Les scénarios sont composés d’actes qui s’analysent eux-mêmes en séquences. Puis les séquences en scènes qui elles-mêmes sont composées de moments que les anglo-saxons nomment beats.
Une scène est censée être une unité dramatique avec un lieu et un temps. Si le lieu change, si le temps change, la scène change. Comme chaque scène devrait faire avancer le récit, à la fois son intrigue et ses personnages, il est plus commode que lorsque l’on parle de scènes, de se référer plutôt à une séquence.
Une scène devrait être motivée par ce qui la précède et elle-même être l’initiatrice d’un moment futur.
De la cause à l’effet
La loi de causalité peut s’appliquer à la fiction. Quelque soit l’opinion qu’un auteur ou une autrice puissent avoir par ailleurs sur la légitimité des relations causales dans la vie réelle, il n’en reste pas moins que l’écriture d’une œuvre de fiction sera facilitée en se fondant sur un lien de cause à effet.
En somme, une scène au présent narratif est composée de réminiscences, de souvenirs d’événements passés et d’une attente, d’une anticipation d’événements futurs.
Justifier une scène
La légitimité d’une scène peut s’expliquer par l’implication plus avant dans le problème (ou Story Goal) du personnage principal. En fait, chaque scène ou séquence devrait diriger le lecteur et la lectrice vers le climax, c’est-à-dire le préambule du dénouement de l’histoire.
Pour s’en assurer, il suffit de se demander
- Quelle est l’utilité de cette scène ? Les informations qu’elle véhicule sont-elles indispensables ? Par exemple, est-il indispensable qu’elle lui déclare qu’elle le quitte ? ou bien ne pourrait-on simplement la montrer s’éloigner dans le chemin sans se retourner ? et faire l’économie d’un tête à tête qui pourrait casser le rythme et être redondant.
- Pourquoi ai-je besoin de cette scène ? Qu’est-ce qui vous a poussé à l’écrire ? Gardez à l’esprit que votre muse peut musarder et vous entraîner vers des élans lyriques inutiles. Ce n’est pas le désir qui est important ici. Vous serez toujours en manque d’écrire quelque chose. C’est pour cela que vous écrivez.
Ce que vous devez comprendre, c’est la nécessité de cette scène spécifique pour le récit dans son ensemble. En quoi l’articulation de cette scène dans le tout est nécessaire à ce tout. - Quel est le but de cette scène ? Après vous être persuadé de la nécessité de la scène ou ne pas vous être résolu à la supprimer, vous devez définir son but. Par exemple si vous souhaitez communiquer à votre lectrice et à votre lecteur que votre héroïne est une sportive, vous pourriez créer une scène où on l’a voit sauter en parachute ou bien la faire rentrer chez elle et l’a montrer rangeant un parachute dans son garage. Le lecteur/spectateur en déduira intuitivement un lien entre le parachute (l’objet) et la qualité de sportive de votre personnage.
- Une scène devrait donc révéler quelque chose de nouveau à propos d’un personnage ou du récit. Posez-vous la question de ce qu’elle révèle.
- Un autre point important à ne pas négliger, c’est de savoir si le lecteur/spectateur sera accroché par la scène. C’est-à-dire est-ce que celle-ci excite sa curiosité et lui donne l’envie d’en savoir plus ?
Visualiser les scènes
C’est le mantra d’un scénario. Il faut montrer les choses. Dans Witness, par exemple, au moment de la pause lors de la construction de la grange, Rachel qui est censé épouser un Amish énonce son choix de John qui n’est pas Amish en lui servant en premier un rafraîchissement.
Pourquoi laissez échapper par des lignes de dialogue ce que deux personnages pensent ? Supposons deux personnages qui ont de tendres sentiments l’un envers l’autre mais qui combattent ces sentiments. Un peu comme Tony et Angela dans Madame est servie.
Il sera plus efficace d’inventer des situations qui détourneront le moment de la révélation parce que l’auteur ou l’autrice ne veulent pas que cette révélation ait lieu (du moins pour le moment). Imaginons qu’un homme et une femme s’aiment tendrement mais ne veulent pas se l’avouer mutuellement ni à eux-mêmes. Ils se promènent dans la campagne et s’apprêtent à traverser un pont.
Avant le passage du pont, tout était réuni pour la déclaration de leur amour. Une ligne de dialogue comme par exemple :
Lorsqu’on aime quelqu’un, il faut lui crier son amour. Immédiatement.
Ou alors..
Et le couple traverse le pont et le dialogue continue :
Le moment t’échappera et il sera trop tard.
Ainsi, le passage du pont devient une métaphore qui renforce les lignes de dialogue et confirme l’information que l’amour est une fois de plus retardé.
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