Le second acte est sans nul doute le plus difficile à écrire. Le premier acte ne pose que peu de problèmes. Vous avez déjà travaillez votre sujet (recherche documentaire et autre) et la toile de fond de vos personnages. Il suffit maintenant d’exposer tout cela dans l’acte Un.
Le dernier acte est relativement simple aussi puisqu’il s’agit d’y conclure votre histoire.
Mais le second acte, c’est une autre affaire et en plus, il doit être deux fois plus long que les deux autres.
Primauté de l’objectif
La toute première chose sur laquelle vous devez être très clair avec vous-même est la détermination de l’objectif ultime de votre héros.
Comme le second acte sera entièrement consacré à la poursuite de cet objectif par le personnage principal, autant que l’objet de sa quête soit clairement défini dans votre esprit.
Une règle logique serait que si votre héros n’a pas de but, il n’aura pas grand chose à faire (cependant, il y a toujours des exceptions).
Quoiqu’il en soit, un objectif clair pour le protagoniste (qu’il soit le héros ou le méchant de l’histoire) est essentiel si vous ne voulez pas galérer lors de l’écriture de votre second acte.
L’intrigue est le second acte
L’intrigue s’exprime au mieux dans l’acte Deux. Mais ce n’est pas seulement de l’action et des sensations fortes. C’est aussi au cours de cette intrigue que le développement personnel des personnages prend tout son sens.
Il est d’ailleurs certain que c’est au cours de l’acte Deux que vous devez explorer vos personnages intimement.
Lors de la création de vos personnages, vous avez défini du moins pour les principaux une faille originelle dans leur personnalité. Cette faiblesse de caractère peut leur être fatale.
Cette faille dont l’antagoniste a par quelque prescience la connaissance va être testée encore et encore tout au long de l’intrigue. Vous pouvez alors définir un parcours pour votre héros parsemé d’épreuves qui vont venir s’appuyer sur cette faille.
En surmontant ces obstacles, votre personnage acquiert progressivement les moyens de combler la faille alors que les épreuves qui l’attendent gagnent en intensité.
Le héros évolue
Ainsi, nous voyons le héros évoluer et c’est au moment de telles prises de conscience que nous nous rapprochons de lui par empathie, que nous nous surprenons aussi à espérer pour lui.
La faille de Neo de Matrix est qu’il n’a aucune confiance en lui. En conséquence, la plupart des scènes du second acte vise à tester ce problème : le saut de l’immeuble, le combat dans le dojo, la visite à l’Oracle…
A chaque fois, cette faiblesse est mise à l’épreuve et à chaque épreuve surmontée, cette confiance, cette estime de soi s’insinue de plus en plus fort dans sa personnalité.
Cette évolution façonne l’arc dramatique du personnage et les moments majeurs de cet arc sont autant d’indices de la transfiguration du personnage, autant d’étapes vers la révélation de sa vraie nature.
Votre scénario sera beaucoup plus riche si cette évolution ne concerne pas seulement votre héros. Des personnages secondaires d’importance peuvent eux aussi bénéficier d’un arc dramatique, peuvent eux aussi être soumis au changement.
Le méchant de l’histoire outre le fait qu’il doit entraver la marche du héros vers sa quête pourrait avoir des motivations et un objectif différent de celui du protagoniste.
Et dans sa propre quête, combattre le héros vu alors comme un empêcheur de tourner en rond.
Cette exploration de vos personnages a parfaitement sa place au cours de l’acte Deux. Elle se joue parallèlement à l’action et vous donne un matériau viable avec lequel votre travail d’écriture de ce second acte sera très efficace.
Les relations entre les personnages
Conjointement à l’arc dramatique personnel des personnages, l’évolution des relations entre les personnages est aussi un excellent outil dramatique pour combler l’acte Deux.
Selon Dramatica, une des relations les plus importantes est celle qui existe entre le personnage principal et l’Influence Character.
L’Influence Character est un personnage qui force le personnage principal à faire face à son problème et plus exactement qui le force à affronter la faille dans sa personnalité.
Du point de vue du personnage principal, l’Influence Character est vu comme essayant de bloquer la route vers la solution qu’il recherche ou bien essayant de le détourner du chemin qui mène à cette solution.
D’un point de vue plus objectif, l’Influence Character oblige par son influence le personnage principal a aborder de front son problème alors qu’il a tendance à l’éluder.
L’Influence Character est à l’origine de la tension qui se crée chez le personnage principal lorsque, par son intervention ou son influence, le personnage principal se retrouve aux prises avec son problème personnel.
L’exploration de la relation entre eux deux offre donc de nombreuses possibilités qui peuvent être exploitées dans l’acte Deux.
Et tout comme le personnage principal et l’Influence Character bénéficient chacun d’un arc dramatique illustrant dans le temps leur transformation respective, la relation qui les unit possède elle aussi son propre arc dramatique décrivant sa propre évolution.
Les relations : source de conflits
Plus précisément, l’arc de la relation explore les conflits inhérents à cette relation. Elle peut être établie dans l’exposition au cours du premier acte.
Ou bien s’instaurer comme une nouvelle relation au cours du second acte (avec un personnage déjà connu ou depuis l’introduction d’un nouveau personnage dans l’acte Deux).
Parmi les possibilités qu’elle offre, cette relation peut être florissante resserrant encore plus intimement les liens entre les personnages. Elle peut aussi s’effondrer progressivement au cours de l’histoire.
Elle peut être voulue par les deux personnages ou bien elle est seulement le choix d’un personnage, le second la subissant plus qu’il ne l’accepte.
Ou bien encore cette relation peut être imposée par des circonstances ou des forces extérieures.
Et elle peut se conclure dans un désastre ou bien donner quelque chose de nouveau.
Comme vous le constatez, l’exploration des relations ne manque pas de matériaux pour vous aider à concrétiser le second acte.
La relation des personnages : dynamique interne.
Vu autrement, on peut considérer que chaque relation pose un problème mais c’est un problème différent des problèmes personnels des deux personnages impliqués dans la relation.
Il y a donc bien 3 dynamiques à l’œuvre.
L’histoire doit aboutir à trois résolutions : celles des deux personnages et celle de leur relation.
Et ce sont effectivement trois résolutions distinctes même si elles sont reliés au thème d’une manière ou d’une autre.
Dans Will Hunting écrit par Matt Damon et Ben Affleck et dirigé par Gus Van Sant, trois relations se distinguent qui doivent toutes être résolues :
– la relation entre Will et Sean Maguire qui commence comme un bras de fer et finit dans une relation de confiance entre les deux hommes.
– la relation entre Will et Skylar gravement perturbée par le manque d’engagement, le refus de prise de risque de Will mais qui se conclut par la décision de Will de rejoindre Skylar en Californie après que Sean Maguire lui ait fait prendre conscience de ses responsabilités.
– et la relation entre Will et Gerald Lambeau. Le professeur Lambeau essaie désespérément de convaincre Will d’utiliser à bon escient son génie. Mais la conduite de Will ne lui offre qu’une résistance acharnée d’autant plus qu’ils ne sont pas issus des mêmes couches sociales contrairement à Sean Maguire qui a plus d’un point commun avec Will.
La relation entre Lambeau et Will est la seule relation qui va se déliter au cours de l’histoire car pour Will, avoir ou non l’approbation du professeur Lambeau ne compte pas.
Les relations sont au cœur de l’intrigue
Le temps que vous consacrerez à l’exploration des relations que vous aurez mis en place entre vos personnages dépend de vous ou de votre histoire. Essayez au moins d’approfondir deux relations au cours du second acte.
Cumulées avec les arcs dramatiques individuels et l’action, votre second acte s’en trouvera encore plus riche.
Le souci majeur avec le deuxième acte est qu’il est deux fois plus long que les deux autres et lorsqu’on galère à le remplir, l’ennui ne tarde pas à se faire sentir chez le lecteur.
Relancer l’attention du lecteur en cours de route
L’astuce dramatique pour éviter cet écueil est le point médian du récit. A ce moment précis de l’histoire, quelque chose doit culminer.
La force du point médian est qu’il est en mesure de relancer l’attention du lecteur.
Il s’avère juste de chasser la tendance à l’ennui qui s’installe doucement à l’insu du lecteur arrivé à ce point de l’histoire.
Généralement, le héros subit un revers fondamental. Pourquoi un revers ? parce que le point médian est souvent utilisé en miroir de la situation du héros à la fin de l’histoire.
Sommairement, un point médian négatif donne une issue positive et inversement, lorsque le point médian est bénéfique au personnage principal, il s’avérera que cette histoire finira mal pour lui ou du moins pas comme il l’avait espéré. Ce second cas est cependant plus rare.
Le revirement de situation au milieu de l’acte Deux est nécessaire car vous devez sortir l’histoire de l’ornière où elle semble s’être installée.
Il faut lui faire prendre un chemin radicalement différent sinon votre script sera trop prévisible ce qui est aussi une source d’ennui potentielle pour le lecteur.
Le point médian peut concerner l’intrigue.
Par exemple, dans Star Trek de Alex Kurtzman et Roberto Orci, d’après les personnages créés par Gene Roddenberry et dirigé par J.J. Abrams, Spock devine que Nero vient du futur et lui et Kirk s’affrontent pour décider de la suite à donner aux événements.
Kirk, fidèle à son tempérament, veut poursuivre Nero mais Spock, alors capitaine du vaisseau, décide de rejoindre la flotte et expulse Kirk vers Delta Vega, une planète gelée.
Ainsi l’intrigue prend une toute autre direction car Kirk rencontrera alors le Spock du futur.
C’est le moment aussi où vous devez plus que jamais monter les enjeux pour le héros. Dans Star Trek, c’est tout de même la terre qui est en danger d’être détruite par Nero.
Ce point médian peut aussi voir la mort d’un personnage important, un sidekick par exemple. Il peut être aussi une révélation qui va bouleverser le personnage principal. Cette révélation lui donnera alors une perspective différente qui orientera l’intrigue dans une toute autre direction.
Les options concernant ce point médian ne manquent pas. Gardez seulement à l’esprit que la puissance de ce moment important pour l’histoire doit être capable d’obliquer l’intrigue vers une nouvelle direction offrant ainsi quelque chose de nouveau pour le lecteur.
L’intrigue : une force qui doit être ressourcée
Pour éviter que le second acte et donc l’intrigue ne s’épuise, considérez la comme une source d’énergie qui doit être renouvelée.
Cette énergie en retour produira des tensions avec des pics et des creux.
Ces tensions sont générées par les obstacles que vous placerez sur le chemin du héros vers sa quête. Chaque obstacle nouveau génère un pic de tension. Chaque épreuve surmontée relâche la tension mais pour aussitôt ou presque en générer une autre d’une intensité encore plus forte.
Des liens de causalité
Liés par une relation de cause à effet, les événements destinés à entraver la marche du héros vers son objectif se succèdent avec une difficulté croissante.
Dans Les Aventuriers de l’Arche perdue, la première chose qu’Indiana doit faire est de se rendre au Caire à la recherche de l’Arche. La première épreuve qu’il doit subir est de ne pas se faire attraper par les nazis. Réussir à vaincre ce premier obstacle lui a permis de découvrir l’emplacement de l’Arche.
Mais Belloq découvre la supercherie et Indy se retrouve enfermé avec Marion dans le Puits des âmes grouillant de serpents. Indy doit maintenant trouver le moyen de s’en échapper, un obstacle un peu plus compliqué que le précédent.
Puis Indy détruit un avion et dans la foulée abat des nazis. L’obstacle a pris de l’ampleur. L’action s’est démultipliée.
Puis il doit rattraper le convoi transportant l’Arche et le stopper.
Plus on avance dans l’action et plus celle-ci devient exigeante envers le héros et plus on a l’impression qu’il se construit quelque chose, quelque chose d’intangible mais quelque chose qui a du sens.
Le mouvement vers l’avant des arcs (que ce soit celui qui soutient l’intrigue ou ceux des personnages ou de leurs relations) tend vers une seule destination : une conclusion.
Puis vient le temps de la chute
Vers la fin du second acte, votre protagoniste a essayé toutes les solutions possibles, il a surmonté toutes les épreuves. Il a réussi les tests qui lui ont été soumis jusqu’à présent.
Il est bien prêt de croire qu’il a même dépassé cette faille qui l’handicapait tant.
Pourtant, tous ses espoirs vont s’effondrer l’un après l’autre voire même tout va s’écrouler devant lui. Alors qu’il était sur le point de réussir (du moins, nous le pensions tous), il échouera à vaincre le méchant (par exemple) et avec pour conséquence un profond abattement.
Les 10 à 15 dernières pages de l’acte Deux doivent montrer le déclin du héros, une descente aux enfers. Ce sera le moment le plus bas, le plus tragique pour votre héros.
La fin du dernier acte devrait montrer que c’en est fait du héros. Il n’y a plus aucun espoir qu’il réussisse sa quête.
A partir de ce moment, vous êtes prêt à lui faire retrouver le courage ou lui donner la force pour s’en sortir. Ceci concerne dorénavant l’acte Trois.