saloon.
Ce saloon est crucial dans la définition de la personnalité du Doc et est à l’image du mépris qu’il éprouve envers lui-même et de la honte qu’il ressent au regard des autres.

Chihuahua, la showgirl du saloon, est amoureuse du Doc. Elle est toujours à ses côtés malgré le fait qu’elle soit toujours un exutoire pour le Doc qui la maltraite.
Le Doc déplace toute sa colère et tout ce mépris de lui-même sur Chihuahua.

Habituellement, le déplacement lorsqu’il fait parti des traits de caractère d’un personnage aboutit à une rupture, une séparation irréversible entre deux personnages. Chihuaha, par exemple, finit par quitter le Doc.
Notez aussi que ces mécanismes de défense ne sont pas des motifs d’intrigue. Ils entrent dans la personnalité des personnages, aident au développement de ceux-ci (à travers leurs arcs dramatiques) et sont un moyen pour l’auteur de faire progresser son intrigue.

La sublimation

La sublimation consiste à déplacer des sentiments inacceptables en choses socialement plus valorisées. Freud pensait que les activités humaines les plus remarquables (en particulier les activités artistiques dont la littérature) étaient le produit de la sublimation, c’est-à-dire le processus qui consiste à canaliser la libido (la pulsion sexuelle) vers des activités productives et artistiques.

Chez un personnage, la sublimation est invoquée lorsque l’activité de celui-ci est toute motivée par la passion.
Dans Les épices de la passion de  Laura Esquivel, d’après son roman, par exemple, Tita exprime ses sentiments pour Pedro à travers la préparation de plats épicés.
On découvre aussi cette sublimation se manifestant différemment chez Van Gogh ou Jack La Motta (Raging Bull).

L’amour, la haine, l’agressivité et le sexe sont des pulsions fondamentales de notre comportement psychique et sont facilement reconnaissables par le lecteur. Ces pulsions chargent un personnage avec force et énergie.
La puissance de l’amour devient ainsi un élément dramatique capable de faire faire au personnage des choses dont il ne se savait même pas capable.

Pour rendre l’action crédible, celle-ci doit s’ancrer fermement dans les motivations du personnage. Et le pouvoir de la sublimation peut permettre de rendre plausible des exploits incroyables comme Superman qui, par amour pour Lois, peut réussir l’exploit incroyable d’inverser le temps pour la ressusciter.

Le refoulement

Le refoulement est un mécanisme de défense à la fois simple et compliqué. Il apparaît que le conflit névrotique surgirait lorsque l’énergie de la libido est bloquée par la culpabilité.
Le refoulement consiste à se saisir du désir initial et à l’enterrer profondément dans l’inconscient.

En refoulant la pulsion initiale énergisée par la libido, nous amenuisons le conflit potentiel.
Dans Les vestiges du jour, James Stevens fait passer avant tout sa fonction de majordome et la dignité qu’elle lui accorde. Ainsi, il refoule constamment son désir pour Miss Kenton.

Nous pouvons comprendre ses sentiments envers Miss Kenton, mais le refoulement fonctionne si puissamment chez James que l’on en vient à douter s’il les éprouve vraiment.
Le refoulement, comme tous les mécanismes de défense, n’est cependant qu’un palliatif. Et à chaque fois que l’objet du désir est de nouveau présent, l’énergie refoulée de la libido remonte à la surface.
Et le processus doit être renouvelé.

En fin de compte, le refoulement devient un handicap parce qu’il ne permet pas d’exprimer ce que l’on ressent.
Après des années de séparation, l’amour de Stevens pour Miss Kenton est toujours aussi vif mais il est incapable de libérer ses sentiments refoulés et de lui exprimer son amour.

Néanmoins, après des années de refoulement, il est encore possible, contrairement à Stevens, de s’affranchir et de briser les chaines qui nous retiennent.
Nous parvenons alors à nous purger d’émotions intenses. C’est une catharsis comme l’entendait Aristote.

Par ailleurs, créer un tel refoulement chez un personnage permet d’ajouter de la tension dramatique et du suspense dans l’intrigue. Cette tension peut être résolue simplement sans être particulièrement violente.
Un geste de la main vers l’autre (objet du désir refoulé) peut servir pour élucider ce problème du refoulement chez un personnage et clore son arc dramatique.

Le développement du personnage

Les quelques mécanismes de défense que nous avons étudiés sont utiles pour un auteur pour l’aider à développer ses personnages. Le principe de l’arc dramatique consiste pour un personnage à changer. Ainsi, s’il parvient à se dépouiller d’un mécanisme de défense qui bloque son évolution, son arc dramatique sera accompli.

Un personnage par exemple pourrait avoir besoin de ne plus dénier ou de déplacer et d’accepter enfin les responsabilités de ses actes. Il pourrait vouloir cesser de régresser en reproduisant constamment les mêmes choix, les mêmes comportements et tenter quelque chose de nouveau.

Il pourrait vouloir lutter contre une formation réactionnelle. La formation réactionnelle désigne une attitude de sens opposé à un désir refoulé comme faire preuve d’une pudeur excessive contre une tendance exhibitionniste par exemple.
Dans The crying game, Fergus finit par admettre à Dil qu’il est dans sa nature d’avoir pris la responsabilité de l’acte de Dil signifiant aussi par là l’attirance qu’il éprouve envers Dil (un attrait qu’il avait toujours refoulé et traduit concrètement dans une attitude contraire).


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