Nous avons besoin de certitudes. L’esprit humain est ainsi fait. Pour se rassurer, il nous faut planifier.
Mais peut-on vraiment maîtriser notre futur ? Certaines choses sont prévisibles et nous nous attendons à ce qu’elles se produisent. Mais nous ne pouvons jamais en être sûr.
Et nous passons notre temps à nous demander : Et si… ?
Nous sommes des rêveurs (au mieux des idéalistes) mais nous avons aussi un but. Nous voulons survivre à l’inattendu, faire face à ce que le futur nous réserve.
Notre seule certitude est que l’inattendu peut toujours survenir. Et brutalement. Et nous souhaitons être préparé.
Une histoire est un moyen d’envisager le futur. Elle s’organise pour y faire face. Une histoire est en soi un Et si… ? possible. Les auteurs se doivent d’explorer ces possibles pour nous.
Une histoire, c’est d’abord une question
Une idée commence avec quelque chose qui sort de l’ordinaire et qui vient titiller notre imagination. Le processus imaginaire se met en branle avec une simple bribe d’idée.
Seulement, elle a un pouvoir qui nous extirpe de notre réalité et nous projette vers un monde que nous n’avons pas encore exploré et qui nous propose d’autres Et si… ?
Qu’est-ce qu’un Et si… ?
Prenons cet exemple : Et si… votre héros marchait le long d’une plage et découvrait une bouteille avec un message ?
Il ne vous reste plus qu’à écrire ce qui se passe ensuite. Ce Et si… ? pose un événement inattendu et inhabituel et pose somme toute une question dramatique. Ce héros est forcé de confronter quelque chose qui sort ostensiblement de l’ordinaire.
C’est un départ évident pour une histoire. C’est du moins ce que se dit l’esprit humain qui est toujours à la recherche de quelque chose de différent, d’inhabituel et qui vaut la peine qu’il s’y intéresse.
L’inattendu nous rend curieux. Et la curiosité du lecteur doit être sollicitée par l’auteur. Et cette sollicitation passe par la mise en place d’un contexte. Un contexte qui permettra de créer un effet de surprise.
Cet effet de surprise interpelle aussitôt notre attention et notre curiosité. Parce qu’il défie précisément nos expectations.
Une fois que notre curiosité nous engage dans l’histoire, nous entrons à la fois dans un mécanisme de défense et de survie classique. Nous nous demandons ce qui va bien pouvoir se passer ensuite. Sans cette inquiétude, nous serions dans l’insouciance parce que nous ne suspecterions que rien d’inhabituel est en train de se passer.
La surprise accroche le lecteur
L’étrange brise nos routines et nous oblige à considérer des réalités encore inexplorées. Vous avez garé votre voiture devant chez vous. Vous vous attendez à la retrouver au même endroit ce matin. Mais elle n’y est plus.
Cette absence inattendue défie ce à quoi vous vous attendiez. C’est une perturbation qui bouleverse votre quotidien et que vous allez devoir gérer.
Pour régler notre conduite, nous suivons des modèles. Nous les avons assimilés, nous les avons appris. Et ils nous rassurent. Quand soudain l’un de ces modèles de conduite est mis sens dessus dessous par un événement surprenant. nous avons tendance à perdre pied.
L’ordre nous épargne l’inattendu hasardeux et chaotique. Nous comptons sur l’ordre pour donner du sens à nos vies et à nos actions. Si je fais ci, j’en attends cela. C’est rassurant.
Bien sûr, cela ne signifie pas que les modèles que nous avons acquis soient bien pour nous. Nous pourrions même ne pas les accepter. Mais ils nous sont utiles. Et comme entre deux maux, autant choisir le moins désagréable pour nous, nous nous accrochons à des modèles (de vie, d’éthique, de conduite…) qui ne sont peut-être pas les plus pertinents avec nos réels besoins.
Dans les faits, un modèle apporte des réponses toutes faites. Il nous libère du mauvais génie qui vient s’immiscer dans notre quotidien. On se couche le soir sans se poser la question de savoir si le jour sera bien au rendez-vous le lendemain matin. Pourquoi prêter une attention particulière à ce détail ?
Et si… le soleil ne se levait pas ce lendemain matin ?
Notre modèle de pensée est brisé. Mais cette chose inattendue est pleine d’une histoire.
Donc, l’idée d’une histoire est qu’elle contient quelque chose de surprenant. Mais ce n’est pas suffisant pour en faire une véritable histoire. Bien sûr, il y a quelque chose de définitivement étrange à trouver un message dans une bouteille. Le quotidien du personnage est certes bouleversé mais cela ne suggère rien pour une éventuelle histoire.
Pour ce faire, il faut que ce message signifie quelque chose pour le personnage. Il faut que l’inhabituel s’inscrive dans quelque chose qui ait de la signification pour le personnage. En d’autres mots, il est nécessaire que le surprenant s’inscrive dans un contexte.
Sans contexte, trop de possibilités narratives
On pourrait croire que notre muse libérée de toutes contraintes nous ouvre des horizons pour écrire. Détrompons-nous. La perspective d’infinies possibilités est vraiment paralysante. Trop de choix est angoissant. Et nous finissons par écrire des événements certes étranges et surprenants mais souvent vains.
Un problème isolé autant étrange qu’il soit ne peut donner une histoire. Une intrigue ne se résout pas seulement avec la bravoure dont peut faire montre un personnage. Là où l’histoire devient possible, c’est lorsqu’elle est capable de montrer les effets que cet événement inattendu a sur le personnage.
Le contexte devient ainsi celui d’un problème interne au personnage et non extérieur. L’auteur doit donc connaître ce contexte avant même le processus d’écriture. Il doit savoir quelle est la source de ce conflit interne qui taraude son protagoniste.
C’est précisément le cœur de l’histoire, ce dont elle parle vraiment.
Par exemple, votre héroïne veut s’attaquer à quelque chose de très difficile qu’elle n’a jamais fait auparavant. Tout son entourage tente de la convaincre de renoncer à ce projet. Mais plutôt que d’abandonner, elle rassemble un courage et une force dont elle ne se sentait même pas capable et décide d’aller jusqu’au bout. Cela ne présage évidemment pas si elle réussira ou non.
Ce qu’il est important de voir dans ce synopsis est la prémisse qui énonce de croire en soi-même même si autrui tente de vous en dissuader. Et là, vous mettez le doigt sur le problème du personnage au début de l’histoire qui est un manque de confiance.
Cette faiblesse dans la personnalité du personnage est ce qui est véritablement porteur d’une histoire. Et le Et si.. ? devient un choix personnel difficile à faire. La situation initiale est un dilemme, c’est ce qui est donné à voir au lecteur.
Une lutte interne
L’idée ou la prémisse doit avoir en elle quelque chose de vrai qui décrit la lutte intime que se livre le personnage principal. Les situations inventées à partir du Et si… ? refléteront ou actionneront ce combat personnel.
Parce que nous en avons vraiment besoin.