Selon Robert McKee, une fiction se conçoit en 5 parties :
- Un incident déclencheur
- Des complications progressives
- Un moment de crise majeure pour le protagoniste
- Le climax
- La résolution (ou dénouement)
L’incident déclencheur est celui par qui le scandale arrive. Il est ce qui met en mouvement les quatre autres parties.
Pour McKee, il est important de bien situer l’incident déclencheur dans l’environnement dans lequel il surgit. C’est-à-dire le monde physique et social de l’histoire.
Le contexte de l’histoire, l’univers dans lequel va prendre place l’histoire se définit par
- une époque,
- une durée (il y a un point de départ et un point d’arrivée qui peut se mesurer en terme de durée),
- des lieux (il faut bien que l’histoire se déroule quelque part. L’analyse de ces lieux est importante, d’ailleurs)
- et un niveau de conflit (latent ou potentiel, l’histoire peut commencer dans un environnement très conflictuel comme dans la série Colony où nous sommes jetés de plain-pied dans l’occupation par les extraterrestres).
Ces quatre critères qui forment le cadre fictionnel offrent une multitude de choix créatifs qui permettent à l’auteur d’échapper aux clichés.
Lorsqu’il crée un monde, l’auteur travaille sur une matière qui n’est certes pas nouvelle. Des milliers d’univers ont vu le jour depuis que les histoires existent. La répétition créant le cliché, l’auteur devra donc donner une étendue et une profondeur à son monde à lui pour le rendre original.
L’originalité est dans le détail
Pour trouver le détail qui distinguera votre monde, un brainstorming s’impose. Il vous permettra de vous inspirer.
L’auteur peut s’interroger sur comment ses personnages gagnent leurs vies. L’astuce dramatique est de ne pas montrer l’aspect routinier de cette activité. Bien au contraire, il faut créer des scènes où cette activité crée justement plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Et la même question peut se poser concernant leur vie privé. Ensuite, l’auteur peut se demander comment la répartition du pouvoir structure la société qu’il décrit. Il pourrait par exemple inventer trois lieux différents dont l’un serait le monde de l’élite, un autre décrirait la classe moyenne et un autre lieu se focaliserait sur les couches les plus basses de la société, celle des bannis en quelque sorte.
Il n’y a que dans les mondes utopiques où le concept de classes sociales n’existe pas. Dans toute société, il faut bien reconnaître une distribution inégale du pouvoir. C’est un aspect pratique qui autorise le conflit dans une fiction.
Cet agencement pyramidal se retrouve jusque dans le noyau familial. Qui du père ou de la mère a le plus d’influence sur l’ensemble de la famille ? Et cette jeune fille au pair qui fait irruption dans le cercle familial, ne va-t-elle pas manipuler les enfants vers des convictions religieuses un peu trop extrémistes ?
Et le rapport entre l’amant et l’être aimé ne donne-t-il pas à ce dernier un pouvoir sur celui qui aime ?
Un monde se définit selon ses lois et ses rituels
L’appartenance à une société implique son lot de rituels. Par exemple, les personnages les plus importants de l’histoire pourrait évoluer à l’intérieur d’un monde fortement imprégné de valeurs religieuses. Et assister régulièrement à la messe.
Chaque société peut se décrire par l’habitus de ses membres qui suivent alors une manière d’être ou une disposition d’esprit communes. L’auteur peut aussi se focaliser sur l’éthique de son monde (ou des mondes qu’il décrit). Chaque monde a des valeurs différentes concernant le bien et le mal, par exemple.
Ce n’est pas parce qu’une classe sociale, par exemple, considère certaines choses comme positives et morales que cette opinion sera partagée par l’ensemble de la société.
Il est bon de se pencher sur les croyances de ses personnages. Et ce n’est pas parce que certaines valeurs appartiennent à l’antagonisme qu’elles doivent être systématiquement barrées par l’auteur.
Au contraire, chaque opinion divergente doit être montrée autant sous ses aspects négatifs que positifs. L’auteur ne doit pas prendre parti-pris. Seul son message à la fin de son histoire lui permet de prendre position. Dans le cours de celle-ci, il ne fait pas de propagande.
L’auteur doit se demander ce que ses personnages sont prêts à risquer pour aller au bout de leurs objectifs. Et cet enjeu ne doit pas être négligé ni mineur. Plus l’enjeu sera important et plus leur motivation sera puissante et crédible.
De plus, cela permet de laisser poindre un possible élément déclencheur.
Le passé des personnages
Le passé est important pour la simple raison que les personnages ne viennent pas du néant. Sans des événements majeurs qui ont eu lieu dans l’histoire personnelle du personnage, ce dernier serait un non-être.
Quelles que soient nos convictions personnelles, une fiction a besoin de situer ses personnages. Selon Robert McKee, inventer une biographie sélective (il faut choisir les événements les plus marquants) est comme un jardin dont les produits serviront à l’intrigue elle-même.
Les événements les plus significatifs du passé des personnages serviront à construire la progression de l’histoire.
Il est important de comprendre aussi que chaque personnage est un être distinct des autres. Il a non seulement un but spécifique que d’autres ne partagent pas mais aussi une personnalité unique dans l’histoire.
Les relations décrites devraient former un réseau d’attitudes contrastées et contradictoires. Chaque personnage a un point de vue particulier sur les choses et chacun devrait réagir différemment aux événements qui surviennent dans le monde.
L’auteur doit se ménager dans la description des personnages le plus possible d’opportunités de conflit.
Et lorsque vous aurez ainsi défini l’univers de votre fiction, l’incident déclencheur vous apparaîtra presque naturellement.