Un incident déclencheur possède quatre caractéristiques. Si vous respectez ces 4 éléments clefs, cela devrait vous faciliter la mise en place de l’événement qui lancera votre intrigue et par conséquent, votre histoire.
La passivité du héros
Un incident déclencheur est quelque chose qui arrive à votre héros. Il n’est pas l’instigateur de cet événement, du moins pas directement. L’incident déclencheur est souvent utilisé pour créer un lien émotionnel entre le héros et votre lecteur par l’impression que le héros est victime de cet incident. Il ne l’a pas cherché et pourtant cela lui tombe dessus.
Par le statut de victime du héros au moment de l’incident déclencheur, il se crée chez le lecteur un sentiment d’identification, une empathie avec le héros ou le personnage principal (ci celui-ci n’est pas le héros. Voir à ce sujet la théorie Dramatica).
Il pourrait être intéressant dans ces conditions de montrer une certaine réticence du héros à s’engager dans l’aventure (Refusal of the call) à la suite de l’incident déclencheur. Le héros pourrait en effet refuser d’échanger le confort de son train-train quotidien contre une plongée dans l’inconnu.
Notez que cette routine de vie pourrait ne pas être systématiquement confortable. Ce qui prend le pas dans le Refusal of the Call est la peur de l’inconnu.
Ce qui importe est que l’incident déclencheur crée chez votre lecteur une émotion.
Crazy, Stupid, Love dirigé par Glenn Ficarra et John Requa dont le scénario est de Dan Fogelman nous montre Cal qui apprend lors d’un diner avec sa femme que celle-ci veut divorcer et encore pire, il apprend un peu plus tard qu’elle l’a trompé.
Comment ne pas compatir avec cet homme ? L’incident déclencheur qui consiste à l’annonce du divorce (premier mouvement) puis la révélation de l’infidélité de sa femme (second mouvement) crée chez le lecteur un sentiment presque immédiat de sollicitude. Le héros n’a pas souhaité ces événements, il en est la victime.
Dans Red de Robert Schwentke et au scénario Erich Hoeber et Jon Hoeber, d’après les comics de Warren Ellis et Cully Hamner, Frank Moses est un ancien agent de la CIA à la retraite que des assassins tentent de tuer obligeant Frank à fuir en compagnie d’une amie.
Vous noterez que Frank, malgré des capacités qui ne sont pas du domaine du banal, n’aspire qu’à profiter de sa retraite.
Après l’attaque dont il sort vainqueur, il se rend aussitôt chez Sarah pour la protéger. C’est par le personnage de Sarah que le Refusal of the call est introduit.
Une technique qui aide à rendre sympathique un personnage (même si c’est l’empathie qui doit être recherchée) est de le faire sortir vainqueur d’une épreuve dont les chances sont contre lui comme c’est le cas ici où Frank est seul contre plusieurs tueurs.
Dans Ma vie sans lui écrit et dirigé par Susannah Grant, l’incident déclencheur est encore plus poignant car il consiste en la mort de Grady au cours de l’enterrement de sa vie de garçon.
Nous pouvons comprendre les émotions et les sentiments de Gray (la future mariée) face à un tel événement. L’incident déclencheur non seulement initie l’intrigue mais il crée aussi une véritable empathie envers l’héroïne.
Ici, le récit débute avec les funérailles de Grady ce qui signifie que l’incident déclencheur a eu lieu avant le début de l’histoire, qu’il fait partie du passé de Gray.
Cette séquence d’ouverture ajoute à la puissance de l’incident déclencheur.
Parfois, le héros sans en avoir conscience provoque l’incident déclencheur.
Thelma (Thelma et Louise), épouse frustrée, se laisse convaincre pour un week-end entre filles par son amie Louise.
Dans un bar, Thelma se laisse aller. Elle flirte avec un homme mais pour elle, il ne s’agit que d’un jeu innocent.
Malheureusement pour elle, et c’est là que l’incident déclencheur intervient, l’homme avec qui elle flirte voit les choses autrement. Pour lui, elle est une proie facile et il l’agresse sur le parking pour la violer.
Pour ceux qui ont assisté au flirt de Thelma, ils pouvaient penser qu’après tout, c’est ce qu’elle cherchait mais Thelma ne se rendait absolument pas compte de ce qu’elle avait provoqué chez l’homme.
La passivité du héros ne se limite pas au seul incident déclencheur.
Elle pourrait durer tout au long de l’acte Un. C’est le cas avec Batman Begins de Christopher Nolan (dont il a écrit le scénario avec David S. Goyer).
Après l’assassinat de ces parents, Bruce Wayne jure de se venger de l’homme qui les a tués. Mais, sa vengeance lui est volée par un des hommes de main de Falcone qui se charge d’éliminer le coupable.
A la fin de l’acte Un, Bruce Wayne montre un peu plus d’initiative en refusant de tuer un simple voleur. A partir de ce point majeur, l’intrigue décrit un Bruce Wayne prenant des décisions adoptant ainsi un comportement opposé à celui auquel il nous avait habitué.
Retenez comme règle que votre personnage principal doit obligatoirement se départir de sa passivité à la fin de l’acte Un.
C’est habituellement l’antagoniste de votre personnage principal qui établit la dynamique de votre scénario. En effet, il a l’initiative (c’est d’autant plus vrai dans les scénarios d’action et les thrillers).
Votre héros ne fait que réagir. Ses actes sont les conséquences des actions du méchant. Néanmoins, bien qu’initialement le héros n’a pas l’initiative, il réagit en prenant des décisions. Ainsi, progressivement, il gagne en autonomie forçant finalement le méchant à réagir aux actes du héros. Il est préférable que votre héros acquiert ce libre-arbitre assez rapidement.
Ce schéma se retrouve dans de nombreux films d’action où l’acte Deux se partage entre une première partie axée sur un héros qui est sur la défensive et une seconde partie où il est nettement offensif.
La première partie du second acte de Minority Report illustre un protagoniste en fuite (il est sur la défensive) mais durant la seconde partie, le héros infiltre l’organisation qui l’accuse de meurtre et est dorénavant sur l’offensive.
L’incident déclencheur extirpe le héros de son quotidien
Contrairement à la fin de l’acte Un qui emmène le héros vers un nouvel endroit, l’incident déclencheur se produit dans l’habitat naturel du personnage principal.
Il peut être utile de repérer ces changements de lieux lors de la réécriture pour vérifier l’organisation de la structure de votre histoire et quels sont les déplacements qui correspondent effectivement à un passage de l’acte Un vers l’acte Deux.
A cause de l’incident déclencheur, l’existence entière de votre protagoniste est plongée dans le désarroi. Il passera le reste de votre scénario a essayé de retrouver un équilibre, celui du statut quo qu’était sa vie avant que l’incident déclencheur ne vienne détraquer son quotidien.
Il faut considérer l’incident déclencheur comme une perturbation de la vie d’avant du héros quelle que soit la nature de cette vie car votre héros n’est pas obligé de vivre le parfait bonheur pour que l’incident déclencheur fonctionne.
Le rôle de cet incident est d’introduire un élément perturbateur qui fera que le héros ne peut plus vivre sa vie d’avant, que celle-ci changera par le point de vue que le héros porte désormais (à la suite de l’incident déclencheur) sur sa vie.
Cet incident déclencheur initie l’arc dramatique de votre personnage principal. A partir de ce point du récit, votre personnage évoluera et pour que cette évolution ait lieu, il faut qu’il y ait une rupture d’avec la vie d’avant du héros.
Selon Dramatica, une des caractéristiques qui définit le protagoniste est le verbe d’action : poursuivre. En effet, votre héros poursuit un but. A la fin de votre histoire, la réalisation ou non de son objectif doit lui permettre de retrouver un équilibre dans sa vie. Mais du fait des épreuves qu’il a subies et des prises de conscience qui s’en sont suivies, votre héros ne peut pas retrouver sa vie d’avant.
Il est transformé et vit maintenant une toute autre vie. Il a trouvé un autre équilibre même si celui-ci consiste en la mort du héros (peut-être que son objectif était une rédemption, une expiation de ses fautes..).
Dans Sécurité Rapprochée (2012) dirigé par Daniel Espinosa et écrit par David Guggenheim, Matt Weston, un agent de la CIA, a en charge une planque en Afrique du Sud. Son activité quotidienne est plutôt standard car ses services sont plutôt sous-utilisés.
Du moins jusqu’à l’arrivée de Tobin Frost qui va changer tout cela.
Mais avant l’arrivée de Frost, Matt avait certaines habitudes comme par exemple de cacher la vérité sur ses activités à sa petite amie avec le risque permanent que la vérité ne lui explose au visage.
Matt possède aussi certains talents qui n’étaient jamais exploités dans son train-train quotidien.
Si l’incident déclencheur (la prise en charge de Frost) ne s’était jamais produit, qui aurait pu deviner que Matt était capable de prendre de tels risques pour prouver sa valeur (non seulement envers ses supérieurs mais aussi envers lui-même) ?
Mais aussi cet incident a fait un bel accroc dans sa vie d’avant que Matt ne pourra jamais plus retrouver.
La nécessaire réécriture
Surtout pour les récits qui se passent dans notre présent, vous devez lors de réécriture du scénario vous poser la question de l’opportunité de l’incident déclencheur. Vous devez aussi vérifier qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans la vie ordinaire de votre héros.
Si vous ne parvenez pas à repérer votre incident déclencheur, vous devez alors réécrire le début. Vous pourriez aussi juger que l’incident déclencheur que vous aviez mis en place est faible alors n’hésitez pas à le réécrire.
Pour vous aider, replongez-vous dans le passé de votre héros, dans la toile de fond de votre personnage au moment de sa création. Vous pourriez alors trouver des indices qui vous mettent dans la bonne direction. Cependant, ne tordez pas le passé de votre héros pour qu’il s’adapte à l’incident déclencheur que vous avez déjà imaginé. Au contraire, gommez l’incident actuel qui de toutes façons est insuffisant et recréez en un à partir d’éléments du passé de votre personnage.
Gardez à l’esprit que vous ne pouvez pas faire entrer directement votre personnage principal dans son aventure. Il n’est pas prédestiné à vivre cette aventure (enfin si selon l’auteur).
L’incident déclencheur est un outil primordial de la dramaturgie, il est la clef qui ouvre l’intrigue.
L’incident déclencheur est une affaire personnelle
L’incident déclencheur oriente votre protagoniste vers la ligne dramatique principale (dénommée aussi la A Story) de votre scénario.
Cependant, les actes du méchant ne sont pas nécessairement des vecteurs de l’incident déclencheur. Après tout, résoudre un crime est à la portée du premier détective venu. Par contre, lorsque la résolution de l’affaire est explicitement confiée à votre héros, elle devient son problème et est en conséquence l’incident déclencheur qui lance l’aventure.
Le cas le plus courant est toutefois lorsque l’antagoniste s’attaque directement au héros le menaçant ainsi en personne ou bien blessant quelqu’un qui est proche de votre héros ou encore lorsque le méchant s’en prend à des biens auxquels le héros accorde de l’importance.
L’idée est que le héros se trouve aussitôt impliqué par nécessité personnelle.
Air Force One de Wolfgang Petersen écrit par Andrew W. Marlowe dépeint que les terroristes kazakhs et la taupe à l’intérieur d’Air Force One s’attaquent d’abord aux Secret Service mais pas directement au président.
Cependant, et les agents du Secret Service et Air Force One lui-même sont liés directement à la présidence des Etats-Unis instaurant ainsi une attaque directe contre le président, le héros de l’histoire.
Vous noterez que bien qu’il s’agisse d’Air Force One, n’importe quel héros autre que le président aurait pu éliminer les terroristes et libérer les otages. Cependant, le président avait un enjeu personnel important puisque parmi les otages, il y a sa femme et sa fille.
Le même concept a été retenu pour Piège de Cristal où parmi les otages se trouve la femme de McClane.
Non seulement l’intégrité du président est menacée mais ce qui le pousse à agir et à se dépasser, c’est la présence de sa famille parmi les otages. Cet enjeu personnel mis en avant par l’incident déclencheur ajoute à l’identification du lecteur avec les émotions et les sentiments du héros.
Dans Maman, j’ai raté l’avion de Chris Columbus (scénario de John Hugues), la panne d’électricité qui met la famille en retard pour leur vol vers Paris affecte tout le voisinage.
On ne peut donc considérer cette panne d’électricité comme l’incident déclencheur puisqu’elle n’affecte pas personnellement le héros.
Le véritable incident déclencheur (c’est une comédie, tout est permis) est le souhait de Kevin de voir sa famille disparaître et c’est ce qui se produit puisque dans l’affolement du départ précipité, ils oublient Kevin et le laissent seul dans la maison.
Il doit y avoir un lien de causalité entre la fin de l’acte Un et l’incident déclencheur.
Généralement, l’incident déclencheur est un événement à l’origine de l’action initiée à la fin de l’acte Un lorsque le héros se met sérieusement à poursuivre l’objet de sa quête.
L’incident déclencheur est la cause, l’effet est ce qui se produit à la fin de l’acte Un. Entre l’incident déclencheur et la fin de l’acte Un, le comportement du héros n’est plus le même depuis l’incident. Il n’a pas encore déterminé exactement son objectif mais il se prépare à l’accomplir. A la fin de l’acte Un, il se lance corps et âme dans sa quête.
Puisque la connexion est directe entre ces deux points majeurs de votre récit, il peut être utile de remonter le fil des événements depuis la fin de l’acte Un jusqu’à votre incident déclencheur.
Posez-vous la question si la fin de ce premier acte pourrait avoir lieu sans incident déclencheur. Si c’est le cas, il est possible alors que votre Catalyst (autre nom de l’incident déclencheur selon les auteurs) ne soit pas suffisamment puissant ou bien qu’il n’existe pas.
Dans ce cas, imaginez un autre incident ou bien cherchez dans le fil des événements si parmi ceux-ci, l’un d’entre eux ne serait pas un meilleur candidat pour cet incident.
Essayer de déterminer toutes les causes qui pourraient donner lieu à l’événement de la fin de l’acte Un. Analysez les causes, vérifiez si éventuellement vous ne pourriez pas en fondre deux ou plusieurs en un seul événement pour éviter les lenteurs ou les redondances et choisissez celle qui assure le mieux la relation de cause à effet entre l’incident déclencheur et la fin de l’acte Un.
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