L’expérience émotionnelle doit être recherchée chez le lecteur. Il partagera par une étrange alchimie celle qu’éprouve vos personnages.
Une alchimie, certes, mais pas si étrange que cela. C’est un outil dramatique qui aide à communiquer la qualité et la profondeur des sentiments des personnages à travers leurs pensées, le langage de leurs corps et des réactions viscérales. Ensuite, la magie opère grâce à un processus d’identification très proche de l’empathie.
Les expériences que vivent vos personnages résonnent plus ou moins consciemment chez le lecteur. L’idée est donc de ferrer le lecteur en le soumettant à une intensité émotionnelle telle qu’il ne pourra détourner son regard des personnages.
Afin de rendre vos personnages plus versatiles et par là plus fragiles donc plus humains, il est toujours possible de galvaniser les émotions, de placer les personnages dans des situations de stress afin d’étendre la gamme des émotions possibles.
Les états émotionnels à la disposition d’un auteur ne sont certes pas légions mais ils sont en nombre suffisant pour permettre à vos personnages d’éprouver des émotions suffisamment intenses qui puissent atteindre le lecteur pour un partage émotionnel salutaire (une sorte de catharsis).
L’avantage des émotions est qu’elles peuvent être manipulées de l’intérieur comme de l’extérieur. La faim ou une chaleur écrasante peuvent épuiser le corps de votre héros de façon telle qu’il semble que son objectif soit insurmontable.
L’idée en mettant l’emphase sur des émotions et des sentiments est d’amplifier ce que ressent le personnage. Trop de stress peut déséquilibrer même le plus stable des personnages.
En exacerbant les émotions, vous poussez votre personnage dans des retranchements où il ne contrôlera plus aucune de ses émotions. Vous le déstabilisez, vous lui faites prendre des décisions irréfléchies et vous le menez (apparemment) vers la catastrophe.
Mais la véritable intention de l’auteur est de faire reconnaître par le lecteur des expériences similaires à celle du personnage. Des souvenirs seront évoqués par le lecteur si l’intensité de l’émotion décrite chez le personnage est suffisamment puissante pour déclencher ce processus d’identification. Ces expériences universelles partagées à la fois par le lecteur et le personnage aideront alors à créer un lien entre eux par le phénomène de l’empathie.
Les difficultés nouvelles qui seront soulevées du fait de l’état émotionnel du personnage déclencheront alors une réponse émotionnelle authentique de la part du lecteur et seront alors jugées crédibles par lui.
Une chose est sûre, c’est que l’émotion et la tension fonctionnent très bien ensemble. Plus l’émotion est marquée et plus la tension sera élevée. La tension induite par vos scènes capte intimement l’attention de votre lecteur. Il ne peut se défaire du désir d’en savoir plus, de ce qu’il arrivera à votre personnage.
L’émotion conjointement à la tension renforce l’empathie envers vos personnages.
Dans Hunger Games, la tension est permanente et forte tout au long du récit du simple fait que les enjeux sont importants.
Mais Suzanne Collins, l’auteur de la série littéraire, ne se contente pas de maintenir le même niveau de tension tout au long du récit. Elle ajoute des pics de tension en insérant des facteurs de stress supplémentaires à la situation de Katniss Everdeen.
Par exemple, dès le début du récit, Suzanne Collins supprime l’eau potable de l’arène mettant en danger de déshydratation les personnages. Cette idée permet de rajouter un nouveau risque de vie ou de mort donc une nouvelle tension à gérer pour le lecteur.
De même, l’introduction des Tracker Jackers, des guêpes génétiquement modifiées qui contrairement aux vespidés poursuivent inlassablement leurs cibles. Bien plus que d’ajouter de l’action par leurs piqûres hallucinatoires voire létales, elles renforcent les craintes du lecteur sur le devenir des personnages ce qui est le but recherché par Collins.
Rue, petite et douce, n’était pas censée vivre aussi longtemps lors des 74° Hunger Games. Elle met en garde Katniss à propos des Tracker Jackers et deviennent alliées et amies. Lorsqu’elle est tuée par le tribut du District 1, Katniss sombre dans une période de léthargie et le lecteur craint pour elle plus que jamais car elle n’a jamais été aussi vulnérable que dans cet état.
Suzanne Collins ne laisse jamais à Katniss, amazone des temps futurs, un moment de répit. Elle ne cesse de jeter sous les pas de son héroïne de nouveaux et plus inquiétants problèmes de plus en plus difficiles à surmonter au cours de situations où sa survie semble déjà impossible.
Le système dramatique utilisé par Collins est de provoquer chez Katniss de plus en plus de stress. Soumis à une telle pression sans cesse renouvelée, Katniss a de plus en plus de mal à avoir les idées claires et à prendre de bonnes décisions.
De mauvaises décisions et des mauvais choix aggravent le stress de Katniss ce qui mène à de nouveaux problèmes qui, à leur tour, augmentent le stress. C’est un cycle continuel qui hypnotise le lecteur et l’accroche désespérément aux basques de l’héroïne.
Dans la perspective de cette dernière, ses émotions sont également accrues. Chaque facteur de stress nouveau rend Katniss plus effrayée, paranoïaque, en colère ou véritablement déprimée.
Plus les émotions de Katniss sont intenses et plus le lecteur souhaite qu’elle réussisse et de cette compassion pour elle, le désir de savoir ce qu’il lui adviendra reste entier.
Cet outil dramatique qui consiste à amplifier, à marquer certaines émotions ne s’utilise pas seulement sur le personnage principal.
Il peut permettre de paralyser le héros tout aussi efficacement lorsqu’il s’applique à des personnages secondaires.
Dans La Communauté de l’Anneau, lorsqu’ils sont coincés dans les mines de Moria et tandis que Gandalf essaie d’ouvrir les portes magiquement closes, Boromir, frustré et impatient, jette une roche dans une mare toute proche.
Ce geste rageur et inconsidéré réveille le Gardien des lieux et la Communauté est presque détruite avant qu’ils ne puissent s’échapper dans les mines.
L’action de Boromir, qui a agit sous le coup d’une sorte de frustration irraisonnée, a mis la Communauté dans une situation catastrophique et provoquée la chute de Gandalf dans l’abîme entraîné par le Balrog .
Il est possible aussi que des événements liés aux personnages secondaires viennent accumuler chez le personnage principal une pression de plus en plus forte jusqu’à conduire à une prise de décision quelque peu hasardeuse pour le devenir de ce personnage.
Après avoir connu la pire de ses journées, George Bailey (La vie est belle de Frank Capra) rentre chez lui et trouve la plus jeune de ses filles malade d’un simple rhume. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase du désespoir de George et qui va le faire agir d’une façon qu’il n’aurait jamais suivi en temps normal et qui va le mener au suicide.
Mettre l’emphase sur des états émotionnels ou physiques à la fois sur votre personnage central et les personnages secondaires ne peut qu’augmenter la tension dramatique et élever les émotions vers des sphères plus efficaces en terme de retour chez le lecteur.
Les complications dont l’espace d’expression se situe dans l’acte Deux seront alors beaucoup plus faciles à mettre en place sachant que cet acte Deux est le plus compliqué à écrire.
Merci pour votre encouragement. Sans vos dons, pas de Scenar Mag.