Il y a des forces à l’œuvre dans toute fiction. Elles résultent d’une dynamique entre des éléments dramatiques tels que les relations de votre protagoniste avec les autres personnages qui gravitent dans son univers.
Tous les auteurs bénéficient de ces forces dramatiques. Cependant, le choix des éléments à l’origine de ces forces déterminera la qualité du résultat. Une bonne histoire a besoin de relations entre les personnages (il existe bien sûr d’autres éléments). Le travail qu’effectuera l’auteur sur ces relations c’est-à-dire le temps et la réflexion qu’il leur consacrera influencera énormément la qualité de l’œuvre finale.
L’importance de la structure
Un autre facteur important est la structure c’est-à-dire l’assemblage des éléments dramatiques. Si les combinaisons que vous faîtes sont incongrues, des forces s’installeront malgré tout mais elles pourraient mener votre lecteur à une incompréhension de l’histoire voire à des frustrations.
C’est comme si l’auteur n’était pas responsable des forces, des dynamiques qui se mettent naturellement en place dans toute histoire mais par contre le choix des ingrédients fera toute la différence entre deux auteurs tout comme en cuisine, le même plat préparé par un chef et par un amateur ne sera pas le même en fait.
Ce n’est pas parce qu’on utilise les mêmes outils dramatiques et que des forces naturelles sont à la disposition des auteurs que tout le monde est capable d’écrire de bonnes histoires.
Beaucoup de facteurs entrent en jeu d’ailleurs : l’expérience, l’apprentissage, de la rigueur et du bon sens, certainement un peu de talent…
A propos de structure (donc de règles à suivre), ce n’est pas parce qu’on applique un modèle pour écrire que pour autant, on perd toute spontanéité.
Il suffit d’avoir le sens des bons éléments dramatiques. Les assembler selon un paradigme (donc en posant comme vraies certaines théories) ne mène pas nécessairement à une mauvaise qualité. Par contre, un mauvais choix d’éléments dramatiques peut compromettre l’ensemble.
Des choix dramatiques
Donc vous allez faire des choix dramatiques pour votre histoire et partant, vous allez mettre en branle des forces quels que soient vos choix. Si ce ne sont pas les meilleurs choix qui pourraient exister, les forces agiront de toutes façons mais les possibilités pour l’histoire d’atteindre son plein potentiel seront limitées par la qualité de vos choix.
Larry Brooks estime que ce cas de figure peut se produire si l’auteur accepte le premier choix qui lui vient à l’esprit ou alors lorsqu’il dénoue une impasse narrative dans laquelle il s’est embourbé menant ainsi l’histoire dans une direction qui ne serait pas la meilleure séquence de causes et d’effets (et pour l’auteur de sortir d’une impasse pour replonger presque aussitôt dans une autre).
Concernant la causalité, on peut noter que l’approche structurelle est mécaniste (un événement cause un effet et cet effet est la cause d’un autre événement) mais la détermination du protagoniste à atteindre son objectif est finaliste car la fonction du protagoniste présuppose une finalité. Il existe un dessein dès la construction de ce personnage majeur.
On entend souvent que l’on écrit mieux sur ce que l’on connait. Effectivement, c’est plus prudent. Mais est-ce que ce que vous connaissez le mieux (c’est-à-dire sans vous livrer à un travail qui peut être assez long de recherche sur votre sujet ou sur un élément que vous souhaiteriez intégrer à votre histoire) est la meilleure option pour votre histoire et votre intrigue ?
Prenons l’exemple de votre personnage principal. L’histoire a besoin qu’il ait une activité professionnelle. Vous, dans votre vie réelle, vous êtes responsable d’un gros rayon Fruits & Légumes et ce métier vous passionne.
Lorsque la nuit et vos weekends, vous vous adonnez à votre passion d’écrire, vous allez peut-être vous dire que vous pourriez attribuer à votre personnage le même métier que vous (puisque non seulement vous connaissez cette profession sur le bout des doigts, que vous êtes un professionnel performant mais aussi que cette activité vous plaît vraiment).
Le problème, cependant, est que cette activité ne convient pas du tout à votre personnage. Le meilleur choix pour lui est qu’il soit un thanatopracteur et bien sûr, c’est un domaine mais aussi un monde dont vous ignorez tout.
Si votre enthousiasme l’emporte sur la raison, votre histoire en pâtira. Considérons les relations de votre personnage principal avec les autres personnages, les détails qui vont construire ces relations sonneront faux.
Les forces à l’œuvre dans ces relations fonctionneront mais l’argumentation sera étrange comme si le locuteur et l’interlocuteur n’étaient pas à leur place avec leurs discours respectifs.
Un personnage : Nous vous ferons parvenir le corps demain.
Votre personnage principal : Demain ne sera pas possible. C’est le jour des livraisons.
Chacun est sur sa propre logique discursive mais le mauvais choix de l’activité professionnelle du personnage principal mène à une incohérence vis-à-vis de l’intrigue donc à une impasse narrative.
Les forces dramatiques et le lecteur
Le lecteur a besoin de se connecter à l’histoire. Il a besoin de ressentir des choses, d’être concerné par ce qu’il arrive à un personnage. C’est le paradoxe de la fiction (connu au moins depuis Aristote) : comment un lecteur sachant pertinemment qu’un personnage de fiction n’existe pas peut-il éprouver ne serait-ce que de la compassion pour lui ?
Pour Larry Brooks, ce sont les forces qui existent dans une histoire qui permettent de donner une existence à un être fictif dans notre intériorité. Ces forces sont les moyens qui mettent en place les conditions du lien empathique.
Sans trop se compliquer la vie, on peut aussi considérer que le lecteur cherche à échapper à la banalité de son quotidien le temps d’un divertissement.
C’est à l’auteur de manier les outils qui sont à sa disposition pour que cela réussisse et de comprendre les forces qu’il met en œuvre.
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