Saul Bellow a dit que les auteurs sont des lecteurs qui émulent des auteurs. Il est vrai aussi que nous écrivons des fictions en espérant qu’elles changent notre vie ou celle des autres. C’est une ambition noble et élevée.
Bien sûr, tout ce que l’on écrit ne changera ni notre vie, ni celle des autres (il faut tout de même reconnaître à la fiction un caractère exemplaire). Mais on peut tabler cependant sur le fait qu’une bonne fiction attirera le lecteur ou la lectrice à rechercher davantage de fictions et à ne pas se dérouter vers d’autres activités. Par ailleurs, on peut écrire de très bonnes bagatelles sans qu’elles soient pour autant des symphonies.
Ce qui suit ne distingue pas le genre de votre projet (mystère, romance…) et ne s’inquiète pas non plus de savoir s’il sera une bagatelle ou une symphonie.
En revanche, les conseils donnés devraient vous permettre soit de réussir une bonne bagatelle ou une bonne symphonie selon vos intentions en respectant quelques principes dramatiques fondamentaux.
Pour commencer
Un bon moyen de commencer votre fiction est de puiser dans votre propre expérience.
Ne nous méprenons pas : il ne s’agit pas de se livrer à une autobiographie mais plutôt de repérer dans votre vie certains moments (même les plus insignifiants) qui pourraient représenter des vérités universelles (ou du moins à large portée).
Dites-vous aussi que tous les personnages que vous pourriez porter sur le papier existent déjà en vous. Vous pouvez les affiner à l’aide d’archétypes. Mais ne les inventez pas à partir des archétypes. Cherchez vos personnages en vous. Ils ne peuvent émaner que de vous.
Jusqu’à quel point vous inspirer de vos expériences ?
Ces moments de votre vie lorsque quelque chose de significatif l’a changée : un diplôme, votre mariage, une perte (décès ou autre), votre premier amour… et la première fois où l’on vous a brisé le cœur.
Ce sont aussi ces moments que tout le monde partage : Noël, un anniversaire, un festival auquel vous avez assisté….
Une technique serait de noter cinq moments de votre vie qui ont illustré un changement important dans celle-ci et de noter le lieu et l’époque de ces événements.
Ensuite, notez cinq liens historiques en rapport avec ces lieux et époques : faits divers, nouvelles sportives, en politique, un film marquant…
Puis, réfléchissez à comment ces faits historiques ont pu influencés ou impactés d’une manière ou d’une autre votre vie ; comment ces événements de la réalité extérieure ont-ils pu interférer avec votre réalité à vous.
Vous pourriez découvrir alors que vous pensiez être hors d’un mouvement que vous partagez en fait avec le plus grand nombre et en déduire certaines vérités universelles qui pourraient servir de base à votre fiction.
Prenons l’exemple d’une personne qui a accompagné son frère mourant. En y réfléchissant, elle se souvient qu’elle entendait Bocelli chanté Ave Maria.
Alors qu’elle pensait être seule à éprouver un chagrin immense, elle comprit qu’il était partagé, peut-être pas tout à fait dans les mêmes circonstances mais en tout cas suffisamment universel pour en tirer une fiction qui pourrait résonner chez beaucoup.
Beaucoup d’histoires sont construites autour de moments charnières de la vie et beaucoup sont aussi construites en lien avec des événements historiques. Vous pourriez ainsi fondre un événement historique avec une histoire totalement imaginée.
Vous pourriez par exemple lier la guerre du Golf avec la perte d’un enfant. Et surtout ne croyez pas que se référer à ses expériences personnelles est un manque d’imagination. C’est au contraire un terrain fertile de créativité.
Et si vous racontiez l’histoire de quelqu’un d’autre ?
Si vous souhaitez raconter le vécu de quelqu’un d’autre, une histoire que l’on vous aurait racontée, comment alors pourriez-vous la représenter ? Sur quoi mettre l’emphase ? Comment mettre en place le lieu, l’époque, les circonstances qui entourent cette histoire ? Comment pourriez-vous capturer la voix des participants ?
La seule réponse qui nous vienne à l’esprit pour le moment est que vous vous impliquiez d’une manière ou d’une autre (et en particulier par une recherche documentaire sur le ou les sujets abordés dans l’histoire).
Il serait ainsi préférable de s’imprégner des lieux décrits, de faire appel à vos expériences plus ou moins directes avec les événements que l’on vous a décrit. Si c’est l’histoire de l’un de vos proches que vous cherchez à retranscrire, l’opération en sera facilitée.
Un conseil utile : ne montrez pas trop tôt à votre proche entourage vos écrits surtout si vous avez récolté quelques matières auprès d’eux pour composer votre œuvre. Ainsi, vous vous protégez.
Car des critiques négatives parce que trop personnelles briseront votre élan et votre sincérité. Et comme l’a dit Tom Wolfe, la seule façon de blesser quelqu’un que vous connaissez est de ne pas l’inclure dans votre projet.
Alors ne lui faites lire votre fiction qu’une fois qu’elle soit passée sous plusieurs réécritures.
Les premiers coups de pinceaux
Ces premiers coups de pinceaux consistent à commencer à écrire vos expériences personnelles de vie, vos habitudes de vie et aussi de puiser dans ce riche réservoir constitué du matériel issu de la vie rêvée…
Vous allez devoir vous frayer un chemin parmi tous ces événements. Ne cherchez pas après le moment qui résoudra votre histoire ou celui qui vous indiquera la direction que prendra votre histoire. Parce que vous ne savez pas encore quel message vous voulez faire passer.
Pour le moment, contentez-vous d’écrire ces événements et d’attendre qu’une connexion se crée entre eux. Et même si un événement ne se relie pas aux autres, ne vous en inquiétez pas pour le moment.
En fait, ne pas comprendre comment les choses peuvent s’assembler est dans un premier temps un avantage qui vous libère d’éventuels censures personnelles (et du besoin de structure nécessairement contraignant) et permet à votre travail de s’écouler de votre inconscient (ou plus poétiquement et peut-être plus vrai : de votre âme).
Lorsqu’une fiction est bien structurée, l’absence apparente de connexions soulève des questions dramatiques dans l’esprit du lecteur. Et plus tôt ces questions apparaissent et plus tôt, l’envie du lecteur d’en savoir plus (donc de continuer à tourner les pages) se met en place.
Voici un petit exercice :
- Choisissez une ligne d’un texte (n’importe quel texte, poème, discours…) qui vous a marqué puis écrivez un ou deux paragraphes sur cette ligne.
- Considérez un récent voire troublant rêve. N’importe quel rêve, éveillé ou non, affabulation… Ce qui importe est qu’il vous soit personnel, pas celui d’un autre.
Puis écrivez un ou deux paragraphes en utilisant des fragments ou des thèmes issus de ce rêve. Aucune référence n’est nécessaire au texte précédent. - Reconsidérez un problème que vous avez eu avec quelqu’un. Vous l’avez compris, il s’agit d’un conflit. Puis, écrivez un ou deux paragraphes sur ce que vous percevez de ce conflit maintenant que vous avez pris un peu de recul.
De nouveau, il n’est pas nécessaire d’avoir des références explicites aux deux textes précédents. - Assemblez les trois textes. Essayez de tisser les éléments entre eux. Suivez vos impulsions car quelque chose est déjà probablement en train de se concrétiser en vous.
La structure et l’intrigue de votre fiction
L’intrigue est fondamentale à la fiction parce qu’une histoire efficace soulève très rapidement une question dramatique dans l’esprit du lecteur.
C’est en cherchant la réponse à cette question que le lecteur est avide de continuer à tourner les pages. Plus la question sera dramatique et plus le lecteur voudra avoir la réponse. Toutes ces fonctions y compris le délai entre la question qui se pose et la réponse à celle-ci dépendent de l’intrigue.
L’intrigue est un passage incontournable pour une histoire bien que des projets sans intrigue soient aussi possible.
Quelques conseils de lecture :
Pour David Mamet, il s’agit d’une progression essentielle d’événements qui arrivent à un héros dans la quête de son objectif spécifique.
Une histoire est donc un protagoniste qui fait des choix et agit en conséquences.
Quant à l’intrigue, elle implique des motivations, des choix et un changement (dans la personnalité du héros). Une trinité, encore. La symbolique du chiffre 3 indique quelque chose de plus élevé, quelque chose en fait qui n’a rien au-dessus de lui.
La structure classique
Une structure classique se décompose en un acte Un qui introduit :
– le personnage principal et le monde de l’histoire (il s’agit de l’exposition),
– le conflit
– et il met en place l’événement qui va mettre l’histoire en marche dans un présent narratif (l’histoire et l’intrigue se conjuguent au présent).
De nouveau quelques conseils de lecture :
Le second acte est consacré exclusivement à l’intrigue. Il décrit d’un point de vue global :
– la montée et la chute du personnage principal à travers des événements,
– une crise majeure où tout semble perdu pour lui (à moins qu’il ne s’agisse d’une prise de conscience)
– et un climax qui consiste en l’ultime confrontation du héros avec son antagonisme et où les questions soulevées par l’histoire sont résolues.
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L’acte Trois peut aussi incorporer en son sein le climax (dans ce cas, il ne figure pas dans l’acte Deux). L’acte Trois montre le retour à l’équilibre de vie du personnage principal mais avec quelque chose de profondément changé en lui.
Dans tous les cas, il apporte les dernières réponses soulevées par l’histoire et l’intrigue (et en particulier la réponse à la question dramatique majeure).
Tout cela se résume en
- Une mise en place (ou setup)
- Des complications qui montent en puissance
- Un climax et un renversement de situation
- Une résolution
Vous bénéficiez ainsi d’une sorte de check-list pour écrire votre fiction et vous devriez vous poser quelques questions :
Est-ce que votre acte Un met bien en place votre histoire ?
La situation initiale du personnage principal et celui-ci ont-ils été bien introduits ? Et qu’en est-il du conflit ? Est-il correctement exposé ? Est-ce que l’incident déclencheur (l’événement qui lance l’histoire en la conjuguant au présent) apparaît au cours de ce premier acte ou du moins si ce n’est pas le cas, s’est-il produit avant que l’histoire commence ?
Cet incident déclencheur soulève-t-il la question dramatique majeure, celle-là même que le lecteur attend de connaître la réponse ?
Est-ce que les complications augmentent en difficulté ?
Alors que les premiers obstacles sur le chemin du héros seront somme toute facilement surmontés, ceux-ci doivent cependant lui demander de plus en plus d’efforts au fur et à mesure que l’histoire se déroule.
Avez-vous bien travaillé cette progression ? Ces obstacles sont-ils vraiment de plus en plus difficiles à surmonter ?
Sur ce sujet :
Est-ce que ce combat du héros mène à un climax ?
Les épreuves, les obstacles, les luttes doivent mener à un point ultime de confrontation. Le protagoniste est forcé d’avoir recours à une action dont le potentiel dramatique doit être le plus puissant à ce moment de l’histoire.
Est-ce que les conséquences de ce climax résolvent la question dramatique majeure ? Est-ce que ces conséquences impliquent un retournement de situation qui s’illustre principalement par un changement majeur de la personnalité du héros ?
Pour compléter ce paragraphe :
INTRIGUE : 4 ELEMENTS DRAMATIQUES INDISPENSABLES
Et enfin, assurez-vous que la question dramatique majeure (source de tension principale de votre histoire) soit résolue au plus tard lors de la conclusion de votre fiction.
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